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Notre modélisation est une nette amélioration de Favier et al., [2004a] car elle prend

beaucoup mieux en compte les processus physiques à l’origine de l’ablation. Les processus

de sub-surface sont cruciaux, même dans le cas d’un glacier tropical tempéré, où la

saisonnalité de l’ablation est pratiquement nulle. Cette modélisation ne remet pas en doute

l’incidence de l'albédo sur la fusion [Favier et al., 2004a], ni le rôle joué par la température

sur la phase de précipitation et sur la fonte en zone d’ablation [Favier et al., 2004a&b ;

Francou et al., 2004]. Elle ne remet pas non plus en cause l’explication du lien existant entre

ENSO est ablation du glacier (lien climat/glacier). Par contre, cette nouvelle modélisation

est un apport considérable pour l’analyse des glaciers de la région tropicale interne, et cela

pour plusieurs raisons:

1) La modélisation démontre qu’au niveau journalier les simulations de Favier et al.,

[2004a&b] sont entachées d’une grande incertitude. Cela permet en particulier

d’expliquer en partie pourquoi les conclusions de notre étude sur le modèle PDD et

celles de Sicart et al., [2007] sont différentes. En effet, en séparant les états de surface,

les corrélations entre T et la fonte sont beaucoup plus significatives avec notre approche

que dans le cas de Favier et al., [2004]. L’approche développée en annexe n’avait donc

pu être développée dans le passé, car les corrélations étaient peu significatives, alors

qu’aujourd’hui des corrélations élevées apparaissent clairement.

2) Nous démontrons ici le rôle fondamental de l’eau de fonte sous la surface comme

accumulateur de calories. Ces calories doivent être compensées par les bilans négatifs

du soir avant de permettre le regel. Ce point induit un retard au refroidissement de la

surface qui est indispensable au calcul correct des flux turbulents de surface. Ce

processus est généralement considéré dans le cas de la percolation de l'eau liquide dans

la neige, car c’est un des processus clés d’advection de chaleur vers le bas du névé et de

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la production de glace surimposée. Cependant, ce procédé est en général ignoré dans le

cas de surfaces de glace découvertes de neige. Ce processus étant absent de l’ensemble

des modèles présentés en introduction de ce chapitre [Mölg et al., 2008; Sicart et al.,

2011; Gürgiser et al., 2013a&b], il y a de forte chances pour que les calculs de flux

turbulents de chaleur de ces études soient entachés d’un biais lors du regel. Dans notre

cas, ce biais est faible (cf. section 5.3.1.3).

3) Notre modélisation démontre que la prise en compte complète des processus de

sub-surface est indispensable, tout particulièrement de la pénétration du rayonnement

solaire. Ces processus sont bien pris en compte dans le cadre des simulations proposées

par Gurgiser et al., [2013a&b], mais pas dans le modèle [Hock, 1999] utilisé par Sicart

et al., [2011].

4) Sur l’année, la fonte de surface de sub-surface doivent donner exactement R + LE +H.

Nous avons vérifié ce point ici, qui montre que notre schéma est bien conservatif.

5) La modélisation actuelle démontre que, sauf dans le cas de Wagnon et al., [2009], la

précipitation a été systématiquement sous-estimée dans les études précédentes sur

l’Antisana. Ce point est en accord total avec les calculs de bilan spécifique par la

méthode géodésique effectués par Basantes, [2015]. Ce point a des conséquences

importantes sur le calcul des bilans de masse: les bilans de masse publiés dans le passé

[Francou et al., 2000&2004 ; Rabatel et al., 2013] sont trop négatifs par rapport à la

réalité. Ce point a aussi des conséquences sur l’estimation de la ressource en eau en

altitude en Equateur. En effet, si le calcul de bilan de masse est faux, l’ablation annuelle

était correctement estimée, l’existence d’écoulements souterrains proposée par Favier et

al., [2008] n’est donc pas remise en cause. Par contre, les surfaces non englacées sont

censée produire beaucoup plus d’écoulement que ce que proposaient [Favier et al.,

2008]. La différence entre débit mesuré et calculé dans le cadre de Favier et al., [2008]

sous-estimait donc les écoulements souterrains.

6) Notre approche a aussi permis de modéliser les variations d’albédo. Il est important de

voir que les simulations effectuées par [Favier, 2004] avec une approche similaire

étaient restée vaines. C’est pour cette raison en partie qu’il a fallu attendre 10 ans pour

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obtenir une modélisation distribuée du bilan d’énergie et de masse de l’Antisana. Si

l’albédo de la neige, juste après sa chute est proche de 0.9, sa dégradation est très

rapide, conduisant à une accélération très brutale de la fonte.

