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Tout au long de ce mémoire, nous avons cherché à définir intrinsèquement ce qu’est un quar- tier d’invasion par delà toutes les définitions pré-établies.

L’étude de ces quatre maisons d’invasion explicite les quatre étapes principales de la vie et mort de ces quartiers particuliers : tout d’abord, sa naissance, illégale, illégitime, durant la- quelle le temps peut à la fois être un allié précieux et un ennemi. Cette période de fragilité détermine aussi le dialogue qui se poursuivra durant toute la vie de l’invasion : celui entre le dedans et le dehors, s’influençant mutuellement. Ils créent ensemble cette nouvelle urbanité empirique. C’est la cabane qui fait le quartier. Vient ensuite la période de croissance, où dans une impudence assumée, le quartier grandit aux yeux de tous, se structure et invente son propre langage, ses propres codes et sa propre histoire. Le passé et le futur forment ce qu’est l’invasion d’aujourd’hui, mélange entre un passé douloureux se lisant encore sur ces mor- ceaux de mémoire que sont les maisons. Et la reconnaissance propre de son existence amène l’invasion à être acceptée par le reste de la ville, et plus encore à agir sur elle. Or, cette der- nière, en réponse, agira elle aussi sur le quartier. D’une négation mutuelle naît alors un dia- logue. Cependant, il en faut pas oublier que ce microcosme qu’est le bidonville se recentre sur lui-même, à l’image de la maison qui cherche à s’éloigner d’un extérieur pouvant apparaître comme violent et dangereux. Or, comme la ville pour le quartier, l’espace public est nécessaire à la survie du noyau construit, et la fermeture de l’un vis-à-vis de l’autre n’engendrerait que leur mort progressive. L’ouverture est de mise, tout en faisant attention à ce que l’on laisse passer. Il serait bon avant d’intervenir de quelques formes que ce soit de réfléchir à la por- tée de nos actes. Ce moment d’ouverture s’accompagne aussi de l’officialisation de l’invasion devenant un bout de ville à part entière et non plus une entité autonome bordant ses fron- tières, comme un ennemi prêt à lui sauter à la gorge. Et enfin vient la phase d’absorption, où il n’est alors plus possible de différencier la maison d’invasion d’une maison d’architecte (ou de promoteur), le quartier auto-construit d’un quartier planifié. Sa qualité de prestations des services publics et son mode de vie se trouvent indifférenciés du reste de la ville. L’aboutisse- ment de la maison d’invasion sonne la mort de son quartier et du mode de vie qu’il supposait. Au final, l’invasion apparaît comme un autre moyen de faire la ville, plus lent mais avec des bases plus solides. Les problématiques continuellement soulevées des bidonvilles arrivent gé- néralement à se résoudre d’elle-même avec le temps. La période de transition est le moment clé qui soulève tant de problèmes, mais cela plus que tout en comparaison avec notre moyen de faire la ville actuelle. Dans une société lissée où les apparences priment avant tout, l’inva- sion exprime une saleté, un état que tous connaissaient avant l’arrivée de l’ère industrielle. La ville gallo-romaine, médiévale ou les villages de nos campagnes se sont faits par invasion, par la décision de construire un habiter sur un terrain vierge de tout bâtiment et qui n’appar- tenait pas aux nouveaux occupants. Et sa croissance ne s’est faite que par l’ajout progressif de petites invasions venant s’agglutiner à ses limites puis s’intégrant pleinement à l’urbanité. L’invasion dérange dans ce qu’elle nous rappelle tout ce que nous possédons et les standards que nous nous sommes établis, que se soit aussi bien au niveau spatial qu’organisationnel.

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Un droit d’exister qu’eux-mêmes s’autorisent et fomentent, sans que nous ayons pu donner notre consentement. Cette reconnaissance, qui est avant tout ce que réclament ces popu- lations maintes fois déplacées et à la recherche d’un endroit où vivre, semble être la clé de la maîtrise du phénomène de l’invasion : sans résoudre directement les problèmes, gérer préventivement les zones « envahissables » permettrait par la suite de simplifier les actions à mener à l’intérieur de ces derniers. Le premier pas vient alors des autorités, posant ainsi un lien de confiance avec ses futurs concitoyens. Car plus qu’une simple gestion des problèmes matériels, la gestion des bidonvilles est un enjeu planétaire. A l’heure actuelle, plus de un milliard d’humains vivraient dans des conditions qualifiées inhumaines, et cela sans compter l’exode rural mondial qui est en cours, amenant toujours plus d’individus dans les villes, à la recherche d’un meilleur cadre de vie. Sans apporter une réponse universelle, Medellín pro- pose un exemple, non pas à suivre ou à imiter, mais qui montre que l’accélération – ou plutôt la diminution- du temps de vie du quartier d’invasion est possible une fois saisie le mode de fonctionnement de ces-derniers. Cette approche humble, venant de l’implication de ses ha- bitants, peut alors faire office d’une jurisprudence qui nous amène à revoir notre conception de l’habitat, mais surtout de la notion de statut foncier sur laquelle sont basés non seulement toutes nos villes, mais surtout notre société entière.

L’invasion, sans prétention, nous amène à nous requestionner sur notre propre manière de faire la ville et de la concevoir. Plus qu’en posture de maître sachant, nous avons aussi à ap- prendre de l’invasion, qui nous propose de revenir à un ancien moyen de faire la ville et la construction. Un réemploi des anciennes structures urbaines, un réemploi des techniques traditionnelles, un réemploi des matériaux considérés comme déchets ailleurs. Et si la ville de demain avait déjà commencé à se construire là où personne ne s’y attendait.

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