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Ce projet de recherche a permis d'approfondir les connaissances reliées à la flore utilisée par les colonies d'abeilles domestiques lorsqu'elles sont introduites successivement pour la pollinisation des cultures de bleuets nains et de canneberges. L'identification spécifique des plantes utilisées par les abeilles pour la récolte de pollen a ainsi été établie et l'impact subséquent sur le développement des colonies a été évalué pour chacun de ces deux environnements agraires du Québec.

La première hypothèse spécifique selon laquelle les colonies d'abeilles subissant une double transhumance dans des cultures de Vaccinium sont exposées à une plus faible diversité florale comparativement aux colonies témoins a été réfutée. À la fin de la saison, les colonies ayant subi une double transhumance dans les cultures de Vaccinium ont eu accès à une flore légèrement plus riche comparativement aux colonies témoins introduites dans les champs agricoles (témoin). Cette étude a permis d'identifier une grande partie de la flore naturelle présente dans l'environnement des bleuetières de la Côte-Nord (2008) et du Lac Saint-Jean (2009), ainsi que dans celui des cannebergières de la région des Bois- Francs (2008-2009) (voir résultats en Annexe 1). Par contre, cet inventaire ne caractérise pas de façon exhaustive la flore de ces régions. Les taxons identifiés sont ceux qui ont été choisis par les butineuses pour la récolte du pollen, donc ceux fournissant un apport protéique à A. mellifera. Cette collecte de données a été moins fastidieuse que le recensement complet de la flore environnante et nous nous sommes assurés de répertorier les taxons ayant une importance apicole.

Étant données les contraintes inhérentes au comportement de récolte de pollen par les abeilles (grosseur des pelotes, période de butinage, etc.), le nombre de pelotes de pollen récoltées a été vraisemblablement sous-estimé, pour certains taxons, lors de ce relevé. De plus, les colonies témoins ont peut-être eu accès à une flore plus diversifiée, mais elles se sont concentrées possiblement sur quelques sources florales très abondantes et de bonne qualité. Cette éventualité pourrait expliquer le peu de différence entre la richesse des taxons de pollen identifiés dans les trois traitements. Il est important d'ajouter que les résultats de

richesse et d'abondance des taxons de pollen ne tiennent pas compte de l'effort mis pour la récolte. Dans les monocultures, les butineuses ont du, sans aucun doute, voler sur de longues distances pour avoir accès à une flore riche, ce qui a pu ralentir le développement des colonies. La complémentarité des deux méthodes de récolte du pollen utilisées, soit les trappes à pollen et la récolte de pelotes sur les butineuses, a permis une identification qualitative suffisamment précise des taxons butinés. Elle demeure cependant moins exacte pour ce qui est de la représentation proportionnelle réelle de chacun de ces taxons.

Concernant cette première hypothèse, les données sur la richesse et l'abondance des taxons butinés par les abeilles auraient possiblement été plus précises si chaque colonie avait été munie d'une trappe à pollen. Les courbes de raréfaction indiquent que l'effort d'échantillonnage a été suffisant, mais les courbes représentent des valeurs attendues et non réelles. En effet, les butineuses de colonies adjacentes n'exploitent pas nécessairement les mêmes ressources florales.

La seconde hypothèse spécifique énonçant que le développement des colonies subissant un manque de pollen diversifié est affecté négativement a été confirmée. En effet, les colonies qui ont été introduites dans les monocultures de bleuets, où la flore naturelle environnante est plus pauvre en diversité, ont élevé significativement moins de couvain que les colonies témoins placées dans un environnement florifère plus diversifié. Il a été démontré que les habitats autour des bleuetières offre une flore pollinifère plus riche que celui des cannebergières. Malgré cette plus grande richesse en espèces de fleurs dans les bleuetières, l'évolution négative du couvain des colonies placées dans les sites du traitement V de cette culture suggère que les abeilles auraient possiblement subi des carences alimentaires pendant leur séjour dans ces monocultures. Les principaux taxons de pollen butinés par les colonies dans les monocultures de bleuets {Alnus, Taraxacum, V. angustifolium et Picea = 37 % du pollen total) ont tous une déficience en acides aminés essentiels et/ou un faible pourcentage de protéines (Loper & Cohen, 1987; Ramsay, 1987; Somerville & Nicol, 2006). Il est probable que la diminution du couvain dans ces colonies a