7) L’approche montre qu’un calage du modèle sur des données de balises mensuelles n’est

pas adapté dans le cadre de l’Antisana. Des simulations parfaites en termes de bilan de

masse peuvent refléter un calage correct en termes d’énergie, mais pas en termes

d’albédo. Les valeurs maximales sont bien reproduites car les erreurs d’estimation de

l’albédo se compensent induisent alors des biais importants sur l’énergie totale absorbée

par le glacier. La mauvaise reproduction des valeurs minimales a par contre moins

d’importance car les erreurs se compensent dans ce cas. Pour éviter ce biais de la

méthode de calage, il est donc indispensable de coupler l’indice d’optimisation utilisé

avec un coefficient basé sur les valeurs journalières d’albédo et d’adapter notre méthode

de calage.

8) L’approche par validation croisée proposée par Gurgiser et al., [2013a&b] a elle aussi

été adaptée pour évaluer l’incertitude du modèle de bilan de masse résultant des

possibles biais de calage basé sur des valeurs journalières d’albédo qui ne sont pas

indépendantes.

9) Avant cette étude, en dehors des analyses de type degré-jour et des modélisations de

bilan d’énergie de Wagnon et al., [2009] sur la neige, le rôle précis d’une augmentation

de température sur la fonte locale n’avait pas été évalué. L’impact des variations de

précipitations n’était pas évalué non-plus. Cela est maintenant possible grâce à notre

approche. La sensibilité du processus d'ablation aux variations de température suggère

qu'un réchauffement de 1°C conduirait à une diminution du bilan de masse de 4 m eq.e.

a

-1

à 4900 m a.s.l..

Après avoir appliqué le modèle en un point, nous l’avons appliqué à l’échelle du

glacier, afin d’analyser si ces conclusions s’étendent à plus haute altitude.

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Modélisation distribuée à l’échelle du Glacier 15a

5.4.

5.4.1 Evaluation des gradients verticaux de variables météorologiques

En raison de la petite taille du glacier étudié, et du fait de son orientation et pente

quasi-constante, nous avons considéré une approche de spatialisation très simple. Le bilan

d’énergie est distribué en considérant que les gradients de température, de vitesse du vent,

d’humidité et de nébulosité sont constants le long du glacier est peuvent être établis à partir

de données obtenues par des stations installées sur le glacier étudié ou à proximité. Les

mesures ont été réalisées sur le glacier 12 à l’aide de 3 stations météorologiques

automatiques localisées à 4870 m, 5100 m et 5300 m d’altitude.

La comparaison des données nous a permis de constater que le gradient de

température avec l’altitude est de l’ordre de 8.5°C km

-1

. Cette valeur résulte de l’important

effet foehn observé sur le site d’étude. Ce gradient est plus fort en Juillet août (9.2°C km

-1

)

qu’au du reste de l’année (8.2°C km

-1

). Nous avons aussi constaté que l’humidité relative

était similaire pour les 3 sites d’étude. Il en est de même pour le vent. La nébulosité était

plus difficile à obtenir, car nous ne disposions pas capteurs supplémentaires pour des

mesures précises de L↓. Nous avons supposé que la nébulosité était relativement similaire à

2 km de distance sur le même versant du volcan. Les valeurs de rayonnement de courtes

longueurs d’onde incident sont considérées constantes pour une surface horizontale, et les

variations assumées dépendent ici seulement de l’orientation et de la pente de la zone

étudiée.

Le rayonnement grande longueur d’onde a des altitude différentes est calculé à partir

de la température, de l’humidité, et de la nébulosité. Pour ce faire, nous retrouvons la

nébulosité à l’altitude de référence à partir des valeurs de L↓, T et Rh et la formule proposée

par [Brutsaert, 1975] adaptée en Bolivie par [Sicart, 2002] et validée en Equateur par

[Favier, 2004]. La même formulation est ensuite transposée à l’altitude de calcul pour

évaluer pour y évaluer le rayonnement de grandes longueurs d’onde incident à partir de T et

Rh.

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Enfin, les précipitations sont supposées constantes sur le glacier, mais sont ici

corrigées de l’effet du vent, comme cela a été suggéré dans les chapitres précédents.