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Cette maîtrise pose les premiers jalons d’une compréhension détaillée de l’impact des arbustes fruitiers sur les oiseaux en sapinière boréale. D'un point de vue végétal, cette étude présente un aperçu exploratoire de l’influence de l’éclaircie précommerciale sur la dynamique des arbustes fruitiers en forêt boréale. Il semble que l’abondance des arbustes est maintienue dans les peuplements traités par un éclaircie précommercial à valeur faunique, à la fois parce qu’ils sont conservés lorsqu’ils n’offrent pas de compétition aux tiges éclaircies ou sont restaurés par un fort potentiel de régénération végétative lorsqu’ils sont coupés. Malgré une grande variabilité dans les jeunes coupes, la tendance des données montre une abondance plus élevée des arbustes fruitiers dans les peuplements éclaircis, mais les différences n’étaient généralement pas significatives. Néanmoins, ces résultats remettent en question le fondement des préoccupations quant à l’élimination possible des arbustes fruitiers suite à l’ÉPC, du moins dans les conditions d’ÉPC à valeur faunique appliqué à la Forêt Montmorency. Toutefois, la portée des conclusions est limitée vu les particularités de la sylviculture à la Forêt Montmorency. Ainsi, les résultats de cette étude ne peuvent être directement transposés à l’ÉPC conventionnelle, puisque l’application de l’ÉPC à la Forêt Montmorency est plus tolérante dans l’évaluation des tiges compétitrices. Toutefois, certaines études démontrent que la réponse positive de la strate arbustive suivant l’ÉPC est souvent proportionnelle à l’intensité d’éclaircie due à une augmentation de la disponibilité de lumière et de nutriments (Doerr et Sandburg 1986). Ainsi, il est possible que l’ÉPC conventionnelle maintienne aussi bien l’abondance et favorise la croissance des arbustes fruitiers. Mais, d’autres études seront nécessaires pour tester cette hypothèse de manière plus générale. Il est aussi possible que plus de tiges soient coupées dans l’EPC conventionnelle et que le nombre d’arbustes fruitiers soient diminué si le maintien des arbustes fruitiers dans l’EPC à valeur faunique est principalement du au fait qu’ils ne sont pas coupés.

Nous avons restreint l’utilisation de variables de site à la pente, exposition et altitude pour limiter le nombre de variables et simplifier les modèles utilisés. Toutefois, d’autres variables de sites telles le dépôt et le drainage, ou même des unités synthèse de ces variables telle le type écologique, pourrait être utilisées pour mieux expliquer la répartition

côté, le drainage est souvent déterminé à l’aide de plantes indicatrices. Ainsi, on doit être prudent en vérifiant l’influence du drainage sur l’abondance d’arbustes fruitier, car il est possible que certaines espèces d’arbustes fruitiers (tel la viorne) aient déjà été utilisées pour déterminer le drainage. 0% 50% 100% 20 30 31 40 50 51 Classes de drainage % d e p o in ts 0% 50% 100%

1A 1AY 2A 2BE 3AN 7T

Dépôt de surface % d e p o in ts 0% 50% 100% MS21 MS22 MS25 RS21 RS24 RS25 Type écologique % d e p o in ts

Figure 14. Répartition des points d’inventaire d’arbustes fruitiers dans le peuplements éclaircis (gris) et témoins (noir) selon le dépôt de surface, la classe de drainage et le type écologique.

Dans un contexte d’aménagement faunique, les résutlats du chapitre 1 militent clairement en faveur d’une rétention des arbustes fruitiers dans les jeunes peuplements en sapinière boréale. L’augmentation de l’abondance d’arbustes fruitiers ne peut qu’avoir des

avons démontré que les petits fruits, particulièrement ceux du sureau rouge, sont une ressource prisée par les oiseaux en raison de leur consommation totale en peu de temps, ainsi que par la diminution de l’abondance relative d’oiseaux frugivores dans les sites ayant subi une réduction de l'abondance de fruits. Contrairement aux régions tropicales où les fruits sont souvent surabondants (Morton 1973), les fruits sont généralement saisonniers à des latitudes tempérées et boréales et sont disponibles au moment où la demande est la plus élevée (mue et migration). Ainsi, le taux élevé de consommation de petits fruits suggère que cette ressource pourrait être limitante, c'est-à-dire que l’abondance de fruits n’est pas suffisante pour répondre à la pression de consommation. Il est difficile de recommander un seuil d’abondance d’arbustes fruitiers qui permettrait de répondre à cette demande, puisque dans le cadre de cette étude, la variabilité naturelle de l’abondance de fruits entre les sites témoins n’était pas suffisante pour détecter une variation du taux de consommation ni de l’abondance relative d’oiseaux. Cela nécessiterait d’autres études expérimentales afin d’établir la relation entre la variation d’abondance de fruits et le taux de consommation, par exemple, en augmentant la quantité de fruits disponibles (voir Borgmann et al. 2004, Boutin 1990) pour connaître le seuil de satiété de fruits. En effet, plusieurs études ont démontré que les taux de consommation diminuent lorsque les fruits sont en surabondance (Herrera 1995, Parrish 1997, Telleria et Perez-Tris 2007). Enfin, il est possible que les oiseaux profitent de la disponibilité des fruits, mais que d’autres facteurs (prédation) soient plus déterminants pour la survie à la période post-reproductrice. Ainsi, il serait important de déterminer si la disponibilité de fruits joue un rôle prépondérant pour la survie des oiseaux, particulièrement pour les juvéniles. Dans un tel cas, le maintien des arbustes fruitiers devra être priorisé lors de l’aménagement des jeunes peuplements, afin d’assurer le maintien d’habitats de qualité à cette période.