été causée par d'autres facteurs s'ajoutant aux lacunes alimentaires causées par un manque de ressources florales. Il est toutefois conseillé aux producteurs de bleuets nains et de canneberges de tenter de préserver une bonne diversité de plantes mellifères et pollinifères autour de leurs champs. L'accessibilité à une grande diversité florale est importante pendant toute la saison apicole puisque les carences alimentaires diminuent la survie hivernale des colonies.

Enfin, la troisième hypothèse spécifique, selon laquelle les rendements en fruits dans les cultures offrant une grande diversité florale sont plus élevés, n'a pu être validée. Plusieurs paramètres non contrôlables rendirent les rendements en fruits incomparables statistiquement soit : l'hétérogénéité des plants, la densité variable des plants dans et entre les champs, la productivité de chaque clones et cultivars, les différentes régies culturales de chaque entreprise, la présence et l'abondance de pollinisateurs introduits et indigènes et la petite superficie et le nombre insuffisant des parcelles récoltées comparativement à celle des sites. Il aurait été préférable d'obtenir les rendements moyens de chaque entreprise, mais ces données sont confidentielles. Les rendements en fruits n'ont donc pas permis de démontrer que la diversité florale nuit ou facilite la mise à fruits des cultures de Vaccinium.

Afin d'approfondir davantage nos connaissances sur l'importance de la diversité florale dans les cultures de Vaccinium, il serait pertinent de comparer, lors d'une étude complémentaire, l'évolution du couvain dans les cannebergières seulement. Les trois mêmes traitements de cette étude seraient comparés, mais sans introduction dans les bleuetières au préalable. Dans ces conditions, les effets de la pollinisation de la canneberge sur le couvain des colonies d'abeilles pourraient être évalués indépendamment des effets déjà subis suite à leur séjour dans les bleuetières. Les apiculteurs québécois constatent que le développement de leurs colonies est négativement affecté suite à la pollinisation de la canneberge. Par contre, les résultats de cette présente étude proposent que ce serait la pollinisation du bleuet, précédant celle de la canneberge, qui affecterait les colonies

négativement. Une nouvelle étude permettrait donc de démystifier les effets réels de la pollinisation de la canneberge sur le développement des colonies d'Apis mellifera.

Finalement, une des plus grandes réalisations de ce projet de recherche est d'avoir développé l'expertise d'identification du pollen frais : la palynologie. La paléo-palynologie (identification de grains de pollen dans les sédiments) est une science toujours pratiquée. Par contre, la palynologie liée à l'apiculture (identification de grains de pollen frais) est très peu pratiquée aujourd'hui au Québec. La palynologie offre plusieurs applications des plus pertinentes pour l'apiculture, telles :

• L'identification des plantes compétitrices d'une culture donnée.

• La détermination des plantes offrant des ressources florales complémentaires (nectar et/ou pollen).

• La spécification du moment d'adoption de la culture par les butineuses en lien avec l'évolution de la floraison.

• L'évaluation de l'effet répulsif, pour l'abeille, de certains produits phytosanitaires utilisés dans les cultures nécessitant les services de pollinisation.

• L'identification de la ou des sources florales composant les miels.

• La différenciation de la flore disponible aux abeilles dans différentes régions géographiques.

Cette expertise sera un outil important pour le développement de la recherche apicole au Québec puisque l'alimentation de l'abeille est un des facteurs pris en compte dans l'étude des causes du dépérissement actuel des colonies d'A. mellifera.

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