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6.2 Espace de conception

6.2.1 Conceptualisation de la lentille

Pour construire une lentille filtrant les artefacts de faux voisinages, nous devons revenir à la définition des artefacts topologiques (cf. section 2.3). Cette définition est également utilisée pour projeter des données [245] et elle repose sur la comparaison entre le voisinage d’une référence dans l’espace des données et le voisinage du point correspondant à la référence dans l’espace de projection.

Les artefacts topologiques ont deux caractéristiques importantes : relativité et granularité. On peut considérer un point (ou un ensemble de points) comme étant un artefact topologique relati- vement à un autre point (ou ensemble de points). Par exemple, si on considère un cluster qui a été découpé en plusieurs composantes non connexes sur une projection, chaque composante est alors un artefact de déchirure du point de vue des autres composantes, mais elles sont également potentiellement des faux voisinages pour les clusters à proximité desquels elles ont été projetées.

Pour définir les artefacts topologiques, on doit considérer un voisinage relatif à une référence xdans l’espace des données ainsi qu’un voisinage relatif au point y représentant la référence dans l’espace 2D. Afin de prendre en compte la notion de granularité, nous introduisons deux opérateurs permettant d’abstraire ces voisinages (Figure 6.5) :

Opérateur de sélection : cet opérateur, noté σ , correspond à l’application qui associe un ensemble d’individus similaires à une référence, pour une valeur seuil donnée α définissant l’étendue du voisinage autour de cette référence dans l’espace des données.

Opérateur de filtrage: cet opérateur, noté φ, correspond à l’application qui associe un en- semble de points à une référence, pour une valeur seuil donnée β définissant l’étendue du voisinage autour de cette référence dans l’espace de projection.

Le voisinage défini par l’opérateur de filtrage dans l’espace de projection correspond, dans la ensuite, à la zone de filtrage 2D de la lentille. Le voisinage définit par l’opérateur de sélection dans l’espace des données correspond lui à la sélection des individus proches de la référence pour lesquels on souhaite visualiser et analyser les proximités d’origine.

FIGURE 6.5 – Schéma illustrant les artefacts topologiques : faux voisinages et déchirures. Ces

artefacts relativement à l’individu x correspondent à des erreurs de préservation entre le voisinage d’étendue α dans l’espace des données et le voisinage d’étendue β dans l’espace de projection 2D. Les points verts sont présents (rond) ou absents (croix) du voisinage dans les deux espaces.

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Taxonomie des points relative à la référence

On peut voir le processus de projection comme un processus de classification où le voisinage dans l’espace des données définit la classe des voisins et celle des non-voisins, c’est-à-dire les classes réelles ; et le voisinage dans l’espace de projection définit le résultat de la classification, c’est-à-dire les classes estimées. A l’image d’une tâche de classification automatique, on peut définir une matrice de confusion. En comparant le voisinage d’origine dans l’espace des données avec le voisinage dans l’espace 2D relativement à un point de référence sélectionné, on obtient pour chaque point de la projection un des 4 cas suivants (Figure 6.6) :

Vrai Positif ∼ Vrai Voisin : Point bien classé (“hit”), c’est-à-dire un point qui est voisin de la référence à la fois dans l’espace 2D et dans l’espace des données.

Faux Positif∼ Faux Voisin : Point d’une autre classe mal classé (“false alarm”), c’est-à-dire un point qui est voisin de la référence dans l’espace 2D mais pas dans l’espace des données.

Faux Négatif ∼ Déchirure : Point de la classe mal classé (“miss”), c’est-à-dire un point qui est voisin de la référence dans l’espace des données mais pas dans l’espace 2D.

Vrai Négatif∼ Non Voisin : Point d’une autre classe bien classé (“correct rejection”), c’est-à-dire un point qui n’est pas voisin de la référence dans les deux espaces.

Espace des données Voisin Non-Voisin Espace de projection Voisin Vrai Voisin Faux Voisin Non-Voisin Déchirure Non-Voisin

FIGURE 6.6 – Matrice de confusion du processus de projection, c’est-à-dire la taxonomie des

points relative à la référence.

Après une présentation des opérateurs de sélection et de filtrage, nous introduisons la repré- sentation graphique de la taxonomie des points relative à la référence de ProxiViz. Cette représen- tation permet de construire une lentille qui nettoie localement la projection de ses faux voisinages afin de résoudre les problématiques de ProxiViz, aussi bien au niveau de la mise en évidence des proximités d’origine, que de l’interaction de navigation et de brossage sur la projection.

