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PARTIE 2 : Arguments et évolution de la réglementation visant à interdire les phtalates et les

B. Concernant les phtalates

1. Dans les dispositifs médicaux

Il semblerait que ce soit dans le domaine des dispositifs médicaux que la recherche d’alternatives aux phtalates soit la plus avancée et la plus active. Cela s’explique notamment par le fait que le DEHP est très utilisé alors qu’il s’agit du phtalate reconnu comme le plus à risque pour la santé. De surcroit, le DEHP pourrait se retrouver en contact avec des catégories de personne à risque lors de séjours hospitaliers, telles que les nourrissons et les femmes enceintes. C’est la raison pour laquelle les industriels se concentrent prioritairement sur la substitution de ce plastifiant.

Ainsi, les solutions avancées seraient soit de conserver le PVC en remplaçant le DEHP par un autre plastifiant, soit d’utiliser un autre matériau que le PVC.

a) Utiliser d’autres phtalates non toxiques

Le DiIsoNonyl Phtalate (DINP) semblerait être le phtalate avec le meilleur rapport bénéfices/risques pour une utilisation dans les dispositifs médicaux en PVC. Il remplace déjà le DEHP dans certaines applications courantes car il a des propriétés physico-chimiques très voisines du DEHP, notamment une très faible solubilité dans l’eau. En terme de toxicité, le DINP a entraîné des effets hépatiques et rénaux lors d’administration répétée par voie orale chez le rongeur [94], mais ces effets n’ont pas été confirmés chez l’homme. De plus, le DINP présente une NOAEL 3 fois plus élevée que le DEHP, mais cette marge en terme de toxicité reste tout de même faible par rapport à celle d’autres plastifiants non phtalates cités ci-après.

60 b) Autres plastifiants non phtalates

 TOTM

Le trioctyltrimellitate (TOTM) est une molécule plus encombrante que le DEHP et encore moins hydrosoluble, elle reste donc plus facilement dans la matrice plastique. Ce plastifiant a déjà été intégré à des dispositifs médicaux destinés à la perfusion, tels que les perfuseurs ou les prolongateurs. Des études ont montré que le relargage du TOTM était significativement inférieur à celui du DEHP dans les mêmes conditions d’utilisation [95]. Les données de toxicité chez l’animal mettent en évidence des effets sur la reproduction similaires à ceux observés avecle DEHP, mais à des doses 20 fois plus élevées qu’avec le DEHP.

En raison d’un seuil de toxicité plus élevé et de quantités inférieures de TOTM relarguées par les dispositifs médicaux, ce plastifiant est à ce jour plus sûr que le DEHP. Néanmoins, des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer davantage sa toxicité et mesurer si le relargage de TOTM restemodéré dans les diverses situations cliniques.

 DINCH

Les propriétés physico-chimiques du 1,2-cyclohexanedicarboxylic acid, diisononylester (DINCH) sont proches de celles du TOTM : il s’agit d’une molécule lipophile et encombrante. Le DINCH est déjà utilisé en nutrition entérale, technique d’alimentation artificielle qui permet d’administrer l’alimentation sans passer par la bouche, où il entre dans la composition des tubulures en PVC. Une étude a montré que le relargage est minime par rapport à celui du DEHP [96].

Ce composé ne présente pas de risque avéré sur la reproduction, mais une toxicité rénale à doses répétées et très élevées a été mise en évidence. En effet, la dose limite au-delà de laquelle les effets sur le rein apparaissent est de 107 mg/kg/jour [94], alors que la NOAEL du DEHP est de 4,8 mg/kg/jour. Cette valeur semble éloignée des quantités susceptibles d’être relarguées à partir des dispositifs médicaux en pratique clinique, même dans des cas d’expositions multiples, ce qui fait de ce plastifiant une bonne alternative au DEHP.

 DEHA

Le Diéthylhexyl adipate (DEHA) est un composé obtenu par estérification de l’acide adipique (diester) avec différents alcools. Bien qu’il ne possède pas de toxicité sur les organes reproducteurs mâles comme le DEHP, des études chez l’animal montrent une fœtotoxicité à des doses supérieures à 200 mg/kg/jour [94]. Ces doses sont nettement supérieures à celles observées avec le DEHP, mais les quantités de DEHA relarguées par les dispositifs médicaux ne sont pas actuellement connues. Cependant, des études dans le domaine alimentaire mettent en évidence une importante migration lors d’un contact entre les emballages alimentaires et les composés gras [97]. Il ne semble donc pas favorable d’intégrer ce plastifiant dans des dispositifs médicaux susceptibles d’entrer en contact avec des substances lipophiles (nutrition

61 parentérale, entérale, perfusion). Actuellement, il entre uniquement dans la composition de lignes de dialyse en PVC.

A ce jour, des alternatives plus sûres que le DEHP existent et sont déjà appliquées dans certains dispositifs médicaux. Les inquiétudes autour de ce plastifiant devraient inciter les industriels à l’exclure totalement dans les nouveaux dispositifs médicaux, notamment ceux qui rentreraient en contact avec les femmes enceintes et les nourrissons, et à le substituer progressivement dans les dispositifs médicaux déjà commercialisés.

2. Dans les médicaments

A l’heure actuelle, aucune alternative concrète n’a été trouvée pour remplacer les phtalates utilisés dans les médicaments. C’est pourquoi l’ANSM, en attendant des solutions de remplacement, surveille leur concentration dans les spécialités pharmaceutiques et émet des recommandations aux professionnels de santé.

Ainsi, en Juillet 2013, cinq spécialités ont été visées par l’ANSM car elles contenaient des concentrations en phtalates supérieures au seuil recommandé par l’EMA [20]

. Les titulaires des AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) se sont vus accordés un délai de 18 mois pour reformuler leurs médicaments. De plus, pendant cette période transitoire, le RCP et la notice de ces médicaments devront être modifiés afin d’informer les professionnels de santé et les patients de la présence de phtalates parmi les excipients.

L’ANSM a également recommandé aux professionnels de santé :

 de limiter la dose et la durée de traitement pour les spécialités concernées, en l’absence d’alternatives thérapeutiques ;

 d’en déconseiller l’utilisation chez les enfants et les femmes enceintes ou allaitant, en cas d’alternative thérapeutique existante.

Contrairement aux dispositifs médicaux, les solutions de substitution des phtalates dans les médicaments semblent très limitées pour le moment. Bien qu’ils ne soient présents que dans certaines catégories de médicaments, principalement les comprimés à libération modifiée, les autorités de santé tiennent à affirmer leur engagement pour limiter les phtalates reconnus comme dangereux pour la santé en s’assurant du respect de la réglementation quant aux quantités autorisées.

Au vu des dangers soupçonnés des parabènes et des phtalates pour la santé, et des alternatives qui existent, nous allons analyser les recommandations qu’émettent aussi bien les autorités sanitaires, les instances scientifiques et les ONG (Organisation Non Gouvernementale) pour limiter leur présence dans certaines catégories de produit, notamment les médicaments, les cosmétiques et les dispositifs médicaux.

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II. Les recommandations émises par les Autorités de santé, les

instances scientifiques et les ONG