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Le transport est un besoin élémentaire associé à l'indépendance, l'autonomie et la qualité de vie des personnes. L'accessibilité et le coût abordable des transports sont des enjeux importants pour les aînés puisqu'ils permettent de soutenir leur mobilité. Les personnes âgées doivent pouvoir se déplacer sereinement au sein de leur bassin de vie afin de pouvoir profiter des services qui leurs sont proposés et de choisir les activités sociales qui leur correspondent. Dans les années à venir, plusieurs défis sanitaires inédits se présenteront parmi lesquels on retrouve la responsabilisation du citoyen, la mise en place de services innovants et la promotion d’environnements accueillants pour les personnes âgées. Identifier des pistes d’intervention et les évaluer sont des préalables indispensables afin de réunir les conditions permettant aux personnes âgées de demeurer le plus longtemps possible en activité et ainsi favoriser leur qualité de vie et leur bien-être. Pour réussir ces missions, il faut aussi donner aux personnes âgées le « pouvoir d’agir » et les accompagner afin d’atteindre les conditions nécessaires pour préserver leur santé et leur autonomie.

Durant ma carrière trois étapes se sont succédées. A la différence des jeunes chercheurs qui arrivent maintenant au laboratoire déjà formés à la publication, lors de mon début de carrière il y un peu moins de 15 ans, mon premier quadriennal m’a permis de me familiariser avec l’écriture scientifique. Le second m’a permis de forger mon ancrage disciplinaire autour de deux thématiques fortes. Et le troisième quadriennal m’a permis de pratiquer une ouverture vers des disciplines connexes, d’être plus en lien avec l’action publique et plus proche de l’innovation en développant des collaborations plus vastes. De nouvelles structures fleurissent dans notre paysage comme des agences d'études et de conseil pour les entreprises et les collectivités ou encore des maisons de la mobilité de l’autonomie. Ces structures contribuent grandement au développement et à la promotion d’innovations sociales et d’innovations dans les transports. Il sera impératif de renforcer nos liens avec ces nouveaux partenaires très stimulants, nous pourrons ainsi faire un pas supplémentaire vers l’agir, se tourner vers des actions encore plus collaboratives et évaluer plus facilement les innovations proposées.

Sur cette problématique du vieillissement et de la mobilité, nous avons comme devoir de faire entendre les défis à relever pour que les personnes âgées maintiennent leur mobilité, une santé mentale positive et une bonne qualité de vie avec ou sans permis de conduire. Comme le souligne Stinchcombe et al (2015), la communauté en psychologie de la conduite a un rôle essentiel à jouer : elle s’efforce de soutenir la sécurité, d’évaluer le plus précisément possible la performance de conduite, de faciliter le maintien de la mobilité et d’organiser une transition douce vers la déprise de la voiture lorsque la conduite n’est plus une option raisonnable. L’évaluation de l’aptitude à la conduite doit ainsi être menée de manière pluri-professionnelle. La psychologie de la conduite a beaucoup à apporter au confort des médecins en charge de la prise de décision d’aptitude. Pour un médecin, envisager l’arrêt de la conduite avec son patient et son entourage n’est pas aisé tant cette décision a un impact émotionnel fort pour le conducteur et des conséquences possiblement lourdes pour son entourage. Il est beaucoup plus aisé d’aborder cette discussion avec une tierce personne formée pour accompagner le conducteur dans sa décision. Le psychologue de la conduite pourrait ainsi être un maillon essentiel d’un dispositif permettant au conducteur et à son entourage de choisir les meilleures options de mobilité qui se présentent.

