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La filière banane aux Antilles est extrêmement bien structurée avec des groupements de producteurs présents sur le territoire depuis les années 1960 (SICA ASSOBAG). Leur rôle a toujours été de prodiguer une assistance et une aide technique aux planteurs pour répondre au mieux aux problèmes liés à la production de banane dessert dédiée à l’exportation. On aurait pu penser que par ce message technique, normé fourni à l’ensemble des exploitants, engendrerait un comportement normatif face à l’adoption. Ce n’est pas le cas puisque pour certaine innovation (même ancienne), le taux d’adoption demeure encore faible aujourd’hui. D’autres facteurs influencent donc le comportement de l’agriculteur face à l’adoption d’innovation technique. Ils peuvent être un moteur ou un frein à l’adoption.

Principaux résultats

Les principaux résultats sont :

- Tous les exploitants antillais ont adopté l'engainage en 2008. Les exploitants martiniquais ont tous adoptés les innovations marquage et engainage. La Guadeloupe est, quant à elle, plus propice à d'adoption des vitro-plants et des rotations. Toutefois, ces innovations n'ont pas séduit toute la population.

- Il ne semble pas y avoir de différenciation spatiale de l'adoption à l'échelle territoriale en Guadeloupe. Sur le territoire martiniquais, on peut localiser des foyers d'adoption et de non-adoption. Ce sont les mêmes pour les innovations Vitro-plants et Rotations avec un foyer d'adoption à l'extrême Nord du territoire et deux foyers de non-adoption au Lorrain et à l'extrême Sud de la zone bananière. On constate les mêmes foyers de non-adoption pour l'innovation marquage. L'engainage n'a plus de foyers visibles car toute la population a adopté.

- La notion de package d'innovations est totalement vérifiée pour le couple marquage/engainage en Guadeloupe comme en Martinique. Toutefois, cette notion est plus nuancée pour le package vitro-plants/rotations. Elle l’est presque totalement en Guadeloupe et aux trois-quarts en Martinique.

- Il semble y avoir une préférence à l’adoption selon la zone défavorisée. En Guadeloupe, le piémont est plus propice à l'adoption d'innovations. La zone montagne est peu propice à l'adoption des vitro-plants. En Martinique, la zone intermédiaire entre montagne et piémont est plus propice à l’adoption des vitro-plants. Le piémont est propice à l'adoption de rotations.

- En Guadeloupe, le Sud Basse-Terre est la zone la plus propice à l'adoption d'innovations. La zone la moins propice est la Côte Sous-le-vent.

- En Guadeloupe, la commune de Trois-Rivières est la plus propice à l'adoption du marquage alors que c'est la commune de Goyave qui est la plus propice à l'adoption du

package vitro-plants/rotations. En Martinique, presque tout le monde a adopté le package

marquage/engainage. Le Lamentin est plus propice à l'adoption des vitro-plants et Ducos pour les rotations. La commune la moins propice à l'adoption d'innovations est Saint- Esprit.

- En Martinique, on ne distingue pas d'importantes différenciations spatiales à l'échelle des zones hydrologiques. En Guadeloupe, le bassin-versant de la rivière de Capesterre est propice à l'adoption du marquage alors que celui de la rivière du Pérou.

o L’adoption des vitro-plants est motivé par les subventions et freinée par les cyclones, les périodes de sécheresse et les blocages du port par des évènements sociaux.

o L’adoption de rotations est freinée par les périodes de sécheresse. Limites de l’étude

Il est à noter que cette analyse spatio-temporelle de l’adoption d’innovation en milieu bananier peut-être biaisée par la forte diminution du nombre de planteurs en Guadeloupe et en Martinique. Ce nombre a été divisé par 20 pour la Guadeloupe de 4000 exploitants en 1960 à moins de 200 aujourd’hui (fig. 28). Il a été divisé par 5 en Martinique de 2500 à moins de 500 en 35 ans (fig. 29).