La portée de cette étude est restreinte en termes de connaissances sur la variabilité à long terme de production de fruits en sapinière boréale, puisqu’elle ne s’étend que sur deux ans. Il est bien connu que la production de fruits peut varier substantiellement d’une année à l’autre selon la température, les précipitations et les années semencières pour les essences qui n’ont pas un cycle de reproduction annuel, de même que d’un site à l’autre dans un endroit donnée. Ainsi, seule une étude à long terme sur la variation annuelle de la

représentatives ou non en termes de production de fruit et du taux de consommation de ces fruits. Malgré cela, l’abondance élevée d’arbustes fruitiers suivant l’ÉPCvf indique un potentiel de production de fruits égal, et même possiblement plus élevé dans certains cas, qu’aux peuplements naturels (non éclaircis), malgré la variabilité annuelle dans la production de fruits pour un même nombre d’arbustes fruitiers. Évidemment, pour cela on doit poser l’hypothèse que la quantité de fruits produite est proportionnelle au nombre d’arbustes fruitiers. Or, on doit considérer que la taille des tiges suivant l’ÉPCvf n’a pas été prise en compte dans cette étude. Même si l’abondance initiale d’arbustes est rapidement restaurée, il va de soi que les tiges coupées sont plus petites immédiatement après le traitement. Comme nous ne connaissons pas la proportion de tiges maintenues par rapport aux tiges coupées et restaurées dans les peuplements éclaircis, il est difficile d’estimer l’effet de l’ÉPCvf sur la production de fruits. Puisque la taille des tiges est souvent proportionnelle à la production de fruits, la quantité de fruits disponibles dans les peuplements éclaircis pourrait être réduite si une proportion substantielle a été coupée. D’un autre côté, certains arbustes sont favorisés par la taille drastique. Par exemple le sureau (Sambucus sp.) se trouve parmi les genres les plus rapides à croître de façon végétative et suivant la coupe d’un plant à tige unique, plusieurs tiges s’ensuivent. De plus, les nouvelles tiges peuvent fleurir aussi jeune que 1-2 ans (Wender et al. 2004) puisqu’elles originent de racines préétablies beaucoup plus vielles. La taille drastique (au sol) pour renouveler les tiges de Sambucus est une pratique commune en arboriculture afin d’augmenter la production de fruits du Sambucus cultivé (Denis Charlesbois 2008, comm. pers). Ainsi, l’EPC pourrait émuler ce genre de traitement pour des arbustes naturels dans les jeunes coupes afin d’y augmenter la production de fruits. Néanmoins, la conservation d’une certaine proportion de gros arbres ou arbustes s’avère d’une importance écologique pour la faune, puisque ceux-ci offrent à la fois couvert et nourriture et sont les plants qui ont plus souvent qu’autrement un fort potentiel de production de fruits (Wender et al. 2004). Exclure du traitement certaines portions (bandes ou îlots) des peuplements éclaircis permettrait de conserver un certain couvert pour les espèces affectionnant les milieux denses (de Bellefeuille et al. 2001, Ausband et Baty 2005, Woodcock et al. 1997) et assurer le maintien d’une certaine proportion de gros arbres ou arbustes fruitiers. Dans le contexte

arbres et arbustes fruitiers, ainsi que les facteurs régissant la croissance et la production de fruits en milieux forestier, afin de prioriser la conservation ou recommander la coupe des différentes espèces d’arbustes fruitiers.