Dans mon projet scientifique, on retrouve mes deux thématiques complémentaires originelles mais elles sont à des niveaux de maturité différents. Dans la première thématique (apport de la psycho-ergonomie à l’étude de la mobilité des séniors), il reste à produire un inventaire critique des interventions qui pourront être proposées aux personnes âgées et/ou handicapées, les évaluer et

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développer les arbres de décisions pour faciliter leur utilisation. Pour la seconde thématique (facteurs humains et conduite automobile) - en plein essor avec l’avènement des véhicules automatisés et demain autonomes – les recherches que nous mènerons permettront de promouvoir les trois formes d’agir (l’agir instrumental, l’agir moral et l’agir expressif). Les stratégies de développement de ces thématiques sont différentes : les recherches sur le thème du vieillissement devront être soutenues par une forte dynamique internationale (Québec, Europe) alors que, pour les recherches en neuroergonomie, nous renforcerons tout d’abord notre ancrage au niveau national en cherchant à travailler en collaboration avec l’Institut universitaire Champollion d’Albi et l’ISAE à Toulouse. Les quatre directions de recherche pour lesquelles je détaille des voies de développement dans ce mémoire d’HDR (accompagner la puissance publique sur certaines questions en lien avec la mobilité des séniors et la sécurité routière, mieux prévenir les effets négatifs du vieillissement, ne pas laisser les usagers âgés en marge de la révolution numérique et mettre en œuvre un continuum de mobilité par un continuum d’intervention) vont me permettre de m’investir pleinement dans un travail qui je l’espère sera au bénéfice de notre société.

Quelques éléments supplémentaires sont intéressants à considérer afin d’avoir une vision à plus long terme. Le monde de la santé publique doit passer d’une réflexion purement axée sur la santé à un modèle plus social. Comme cela a été fait au préalable dans le monde du transport, ce secteur doit s’ouvrir à de nouvelles approches et à leurs méthodes pour comprendre et adapter la réponse aux nouveaux défis de société qui nous attendent. S’ouvrir à l’étude de nouveaux déterminants, comme les comportements individuels ou sociaux, les environnements physiques, et travailler avec de nouveaux critères, comme la qualité de vie, le bien-être, mais aussi de nouveaux risques comme le risque d’immobilité sont des pistes à discuter. L’antériorité de certaines recherches en psychologie sociale menées dans le monde des transports, en particulier sur la résistance aux changements de comportements, pourrait permettre d’attaquer de nouvelles questions de recherche en santé avec un regard neuf.

Par ailleurs, Spira (2014), souligne aussi une nouvelle tendance liée à l’usage de données numériques : « on peut désormais collecter et traiter de grandes masses d’indicateurs de santé, recueillies dans des lieux et à des moments différents ». Grâce à cette profusion de données et à leur traitement rendu possible par les ordinateurs, les hypothèses émergent d’elles-mêmes, sans qu’il soit nécessaire de les formuler avant. Voici une révolution qu’il nous faudra accompagner. Comme les coûts liés à la collecte des données vont baisser, nous allons aussi pouvoir plus facilement suivre des cohortes pour comprendre les processus de risque et de résilience. Nous allons aussi pouvoir développer des études interventionnelles pour organiser les systèmes de prise en charge des personnes fragiles. Les apports de l’imagerie cérébrale sont aussi prometteurs. Disposer d’informations sur les bases biologiques du comportement dans des cohortes, où la santé et les caractéristiques de l’environnement sont mesurées de manière répétée, aidera à mieux comprendre les déterminants sociaux et biologiques des trajectoires de santé au cours de la vie sont des perspectives enthousiasmantes. En se tournant vers des problématiques en rapport avec la santé, la recherche portant sur les facteurs humains dans les transports devrait produire des résultats socialement intéressants.

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Figure 21 : Représentation schématique pour la plannification en matière de santé de la population (d’après Kindig et al., 2008)

Comme annoncé par Jérémy Rifkin, économiste et prospectiviste, nous sommes face à « une troisième révolution industrielle qui marquera l’émergence d’un modèle économique fondé sur le partage et les communautés collaboratives » (Rifkin, 2011). Il s’agit selon lui de la seule solution mondiale à la crise énergétique et économique. Cette économie de partage est donc très importante pour faire face à nos futures dépenses de transport. Collaborons donc pour contribuer au partage des connaissances, des expériences et des idées afin d’offrir à tous nos concitoyens la chance de bien vieillir !

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