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4. l’islam dans le diagnostic des discours

4.3. Conclusion du diagnostic

Quelques enseignements peuvent déjà être tirés de cette première partie d’analyse qui s’est consacrée au diagnostic des candidats, autrement dit à ce qu’ils représentent comme

« menace » ou « problème » pour la France. C’est d’abord en étudiant ce qui fondait l’antagonisme social des candidats que l’islam s’est avéré être représenté. Le schéma narratif a ensuite été observé permettant une comparaison entre locuteurs. Celui-ci relevant d’un discours à résonnance colonialiste, c’est avec les outils analytiques du postcolonialisme que nous avons mis en lumière les résultats, notamment celui de faible conscience postcoloniale.

Nous avons d’abord observé que toutes les parties diagnostic des candidats contiennent en elles des menaces liées à une représentation de l’islam. L’islam est donc un sujet à traiter, un problème à résoudre ou une communauté à protéger, le rôle du diagnostic étant d’établir le problème et de le construire, dans l’ objectif ensuite d’y apporter une réponse (Verloo, 2005).

Le simple fait de savoir qu’une représentation de l’islam est présente dans tous les diagnostic qui composent la liste des problèmes construits signifie déjà quelque chose. Le sujet de l’islam est plus ou moins présent selon les candidats. Marine Le Pen et Benoît Hamon sont certainement ceux qui l’évoquent le plus dans l’élaboration de ce qu’ils considèrent comme problème, mais il est difficile sur cette question d’en dire davantage, l’objet de l’analyse n’étant pas quantitatif. La question a surtout été de savoir comment cet islam est représenté.

Il apparaît alors indéniable que l’islam n’est pas articulé de la même manière par tous les candidats. Alors que François Fillon et Marine Le Pen le représente comme « l’antagonisme social » de la France, compris comme la construction discursive d’une menace élaborant dès lors la nature de leur projet, Benoît Hamon et Emmanuel Macron le perçoive comme une caractéristique de l’identité nationale française à protéger des discriminations. Pour ces derniers, « l’antagonisme social » réside dans le projet de l’extrême droite et du terrorisme islamiste visant à diviser les musulmans des non-musulmans et nuire à leur projet de rassemblement. Mais les quatre candidats représentent l’islam au sein de leurs antagonismes respectifs, ce qui montre son importance dans la construction de l’identité nationale. C’est dans la nature des projets de rassemblement, qui suscitent alors un discours visant à les justifier, que des similarités et d’autres différences émergent entre les candidats. C’est dans l’interaction avec ces projets que des discours sous-jacents donnent une substance aux représentations de l’islam.

Si Benoît Hamont et François Fillon n’ont pas la même représentation de l’islam, à première vue, puisque quand le premier en fait une caractéristique essentielle de son projet, l’autre en fait l’incarnation d’une menace, tous les deux supposent son invisibilité et sa dilution culturelle.

Benoît Hamon accepte certes l’islam dans son projet, mais un islam défini et taillé pour les besoins de ce projet, ce qui, au final, finit par ressembler à la même représentation que celle donnée par François Fillon et Marine Le Pen. Le « schéma narratif » (Michel, 2008) est le même et c’est bien dans une logique d’un discours hérité du colonialisme qu’il s’insère. En effet, quand François Fillon et Marine Le Pen voient l’islam et son affirmation comme une conséquence d’une remise en cause de la « fierté nationale » et de son hégémonie culturelle sur son territoire engendrée par des discours considérés de « repentance », Benoît Hamon le définit comme une communauté effacée, invisible, revendiquant un héritage qui doit s’inscrire dans celui de la Révolution française et des droits de l’Homme et dans aucun autre, ce qui semble être une condition de leur acceptation. L’islam n’est bien évidemment pas articulé de la même manière par les candidats et la nature colonialiste du discours qui le représente n’est pas aussi explicite chez les uns que chez les autres mais il en résulte des trois candidats une certaine exclusion du projet collectif de l’islam, qu’elle soit de nature physique - François Fillon et Marine Le Pen prônent l’arrêt de l’immigration sans intégration - ou bien identitaire et culturelle - Benoît Hamon représente l’islam comme une composante française qui doit revendiquer l’héritage français et pas un autre-.

Le cas d’Emmanuel Macron est sensiblement différent puisque celui-ci, bien qu’adoptant aussi certaines logiques issues d’un discours colonialiste ou plus précisément,

d’une « faible conscience postcoloniale » (Michel, 2008), se contente de défendre la composante islamique dans le visage de la France sans la lier à un projet en particulier nécessitant une adhésion à un héritage historiquement et discursivement construit. A ce stade, on peut donc affirmer qu’Emmanuel Macron évite de représenter l’islam comme devant s’adapter à un projet historiquement et culturellement figé, ce qui ne l’exclut alors pas d’une

« participation culturelle et politique » ( Michel, 2008).

Le discours de Jean-Luc Mélenchon se démarque de ceux des autres candidats car bien qu’adoptant un projet historiquement figé, ne représente pas la place des autres cultures dans l’identité nationale, comme si la question, finalement n’avait pas lieu d’être tant l’adhésion à la

« république » était évident et que la religion sortait des compétences de l’Etat, outre le fait de la renforcer en ce qui concerne le catholicisme dans les régions soumises au régime du concordat. Jean-Luc Mélenchon ne fonde pas l’antagonisme social de son projet dans une menace identitaire et sociétale mais bien dans le poids de la finance et du « capital » et ses répercussions en matière de justice économique et sociale.

Il est maintenant pertinent d’analyser les solutions que proposent les candidats pour constater si les schémas narratifs qui constituent l’islam dans la partie diagnostic sont de nouveau présents dans la partie pronostic. Conforter le fait que des représentations à première vue différentes mais avec des schémas narratifs similaires conduisent aux solutions proposées correspondantes avec les mêmes schémas narratifs. C’est une manière de constater une certaine concrétisation des schémas narratifs dans les actes et les politiques proposées.