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Les conséquences d’une contamination microbienne excessive des produits végétaux, en particulier des fruits et légumes, représentent un frein à la valorisation à la fois du produit et de son coproduit. En effet, au cours de leur croissance, récolte, transport, autres transformations et manipulation, les pommes, par exemple, peuvent être contaminées par divers microorganismes provenant du sol, de l’air, de l’eau ou des déchets animaux. Afin de réduire le développement microbien, différentes pratiques de traitements phytosanitaires sont pratiquées, plusieurs fois pendant la production. Limiter l’utilisation de certains intrants, dans le but de préserver l’environnement et une alimentation sans ou avec de faibles teneurs en résidus, est une préoccupation de certains agriculteurs. La conséquence de cette limitation est le développement accru de microorganismes d’altérations ou pathogènes comme, les bactéries, les levures et les moisissures. Dans ce cas, l’application d’un traitement assainissant sévère est recommandée pour garantir la sécurité alimentaire mais limite le maintien des qualités organoleptiques et nutritionnelles du produit et minimise les chances de valorisation de ses coproduits.

Ainsi, la mise en place de (pré-)traitement avant ou pendant les process de transformation a été envisagée pour le contrôle et la maîtrise des charges microbiennes. Le choix de la technologie doit tenir compte des contraintes environnementales, de satisfaction du consommateur mais aussi avec la volonté de valorisation maximale de la matière première (coproduits : fibres, polyphénols…). Le choix de la technologie dépendra de la matière première. Pour les pommes, le traitement thermique basse pression et une ozonation ont été retenus pour l’assainissement de l’épiderme. L’évaluation de l’efficacité des traitements nécessite une étude de l’écologie microbienne de la matière première en appliquant des méthodes de dénombrement et d’identification rapides.

Les travaux de thèse ont donc dans un premier temps portés sur l’étude de l’écologie microbienne de la pomme avant et pendant le stockage. Nous avons cherché à substituer la méthode classique de dénombrement par une autre plus rapide (Tempo®). Puis, des techniques de biologie moléculaire par PCRq, séquençage et PCR-DGGE ont été utilisées pour la quantification et l’identification des espèces. Elles nous ont apporté les connaissances nécessaires pour définir l’efficacité de traitements assainissant dans la réalisation de challenge test process. Enfin, nous avons eu l’opportunité de mettre en pratique ces différentes démarches scientifiques acquises pour le choix et la faisabilité de traitements de désinfections pour un coproduit végétal.

Au début de ces travaux, nous avons validé la substitution de la méthode classique de dénombrement sur gélose par la méthode rapide et semi-automatique Tempo®. Cette dernière, grâce à ces innovations basées sur la méthode des NPP, était adaptée à nos besoins car elle permet le traitement de gros volumes d’échantillons. Cette étude nous a permis de mettre en évidence l’importance de la matrice et de l’espèce microbienne sur les résultats de dénombrement. Les effets de matrice couplés à des flores microbiennes particulières peuvent biaiser les dénombrements entre les deux méthodes, comme nous l’avons vu avec les pommes issues de la culture raisonnée (R).

170 Cependant et en toute connaissance de cause, nous avons utilisé la méthode Tempo® pour le suivi des flores microbiennes au cours du temps.

La mise au point d’une méthode de dénombrement par PCR en temps réel nous a de nouveau alerté sur l’importance de la matrice pour les dénombrements. Lors du choix des amorces permettant l’amplification « universelle » des champignons, nous avons été confrontés à des problèmes de positivité de la matrice pomme. Sur les 4 couples d’amorces testés, un seul n’a pas réagi avec l’ADN de pommes. Il a fallu cependant faire des compromis sur l’étendu du spectre de ces amorces. Ainsi, seuls les 4 phylums majoritaires sont amplifiés. La conséquence est minime, car d’après nos résultats et selon la bibliographie, les espèces peuplant la surface du fruit se trouvent dans ces phylums. La poursuite de cette étude sur les flores naturelles est nécessaire car les difficultés techniques rencontrées nous ont empêché d’approfondir l’étude.

Les études quantitative et qualitative des flores microbiennes de pommes, avant et au cours du stockage, nous ont fourni les informations suivantes : chaque type de culture est caractérisé par une population microbienne qui lui propre ; les pommes Non Traitées sont les plus contaminées avec une flore fongique prépondérante, ce qui est logique puisque elles n’ont pas été traitée. Les analyses par séquençage d’ADN ont montré que Metschnikowia sp. représentait 83 % de la flore fongique. En revanche, les pommes Conventionnelles, ayant subi un traitement phytosanitaire drastique, présentent les taux de contamination les plus faible.

