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CHAPITRE 5 CONCLUSION ET PERSPECTIVES

5.1 Conclusion générale

Les travaux présentés dans cette thèse visent à optimiser la perce des instruments de la famille des cuivres à partir de simulations sonores par modèle physique. L’approche utilisée consiste à rechercher la trompette qui correspond au minimum d’une fonction objectif, basée sur des sons simulés, pour un ensemble de masques correspondant aux musiciens "virtuels".

Les apports de ce travail se répartissent en trois catégories qui concernent : — l’acoustique musicale et la facture instrumentale,

— les méthodes d’optimisation basées sur des simulations,

— la psychoacoustique, afin de déterminer le pouvoir discriminant du modèle physique employé et l’intérêt des optima obtenus.

Au niveau acoustique, nous avons implémenté une méthode d’optimisation originale de la perce des instruments à vent de la famille des cuivres. En effet, les simulations sonores permettent d’ac-céder à des fonctions objectif d’un nouveau genre directement basées sur des caractéristiques so-nores de l’instrument. On peut s’intéresser à la justesse de l’instrument, non pas par la mesure de l’impédance d’entrée, mais directement par les sons qu’il génére. D’ailleurs, il serait intéressant de comparer les optima que nous avons obtenus, par notre procédure d’optimisation basée sur les simulations sonores (voir paragraphe 3.4.6), avec les optima équivalents obtenus par une procé-dure d’optimisation basée sur l’impédance d’entrée seule. Si les perces obtenues sont suffisamment différentes, on pourrait directement conclure que notre méthode présente un intérêt sur l’aspect justesse. Cependant, la justesse ne représente qu’une partie de toutes les fonctions objectif que l’on peut produire par la méthode présentée dans la thèse. En effet, le contenu spectral des sons simulés permet d’accéder à des fonctions objectif liées au timbre de l’instrument, ce qui n’a jamais été entrepris auparavant. Cependant, de plus amples études utilisant ce type de fonctions objectif sont nécessaires, afin de déterminer si les simulations sonores par le modèle physique utilisé permettent bien de travailler avec le contenu spectral. Enfin, les sons en régime permanent ne permettent d’ac-céder qu’au contenu spectral de l’instrument : il faudrait travailler avec des simulations sonores temporelles, afin d’avoir accès à d’autres aspects du timbre tels que les transitoires (d’attaque ou d’extinction).

Nous avons montré dans ce travail comment intégrer des simulations sonores dépendant de para-mètres de contrôle dans une procédure d’optimisation. L’optimisation basée sur des simulations est un champ en plein développement grâce à l’augmentation des capacités de calcul des

ordina-teurs. Dans notre cas, les simulations utilisées dépendent de paramètres de contrôle dont il faut tenir compte (les masques du musicien). L’approche employée repose sur un ensemble de jeux de paramètres de contrôle qui permet de déduire des performances moyennes de la fonction objectif. La force de cette approche réside dans l’obtention de perces basées sur une moyenne pour tout un ensemble de masques du musicien. On pourrait cependant imaginer une méthode qui chercherait à optimiser la trompette pour un masque par note produisant un son "optimal". Il s’agirait donc de deux procédures d’optimisation imbriquées l’une dans l’autre. La boucle extérieure itère sur les perces, et la boucle intérieure cherche, pour chaque perce, le musicien "optimal" pour chaque note. L’avantage certain de cette approche réside dans le peu d’informations préliminaires requises afin de mener à bien l’optimisation. La difficulté est néanmoins de savoir comment définir le masque "optimal".

Les résultats obtenus, notamment pour le problème à deux dimensions (voir paragraphe 3.4.6) permettent de conclure que la méthode d’optimisation implémentée a le potentiel d’obtenir le mi-nimum global de la fonction objectif. Dans le cas général, ne possédant aucune information sur les propriétés de la fonction objectif, on ne peut qu’espérer que la méthode donne réellement l’opti-mum global. Cependant, pour le facteur, l’optil’opti-mum n’est peut être pas d’un intérêt crucial, et une amélioration significative serait déjà appréciable.

Par ailleurs, l’auteur a dépensé une large partie de ses ressources à l’implémentation de pré-traitements préalables pour faire converger les solutions en auto-oscillation, réduisant ainsi le plus possible les étapes les plus coûteuses de la procédure d’optimisation. Ainsi, sur un processeur Intel Core i7 de 4ème génération1, la procédure obtient des résultats concluant en moins d’une journée de calcul pour des problèmes de dimension inférieure à 10. Au niveau informatique, la méthode est parallélisable à presque tous les niveaux, car, la majeure partie du temps, il faut simuler in-dépendamment des milliers de sons. Par conséquent, un facteur, qui aurait accès à un calculateur professionnel, pourrait facilement traiter beaucoup plus rapidement les mêmes problèmes. La vi-tesse de convergence de nos problèmes en fonction du nombre de variables d’optimisation n’est pas encore connue car nous sommes au début de l’implémentation de ce genre de méthode. Par ailleurs, bien que la méthode soit complexe, la majeure partie du travail est automatisée. Finalement, assez peu d’expertise est requise au niveau de l’optimisation pour obtenir des résultats. La vraie difficulté repose sur la définition de problèmes d’optimisation pertinents :

— il faut savoir quelles sont les variables d’optimisation d’intérêt (difficulté commune à n’im-porte quelle autre méthode d’optimisation),

— il faut déterminer la fonction objectif (difficulté elle aussi générale),

1. Intel Core i7-4650U (Haswell) bicœur avec 4 Mo de mémoire cache L3 de 1,7 GHz, 8 Go de mémoire DDR3L SDRAM cadencée à 1 600 MHz (MacBook Air mi-2013)

— il faut réussir à produire des simulations sonores à toutes les notes d’intérêt sur l’espace de conception envisagé.