Nous avons démontré que les arbustes fruitiers sont fortement agrégés dans les jeunes coupes. Cela peut être avantageux pour les oiseaux qui s’y nourrissent en limitant les déplacements nécessaires d’un arbuste à un autre, réduisant ainsi le risque de détection par les prédateurs. En effet, lorsque la distribution de nourriture est hétérogène, l’efficacité de recherche de nourriture est augmentée par la sélection de sites où la ressource est la plus copieuse (Rey 1995). Cela est d’autant plus important puisque la majorité des oiseaux subissent une mue pendant la saison de maturation des petits fruits, ce qui rend les déplacements beaucoup plus coûteux en termes d’énergie. L’étude expérimentale de retrait de fruits a ciblé des agrégations de tiges de sureau à l’échelle locale et l’abondance relative d’oiseaux frugivores a significativement diminué dans les parcelles sans fruits. Toutefois, il n’y avait aucune relation entre l’abondance des oiseaux et des fruits au-delà de quelques mètres des filets, ce qui laisse croire que les oiseaux frugivores sont fortement associés aux agrégations d’arbustes fruitiers. Or, l’ÉPCvf semble diminuer le taux d’agrégation des arbustes fruitiers, possiblement en rendant les conditions de croissance plus homogènes à travers les peuplements éclaircies. Ainsi, une réduction de l’agrégation des arbustes fruitiers pourrait avoir une influence négative sur l’efficacité de recherche de nourriture des oiseaux frugivores, ou du moins augmenter les déplacements nécessaires et par le fait même le risque de prédation. D’un autre côté, une plus faible agrégation pourrait réduire la compétition intra- et inter- spécifique entre les oiseaux pour les petits fruits. Cependant, si le traitement diminue l’hétérogénité par une augmentation de l’abondance des arbustes fruitiers, le traitement serait en fait favorable du point de vue des oiseaux. L’uniformisation spatiale de la répartition des arbustes fruitiers suite aux ÉPC est un phénomène intriguant, dont les répercussions sur les oiseaux sont potentiellemenmt importantes, bien que peu explorées ici. Ainsi, l’impact de la réduction d’agrégation des arbustes fruitiers suivant l’ÉPCvf sur la qualité d’habitat des oiseaux forestiers demeurent incertaine. D’autres études sont nécessaires afin de comparer le taux de consommation de fruits par les oiseaux frugivores entre les peuplements traités et non-traités en ÉPCvf. Un défi de taille serait

éclaircis vs témoins, en lien avec l’abondance et l’agrégation des arbustes fruitiers.

L’importance de la période post-reproductrice est souvent sous-estimée dans le cadre de stratégies de conservation. La conservation d’habitat de nidification dans les paysages aménagés est essentielle pour de nombreuses espèces ayant une niche écologique étroite tels les oiseaux de forêt mature, mais la protection de ces habitats s’avère insuffisante pour les espèces dont les besoins d’habitat changent pendant la saison post- reproductrice (Vega Rivera et al. 1999). En effet, de nombreuses espèces d’oiseaux associées aux forêts matures se déplacent vers les forêts en début de succession à la période post-reproductrice (Rappole et Ballard 1987, Anders et al. 1998, Vega Rivera et al. 1998a, Pagen et al. 2000, Vitz et Rodewald 2006, 2007, Bocetti 1993). La fréquence de capture plus élevée d’oiseaux de forêt mature dans les filets parallèles que perpendiculaires aux lisières forestières suggère que ces espèces se déplacent dans les coupes de façon à les traverser et se rendre d’un peuplement de forêt mature à un autre (hypothèse du transit). Toutefois, cela n’exclue pas la possiblité que ces oiseaux se nourissent de fruits dans les coupes en s’y déplaçeant, car en effet, les oiseaux frugivores de forêt mature étaient localement associés à la densité de tiges d’arbustes fruitiers. Une étude suivant une approche semblable à celle-ci, c'est-à-dire avec des filets placés selon différentes orientations par rapport aux lisières boisés, liée à une l’approche plus classique reliant l’occurrence des espèces de forêt mature à la proximité de fruits, permettrait de vérifier l’influence des fruits sur le déplacement des espèces de forêt mature dans les coupes. De plus, une comparairson de l’abondance générale de fruits d’une coupe à l’autre permettrait de vérifier si, lorsque les fruits sont plus rares dans une coupe, le patron parallèle vs perpendiculaire est plus significatif.

Il semble que l'abondance de fruits et le transit entre les peuplements matures explique en bonne partie l'abondance des oiseaux dans les jeunes peuplements en fin d'été. Nos résultats soulignent l’importance de maintenir une mosaïque forestière hétérogène, formée de peuplements de différents stades de succession afin de répondre aux besoins du plus grand nombre d’espèces possible se retrouvant en sapinière boréale humide. Cette mosaïque doit aussi assurer la proximité des différents types d’habitats dans le paysage

reproduction. Toutefois, le type de paysage influence l’écologie des oiseaux lorsqu’ils sont à la recherche de petits fruits. Cette dernière recommendantion s’applique dans le contexte d’un régime de perturbations à petite échelle (ex - épidémie de tordeuse ou trouées de chablis dispersées). Dans le contexte d’un régime de perturbations à grande échelle, par exemple dans la pessière où le feu dévaste de grandes superficies, l’utilisation des peuplements perturbés par les oiseaux est possiblement différente. Ainsi, les résultats de cette étude peuvent difficilement être extrapolés à ce contexte. D’autres études devront être effectuées afin de connaître jusqu’à quelle distance les oiseaux de forêt mature s’aventurent dans les jeunes peuplements ou quelle distance ceux-ci vont accepter de franchir pour traverser une coupe ou un feu d’une lisière de forêt mature à une autre. Finalement, dans un contexte d’aménagement écosystémique, les coupes partielles pourraient augmenter l’abondance d’arbustes fruitiers par une plus grande ouverture du couvert, tout en maintenant un habitat de qualité pour les espèces de forêt mature (Thysell et Carey 2000).

Bibliographie pour l’introduction et la conclusion

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