Les pommes Raisonnées possèdent des parts égales de Metschnikowia sp.et d’A. strictium (40 %). Pour les pommes Bio et Conventionnelles, les flores sont respectivement constituées de C. carnescens (54 %) et S. pararoseus (42 %). Toutes ces espèces sont couramment retrouvées sur l’épiderme des pommes mais aussi sur d’autres fruits comme la baie de raisin.

Après 8 mois de stockage au froid, une redistribution importante des espèces présentes a été observée. Pour les Bio, les effectifs de C. carnescens sont descendus à 40 % alors que Erythrobasidium hasegawianum et A. pullulans passent à 22 et 11 % des effectifs totaux. Pour les Conventionnelles, l’effectif de R. laryngis passe à 53 %, faisant disparaître S. pararoseus. Ces résultats obtenus nous confirment bien que les flores, en l’occurrence fongiques, varient en fonction de la période de stockage au froid. En effet, quelque soit le type de flore, nous avons constaté une diminution d’environ 90 % des effectifs totaux. Ces données sont très intéressantes car le froid jouerait un rôle biocide. Par ailleurs, il est également possible que les traitements de conservation, effectués au verger avant récolte, puissent agir lentement sur le long terme.

Les essais de désinfections à la vapeur en condition de challenge test ont permis d’appréhender l’effet biocide de la vapeur ainsi que son effet de lessivage. Cependant, nous avons vu que ceci n’était possible que pour certaines plages de température. A des basses températures aucun effet sur l’assainissement du fruit n’a été observé alors qu’à des températures élevées une altération irréversible de la pomme est remarquée avec des conséquences sur la qualité des composés antioxydants de l’épiderme. Des essais sur les flores naturelles restent cependant à réaliser. Pour le traitement assainissant à l’ozone, des écueils techniques ne nous ont pas permis de réaliser les essais nécessaires à l’évaluation de son efficacité. Ces incidents nous mettent en garde sur les difficultés que représentent la mise au point d’un pilote semi-industriel.

171 L’étude appliquée à des coproduits nous a permis de mettre en œuvre toute la démarche scientifique et technique de mise au point de traitement désinfectant. Nous avons constaté l’importance de la structure physique du produit qui influence l’efficacité du traitement. Dans notre cas, nous présumons que la présence d’anfractuosités de l’ordre de la dizaine de µm peut être responsable de l’échec des traitements rayonnant et gazeux. Elle serait également en partie responsable des vitesses lentes de montée en température à cœur des poudres. Les résultats obtenus nous permettent de mentionner l’importance de l’acquisition de certaines données tomographiques et physico-chimiques du produit pour un traitement efficace au même titre que l’identification et la quantification des microorganismes.

Pour la suite, il serait intéressant de poursuivre l’étude des flores microbiennes sur d’autres parcelles pour mieux appréhender l’impact des produits phytosanitaires et confirmer les tendances observées. L’utilisation de séquenceurs NGS (Next Generation sequencing), tel le pyroséquençage, nous permettrait d’augmenter le nombre de souches identifiées tout en réduisant considérablement le nombre d’étapes. La mise au point du traitement assainissant à l’ozone doit se poursuivre. Le couplage du traitement à la vapeur suivi d’une immersion dans de l’eau froide ozonée permettrait d’une part, de limiter le brunissement et les phénomènes de cuisson induits par la chaleur, et d’autre part, le choc thermique survenu permettrait l’augmentation de l’efficacité des deux procédés assainissants. Il sera également nécessaire de contrôler les qualités nutritionnelles des pommes pour quantifier l’impact de tels traitements sur les teneurs en vitamines, en polyphénols, en fibres et en sucres des épidermes.

Dans l’industrie de la pomme, 10 à 30 % du poids total de la matière première est écarté durant les process de transformation des jus et des compotes (épidermes, pépins). Ces coproduits sont une source importante de molécules antioxydantes. L’utilisation de matière première faiblement contaminée par des résidus de pesticides issus de la pétrochimie est donc recommandée. L’augmentation de la charge microbienne en résultat met l’accent sur l’importance de la mise au point d’un (pré-)traitement assainissant, avant stockage ou transformation. L’application d’un barème de traitement thermique, par exemple, moins sévère permettant ainsi de préserver les caractéristiques organoleptiques et nutritives du produit fini tout en assurant une meilleure valorisation de ces coproduits.

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