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Nous avons montré que la liquéfaction des sols sous vagues est un phénomène à seuil. Ce seuil dépend principalement de l’amplitude de la vague. Une fois la liquéfaction initiée, le comportement dynamique est bien décrit par la sédimentation d’une suspension dense. Néanmoins il reste à étudier plus en profondeur l’origine de la variation brusque de l’amplitude des oscillations de pression entre fluide et sédiment afin de prédire le seuil de liquéfaction ainsi que la hauteur liquéfiée.

Chapitre 5

Glissement d’un sol granulaire immergé,

influence d’une surface libre

Thèse de L. Rondon, en collaboration avec O. Pouliquen Les glissements de terrain et les coulées de boue recoupent de nombreux mécanismes physiques. En effet les sols sont composés de milieux granulaires complexes qui sont à priori polydisperses, rugueux, anguleux... Le fluide interstitiel, qui peut contenir des particules fines ou de l’argile, a en général un comportement non Newtonien. De plus les couplages existant entre le fluide et les particules jouent un rôle important dans le déclenchement et la dynamique de ces phénomènes. Enfin ce sont également des milieux insaturés, ce qui leur confère un caractère de “pâtes granulaires” avec une cohésion.

Fig. 5.1 – Effondrement de terrain au Guatemala après de fortes précipitations

En effet, on appelle “pâte granulaire” un mélange dense de particules et de liquide dans lequel sont présentes des interfaces air/particule/fluides. On retrouve également ces pâtes granulaires dans des applications industrielles (pharmaceutique, alimentaires). Une de leurs caractéristiques essentielles est que la présence des interfaces avec l’air génère une cohésion qui permet de soutenir des pentes bien au-delà de l’angle d’avalanche (c’est le principe des châteaux de sable). Lors d’événements à fortes précipitations l’interface avec l’air peut dis-paraître, entraînant la perte de la cohésion ce qui peut alors engendrer un effondrement (voir

par exemple la figure 5.1).

Pour mieux comprendre les glissements de terrain, nous avons décidé de simplifier et de sépa-rer les mécanismes physiques. Dans un premier temps nous avons choisi de nous intéresser à la cohésion générée par une interface air/particules/fluides. Puis nous nous sommes intéressés à la dynamique de l’effondrement d’une colonne sous-marine et en particulier à l’effet de la fraction volumique initiale. La suite de ce travail consistera à coupler ces deux effets.

5.1 Cohésion des pâtes granulaires

L’effet de la présence d’une interface air/liquide/grain dans un milieu granulaire saturé a été étudié depuis près d’un siècle du point de vue du liquide. En effet, la pression capillaire du liquide interstitiel joue un rôle dans de nombreux processus (drainage, imbibition) que l’on retrouve dans l’étude des sols mais également dans l’industrie pétrolière, pharmaceutique, agroalimentaire. Ainsi dès 1929 on trouve des mesures de pression capillaires dans un sol idéal représenté par un milieu granulaire composé de billes monodisperses pour des applications en

science de l’agriculture.30,29 La plupart des études ultérieures consistent à calculer la forme

des pores créés par plusieurs billes empilées afin d’en déduire la force capillaire développée par un ménisque à l’interface entre de l’air et un milieu granulaire immergé.54,52,53,31,55,26,19,73

Afin d’étudier le mécanisme de cohésion des pâtes granulaires, nous avons conçu un dis-positif expérimental très simple qui consiste en une cuve cylindrique de diamètre 6cm, percé en bas de 2 trous de 5 mm de diamètre, le premier excentré permettant la vidange de la cuve, le deuxième au centre permettant la mesure de la pression du fluide en bas de la

co-lonne (figure5.2a). Les capteurs de pression utilisés sont de type 405DN et 430DN (tableau

2.1) suivant les expériences et mesurent la différence de pression par rapport à l’hydrostatique.

(a) hs h Capteur Vidange (b) 0 20 40 60 80 100 -10000 -8000 -6000 -4000 -2000 0 P(Pa) t(s)

Fig. 5.2 – (a) Schéma du dispositif expérimental. (b) Courbe typique de pression pour des billes

Une expérience typique consiste à remplir le tube sur une hauteur d’environ 10cm avec un milieu granulaire constitué de billes de verre monodisperses. Puis on remplit le tube de liquide, au dessus du niveau du milieu granulaire. Afin d’obtenir une condition initiale reproductible, on met en suspension le milieu granulaire par agitation, on le laisse sédimenter, puis on

compacte le milieu en appliquant des tapes sur la cuve. La figure 5.2b montre la pression

mesurée lorsque l’on vidange le tube. Elle décroît d’abord très faiblement avec le temps, de façon linéaire. Nous avons expliqué cette décroissance en supposant un écoulement régi par la

loi de Darcy (équation2.3), l’accord obtenu est très bon. Puis nous observons une diminution

très abrupte de la pression. Ce saut intervient quand le niveau d’eau atteint l’interface avec le milieu granulaire. En imposant une pente à l’interface fluide/sédiment, nous avons vérifié que le saut apparaît au moment où le niveau liquide atteint la partie la plus basse de la surface.