Nombre de planteurs de banane en Guadeloupe entre 1960 et 2008

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 197 4 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 No mbre d' e x pl oita nts

Figure 28 : Graphique du nombre de planteurs de banane en Guadeloupe entre 1960 et 2008 (source : bulletin de statistique agricole, agreste et recensement agricole)

Nombre de planteurs de banane en Martinique entre 1960 et 2008

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 N o m b re d' e x pl oi ta nt s  

Figure 29 : Graphique du nombre de planteurs de banane en Martinique entre 1960 et 2008 (source : bulletin de statistique agricole, agreste et recensement agricole)

L’enquête ne s’est intéressée qu’aux exploitants en activité en 2008. Tous les adoptants des quatre innovations au cours du temps de 1960 à 2008 et n’étant plus actif dans le milieu bananier ne sont donc pas représentés. Ils sont plus sous-représentés en Guadeloupe qu’en Martinique. C’est certainement pour cette raison que l’on distingue peu de dynamiques spatiales. Le nombre d’exploitants étant actuellement plus important en Martinique qu’en Guadeloupe, des dynamiques spatiales sont plus visibles. Il est également à ajouter que dans le questionnaire d’enquête auprès de planteurs de banane sur leur adoption des quatre innovations, il ne leur avait pas demandé leur date d’installation, leur connaissance de la filière et les raisons de leur installation (nouvel arrivant, technicien dans la recherche, héritage…). Il aurait été intéressant aussi d’étudier avec précision leurs sources d’informations pour chaque innovation afin de déterminer des canaux de diffusion spatiale. Discussion et perspectives

Depuis la mise en place de la SICA Assobag dans les années 1960, la technique de l’engainage est pratiquée. Sa pratique ancienne et son usage sont nécessaires pour une meilleure qualité du fruit nécessaire à l’exportation vers le marché européen. Cette technique ne paraît pas difficile à mettre en œuvre ce qui expliquerait les 99% d’adoptants en 2008. La technique du marquage a également été proposée mais paraît être une technique un peu plus contraignante avec une gestion hebdomadaire à respecter. Ceci pourrait expliquer un plus faible taux d’adoption. Les vitro-plants et les rotations semblent moins séduire la population. De fait, ces innovations demandent des investissements aux planteurs et ne peuvent être appliquées qu’aux exploitants ayant suffisamment de surface et suffisamment d’argent pour investir dans ces innovations. La différenciation spatiale de l’adoption à l’échelle de la Guadeloupe n’est pas visible à cause de la réduction drastique du nombre de planteurs de banane entre 1960 et 2008 et surtout en surface exploitée. Le paysage martiniquais est beaucoup plus marqué par la présence de champs de banane encore actuellement.

Une typologie a été établie pour les exploitations bananières en six types selon la situation topographique mais aussi la taille de l’exploitation (Mantran et al., 2010).

Figure 30 : Typologie des exploitations bananières aux Antilles Françaises.

Cela pourrait apporter quelques éléments d’explications à propos des zones plus ou moins propices des quatre innovations selon le type d’exploitation.

Figure 31 : Typologie des exploitations bananières en Guadeloupe et en Martinique en 2008.