Comme on peut le remarquer, seule la 3ème de ces difficultés est liée à la procédure d’optimisation par simulations sonores. La méthode de simulation sonore employée (dans notre cas, l’équilibrage harmonique) doit donc être maitrisée, afin de s’assurer d’une production fiable de sons. Cet aspect a été longuement étudié dans la thèse. En effet, dans le cas de l’équilibrage harmonique, cette pro-duction de simulations passe par la proposition d’un son initial menant à l’auto-oscillation. Cette question est abordée par 3 méthodes différentes dans la thèse (voir paragraphe 3.2.1, 3.3.4). Cepen-dant, ces 3 méthodes ne permettent pas d’obtenir systématiquement un résultat. L’existence d’une méthode systématique est même discutable dans le cas des auto-oscillations, les aspects théoriques étant, à l’heure actuelle, non maîtrisés. Par exemple, lorsqu’aucune auto-oscillation n’est obtenue, pour une perce et un masque donnés, nous n’avons pas la certitude qu’il est impossible d’obte-nir un son. Peut-être, tout simplement, n’avons nous pas fourni le bon son initial. Par conséquent, l’étude des paramètres menant à des auto-oscillations est primordiale pour améliorer la procédure d’optimisation envisagée dans cette thèse.

Une fois le problème d’optimisation défini, l’obtention des informations préliminaires à l’optimisa-tion est quasi automatique. Une fois ces ensembles définis et exploités, la procédure d’optimisal’optimisa-tion en elle-même est assez basique. En effet, à chaque itération :

— un certain nombre de masques "musicien" sont simulés en tenant compte des informations préliminaires récupérées en amont,

— la fonction objectif est calculée à partir de ces simulations,

— la valeur de la fonction objectif est donnée au logiciel NOMAD qui fourni une nouvelle perce solution.

On pourrait imaginer, dans un futur proche, fournir une version utilisateur clé en main de la pro-cédure d’optimisation implémentée dans cette thèse. Pour l’utilisateur, il suffirait de définir une discrétisation en éléments géométriques simples de la perce (cylindres, cônes), de définir les va-riables d’optimisation géométriques et de définir une fonction objectif et des contraintes. Mise à part la discrétisation en éléments géométriques simples, les deux autres étapes sont communes à n’importe qu’elle autre méthode d’optimisation.

Finalement, cette méthode est générique à toute procédure d’optimisation basée sur des simulations dépendantes de paramètres de contrôle. Par conséquent, rien ne nous empêche d’implémenter une procédure équivalente pour n’importe quel instrument, dont on peut obtenir des simulations par modèle physique pour un faible coût de calcul. On pourrait même généraliser cette méthode à tout système produisant des simulations dépendant de paramètres de contrôle. Le lecteur est invité à envisager d’autres contextes d’application.

Le dernier apport essentiel de cette thèse concerne la fiabilité du modèle et des optima par des expériences perceptives basées sur des simulations sonores par équilibrage harmonique. Ces expé-riences perceptives permettent de prendre du recul sur les résultats des études objectives. En effet, prétendre qu’un instrument est meilleur qu’un autre, par de simples critères basés sur des simula-tions sonores, n’a de sens que si l’auditeur est en accord avec les résultats. Il faut donc soumettre l’auditeur à des tests perceptifs, afin de vérifier le bien-fondé des conclusions basées sur les simu-lations sonores. Dans le cadre de la thèse, deux études perceptives ont été entreprises. La première cherche à déterminer la capacité du modèle à simuler des différences perceptibles entre plusieurs trompettes. Le seconde cherche à savoir si l’optimum trouvé lors d’une application de la procédure d’optimisation est bien perçu différemment de trompettes courantes. Cette étude est réalisée uni-quement avec des sons simulés. Les conclusions ont montré les capacités du modèle à produire des différences perceptibles. Les résultats sur les différences du spectre des sons nécessitent d’autres études.

La principale difficulté de ces expériences réside dans le choix des stimuli. En effet, étant donné que les simulations sonores dépendent de paramètres de contrôle, une infinité de possibilités est envisageable. Tout comme la procédure d’optimisation, le parti pris a été d’utiliser des sons moyens (pour la seconde expérience perceptive). Ce choix naturel n’en est pas moins arbitraire, et peut-être que l’on pourrait imaginer d’autres tests, afin de prendre en compte de manière plus réaliste la variabilité des sons qu’une même trompette peut produire.

Par ailleurs, la thèse ne s’intéresse qu’à des épreuves de discrimination. Ce passage obligé n’est qu’une première étape, et il faudrait dans un futur proche s’intéresser à la préférence des auditeurs, afin de déterminer si les optima trouvés sont bel et bien perçus "meilleurs" (plus "justes", ou plus "brillants", ...) que d’autres trompettes de l’espace de conception.

Enfin, la vérification finale concerne les sons que produirait un instrument réel. Par conséquent, une fois la perce optimale obtenue, il faudrait la construire, afin de la faire évaluer par un panel de musiciens pour déterminer son caractère optimal.