(a) ∆ P (P a ) d(m) (b) ∆ P (P a ) γ d(P a )

Fig. 5.3 – (a) Saut de pression en fonction de la taille des grains : 4 alcool,× eau. (b) Saut de

pression en fonction de la pression capillaire :4alcool,×eau.

La figure 5.3a représente le saut de pression à la traversée de l’interface en fonction de

la taille des grains pour deux liquides différents, de l’eau et de l’alcool. On observe que le saut de pression décroît quand le diamètre croît et suit une loi hyperbolique. Le saut de pression dépend également du liquide utilisé, l’eau conduisant à des sauts supérieurs à ceux de l’alcool. Ces observations laisse à penser que le saut de pression est bien dû à la capillarité. Effectivement, en représentant le saut de pression à la traversée de l’interface en fonction de

la pression capillaire γ/d on observe une loi linéaire (figure5.3b) dont le coefficient est donné

par la relation 5.1 :

∆P = 10γ

d (5.1)

Cette relation est compatible avec des travaux antérieurs.29,73Le lien entre l’origine

capil-laire du saut de pression et la cohésion du milieu granucapil-laire peut se comprendre à l’aide du

schéma simplifié d’une interface (figure5.4). La courbure à la traversée de l’interface eau/air,

génère une dépression dans le liquide (loi de Laplace). L’équilibre des forces appliquées au

milieu granulaire (équations 2.4 et 2.5) implique que cette dépression génère une

(a) θ Water Pw Air Pa >Pw (b) S1 S

Fig. 5.4 – (a) schéma simplifié d’une interface (b) empilement de 4 sphères

de rupture sont plus difficilement atteintes. Ainsi, contrairement à un milieu granulaire sec, avec une pâte granulaire on peut construire des colonnes verticales jusqu’à des hauteurs qui dépendent du diamètre des grains.

Le coefficient 10 de l’équation5.1 peut se comprendre par le fait que la taille caractéristique

de l’espace entre grains est significativement plus petit qu’un grain dans un empilement dense54,52,53,31,55,26,19,73 (figure 5.4b). Grâce à ce coefficient important, l’ordre de grandeur du saut de pression est significatif :

Taille des grains ∆P (P a) Hauteur d’eau équivalente

500 µm 1400 14 cm

100 µm 7000 70 cm

50 µm 14000 140 cm

Afin de comprendre l’effet de cette cohésion sur les effondrements de terrain, nous avons également fait des expériences de pâtes granulaires dans la géométrie d’une cuve inclinée (figure5.5).

8 CHAPITRE 2. DISTRIBUTION DE LA PRESSION DANS LA CUVE On suppose que le saut est complétement établi et qu’il atteint son maximum Pcc’est-à-dire que le sable est saturé. On notera P (x, α) la pression au fond de la cuve à la position x, Pm(x, α) la pression mesurée au capteur et P0la pression atmosphérique. ; h sera la hauteur du sable saturé. Dans le cas où la cuve est à plat, on a : Pm(x, 0) = ρlg(H + H2) + P (x, 0) = ρlg(H + H2+ h) + P0− Pc 0 x Capteurs de pression H H2 xH α

Fig. 2.2 – Schéma de la cuve inclinée d’un angle α

Cuve inclinée d’un angle α Dans un second temps on incline la cuve d’un angle α. On a alors en se servant de la figure 2.2 :

Pm(x, α) = P (x, α) + ρlg (H cos α + (x − xH) sin α + H2) (2.1) Le problème est qu’il nous manque une référence pour calculer de manière abso-lue la pression P (x, α). Nous supposons que la dépression créée par le plus haut des ménisques est −Pc. Nous verrons par la suite si les résultats de l’expérience peuvent justifier cette hypothèse. On peut cependant assurer qu’il existe une limite à cette idée : au-delà de l’angle αctel que hJurin= L sin αc, tout le sable contenu dans la cuve n’est plus saturé dans son ensemble ; l’interface eau/air

Fig. 5.5 – Schéma d’une cuve inclinée.

Nous souhaitons connaître la répartition de la pression dans le liquide (et donc de la compres-sion granulaire) en fonction de la position lorsqu’on incline une cuve d’un angle α. Nous avons montré que la répartition est hydrostatique (les isobares dans la cuve sont horizontales) avec

comme référence la dépression capillaire maximale (équation5.1) en haut de la cuve. Cette

observation est valable en dessous d’un angle limite αc tel que hJ urin = L sin αc où hJ urin

est la hauteur de Jurin et L la longueur de la cuve. En effet une fois la hauteur de Jurin atteinte, le sable en haut de la cuve n’est plus saturé dans son ensemble et l’interface eau/air commence à descendre. Cette connaissance de la répartition de pression dans le liquide nous permettra d’étudier les conditions de rupture d’un tel milieu.

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