La corrélation entre les foyers d’adoptions et la localisation des types d’exploitations permettraient de savoir si le type d’exploitations doit être pris en compte pour les adoptions d’innovations ou s’il s’agit d’une décision plus individuelle de l’exploitant en particulier en Martinique. On y distingue plusieurs foyers d’adoption et ce, visibles à l’extrême Nord du territoire. Il s’agit d’une zone à grande exploitation de plaine. On note aussi deux foyers de non-adoption au Lorrain où se situent de nombreuses petites exploitations de plaine et à l’extrême Sud de la zone bananière où cohabitent les petites et moyennes exploitations de plaine. Aux Antilles, la zone montagne est peu propice à l’adoption notamment concernant l’adoption des vitro-plants. La zone piémont est propice aux adoptions. Il s’agit très certainement d’une cause topographique. Les reliefs de la zone bananière aux Antilles sont constitués de petits bassins-versant très enclavés en zone montagne, d’une part et de grandes plaines agricoles d’autre part. En Guadeloupe, le Sud Basse-Terre et la Côte Sous-le-vent est la zone la moins propice à l'adoption d'innovations avec les petites exploitations de montagne. La zone la plus propice est la Côte-au-vent où se situent des exploitations de plus grandes tailles. En Martinique, la zone intermédiaire entre montagne et piémont est plus propice à l’adoption des vitro-plants, également pour une cause topographique. Le piémont est propice à l'adoption de rotations. En Guadeloupe, la commune de Trois-Rivières est la plus propice à l'adoption du marquage alors que c'est la commune de Goyave qui est la plus propice à l'adoption du package vitro-plants/rotations. Trois-Rivières regroupent un ensemble de petites exploitations alors qu’à Goyave, on distingue plus des exploitations de taille moyenne. On pourrait émettre l’hypothèse que la taille de l’exploitation joue sur l’adoption d’innovations. En Martinique, la commune du Lamentin est plus propice à l'adoption des vitro-plants et Ducos pour les rotations. Il s’agit d’une commune en plaine, facilement accessible comprenant des exploitations de grande taille permettant une gestion plus facile de surfaces en rotation et replantées en vitro-plants. La commune la moins propice à l'adoption d'innovations est Saint-Esprit. Cette commune est en zone de mornes et est moins accessibles, les

exploitations y sont de plus petites tailles. La taille de l’exploitation semble jouer sur le taux d’adoption. L’effet de distance à un précurseur (centre de recherche et « innovateurs » selon la typologie de Rogers) ne joue pas un rôle dans la diffusion d’innovations. Ceci pouvant s’expliquer par le fait, le message technique concernant ces quatre innovations pourraient paraître homogène puisqu’il s’agit d’innovations proposées par la recherche et diffusées par les groupements. L’approvisionnement en ruban de marquage, en gaine nécessaire à l’engainage, en vitro-plants est géré par les groupements. L’adoption de l’engainage semble motivée par les cyclones. Un des intérêts de l’engainage est la protection du régime contre les ravageurs et de parasites, qui prolifèrent particulièrement après le passage de cyclones. Il s’agit surement des avantages de la technique qui motivent les agriculteurs à adopter après les périodes de cycloniques. La production de vitro-plants de bananiers est effectuée dans des pays à haute technicité tels que les Etats-Unis, le Canada, la France, la Belgique, les Pays- Bas, le Danemark et l’Israël. Aux Antilles, ils proviennent surtout d’Israël et arrivent par bateau à Pointe-à-Pitre et à Fort-de-France (Mateille et al. 1989) ce qui rend leur approvisionnement difficiles en périodes de conflits sociaux et en particulier les blocages des ports autonomes. L’adoption de rotations est freinée par les périodes de sécheresse. Les périodes de stress hydrique semblent rendre plus réticents les agriculteurs aux changements de pratiques. Ces périodes ne favorisent effectivement pas la rotation avec des cultures plus fragiles (ananas) et des pratiques d’élevage sur des surfaces où les fourrages seraient, de fait, moindres. C’est apparemment le type de l’exploitation qui détermineraient si l’exploitant va adopter ou non. Une exploitation de type 3 adopte toutes les innovations alors qu’une exploitation de type 1 et de type 5 (petite exploitation de plaine et exploitation de montagne) adopte peu.

A mon sens, les déterminants de l’adoption d’innovations issues de la recherche sont vraisemblablement les subventions de l’état associées à ces innovations proposées. Il faudrait se pencher sur une étude plus poussée et corréler les adoptions d’innovations avec les campagnes de subventions proposées par l’état français et l’union européenne. Pour une meilleure compréhension de l’adoption des innovations en milieu bananier, il faudra étudier les subventions et les rapporter aux types d’exploitations.

Pour une modélisation spatiale de l’adoption d’innovations techniques dans l’agriculture, la combinaison de deux approches, la diffusion spatio-temporelle d’une innovation technique (Helmfrid, 1966 pour les outils mécaniques en Suède ; Calatrava et al. 2011 pour le mulch sous cultures d’oliviers en Espagne pour exemple) et l’étude des facteurs influençant les changements dans le comportement des agriculteurs permettrait une meilleure appréhension des phénomènes opérant sur le territoire. Il faudrait, à mon sens, ne pas réduire l’étude de l’innovation au secteur bananier qui est une filière de production très organisée comme la filière canne. Il faudrait généraliser l’étude à l’ensemble de l’agriculture et aux évolutions et changements de pratiques des exploitations agricoles. Il serait peut-être possible de mettre plus en évidence un effet de distance plutôt pour des innovations endogènes à l’exploitant, sur ses pratiques ou « astuces » qu’il pourrait divulguer à ses voisins et ce dans des filières de productions moins structurées que celles dédiées à l’exportation (banane, canne à sucre voire melon). Il serait intéressant d’étudier donc le passage d’informations entre les agriculteurs et ainsi montrer un effet de mimétisme sur certaines productions. Il serait donc intéressant de

BIBLIOGRAPHIE

 

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Titre : Analyse spatio-temporelle de la diffusion d’innovations dans les systèmes de cultures bananiers aux Antilles Françaises de 1960 à 2008.

Résumé :

Les planteurs de banane des Antilles Françaises doivent sans cesse innover pour faire face aux nombreuses contraintes auxquelles ils sont soumis (sociaux-économiques, environnementales…). L’adoption de quatre innovations est étudiée au cours du temps : le marquage et l’engainage du régime de banane, la replantation par vitro-plants et les rotations de cultures en Martinique et en Guadeloupe sur 80% des producteurs de 2008. Il s’agit de déterminer s’il y a une préférence spatiale à l’adoption. La zone de piémont est plus propice à l’adoption que la zone montagne. Les facteurs explicatifs relatifs à l’adoption sont les cyclones pour le marquage et l’engainage, les sécheresses pour les rotations et, s’ajoutent aux évènements climatiques, les blocages du port pour les vitro-plants. Une typologie des exploitations bananières avaient été établies selon sa taille et sa localisation (Mantran et

al, 2010). Il semblerait que l’adoption ne soit pas seulement une décision individuelle mais en fonction

du type de l’exploitation puisque les grandes exploitations de plaine adoptent toutes les innovations alors que l’ensemble des petites exploitations de plaine et de montagne adoptent peu. A ce niveau, il faudrait s’intéresser aux campagnes de subventions liées aux adoptions d’innovations et voir quels en sont les principaux bénéficiaires.

Mots-clés : Diffusion spatiale, déterminants de l’adoption, banane, Guadeloupe, Martinique.

Title: Spatio-temporal analysis of the diffusion of innovations in banana farming systems in the French West Indies from 1960 to 2008.

Summary:

The banana planters of French West Indies ceaselessly have to innovate to face the numerous constraints to which they are subjected (social-economic, environmental…). The adoption of four innovations is studied in time: the marking and the engainage of the regime of banana, the replantation by vitro-plantations and the rotations of cultures in Martinique and in Guadeloupe on 80 % of the producers in 2008. It is a question of determining if there is a spatial preference in the adoption. The zone of Piedmont is more convenient to the adoption than the zone mountain. The explanatory factors relative to the adoption are cyclones for the marking and the engainage, the droughts for the rotations and, are added to climate-related events, blockings of the port for vitro-plantations. A typology of the banana plantation had been established according to its size and its location (Mantran et al., 2010). It would seem that the adoption is not only an individual decision but according to the type of plantation because the big exploitations of plain adopt all the innovations while all the small exploitations(operations) of plain and mountain adopt little. At this level, it would be necessary to be interested in the campaigns of subsidies connected to the adoptions of innovations and to see what the main beneficiaries are.

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