Opérateurs de sélection

Comme nous l’avons vu dans la section dédiée aux algorithmes de projection, différentes ap- proches existent pour définir un voisinage dans l’espace des données. Par exemple, dans l’Analyse en Composantes Curvilignes, le voisinage est défini par seuillage des proximités entre les indi- vidus en fonction d’un scalaire défini en paramètre de l’algorithme. Dans Isomap, le voisinage est défini par la valeur k du rang définissant le graphe des k-plus proches voisins. La définition d’un voisinage par seuillage dans l’espace des données est également utilisée dans les algorithmes de clustering automatiques pour agréger les individus par densité comme DBSCAN [77] ou par classification ascendante hiérarchique (CAH) [164].

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Nous ne nous intéressons pas ici à la définition d’un voisinage théorique mais plutôt à un moyen de définir une région dans l’espace des données. On peut envisager un grand nombre d’opérateurs possibles pour sélectionner des individus en fonction de leur proximité à un indi- vidu référence dans l’espace des données. Nous considérons ici trois opérateurs de sélection afin d’illustrer ce concept (Figure 6.7) :

Géométrique: cet opérateur retourne l’ensemble des individus compris dans le voisinage géomé- trique de la référence xi, c’est-à-dire à une distance d inférieure à la valeur seuil α : σα(xi) = {xk∈

Rn×m|d(xi, xk) ≤ α}. Pour un individu référence, cet opérateur peut être vu comme l’hypersphère

centré sur l’individu et dont le rayon correspond à la valeur seuil α.

Géodésique : cet opérateur retourne l’ensemble des individus compris dans le voisinage géodé- sique de la référence xi, c’est-à-dire à une distance géodésique dGinférieure à la valeur seuil α sur

le graphe G des k-plus proches voisins de la référence : σα(xi) = {xk∈ Rn×m|dG(xi, xk) ≤ α}. Cet

opérateur permet de visualiser les connections de proximité entre individus à la manière de Spider Cursor [225].

Agrégatif : cet opérateur retourne l’ensemble des individus {x1, ..., xk} appartenant à un clus-

ter Cα englobant la référencexi et dont le nombre de points est fonction de α : σα(xi) = {xk ∈

Rn×m|(xi, xk) ∈ Cα}. Cet opérateur considère des algorithmes de clustering qui fournissent une

partition totale des données et pour lesquels on peut obtenir un cluster de taille différente en fonc- tion de α, relativement à un individu référence. La CAH est un bon candidat pour cet opérateur car elle fournit un dendrogramme, c’est-à-dire une hiérarchie de clusters. La hauteur dans le den- drogramme paramétre directement le nombre de points dans le cluster. Aussi on peut associer α à la hauteur de coupure dans le sous-arbre contenant la référence.

FIGURE 6.7 – Exemple d’opérateurs de sélection définissant le voisinage de la référence dans

l’espace des données.

L’étendue du voisinage dans l’espace des données, contrôlée par α, peut s’exprimer en termes du nombre d’individus Nαdans le voisinage, c’est-à-dire f (α) = |Nα| avec α ∈ [0, 1]. Le voisinage

est vide pour α = 0 et il contient tous les individus pour α = 1 (ce qui correspond à ProxiViz). Ce paramètre d’étendue étant borné, il peut être contrôlé à l’aide d’un curseur de défilement (sli- der). Mais l’évolution de l’étendue dépend de l’opérateur de sélection et n’est pas obligatoirement linéaire. Pour un opérateur de sélection agrégatif, par exemple, à chaque incrément/décrément de α, il y a un nombre variable d’individus qui sont ajoutés/retirés du voisinage.

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L’étendue du voisinage, en termes de nombre de points, peut varier d’une référence à une autre pour une même valeur α. En effet, si on considère l’opérateur de sélection géométrique, pour une valeur α, le voisinage contiendra beaucoup plus de points dans des régions denses de l’espace des données que dans des régions moins denses. Un réglage automatique de α en fonction de la densité est envisageable mais l’utilisateur ne sera alors plus conscient de la distribution des proximités dans l’espace des données. Aussi nous préférons considérer une valeur seuil α fixée par l’utilisateur, afin qu’il puisse appréhender la densité dans l’espace des données en adaptant manuellement l’étendue du voisinage.

De ces trois opérateurs de sélection, l’opérateur géométrique semble le plus intuitif, car il cor- respond à un simple seuillage des proximités d’origine relatives à la référence. Cependant comme il centre le voisinage sur la référence dans l’espace des données, il rend la sélection de tout un cluster assez difficile à partir d’une unique référence. L’opérateur de sélection géodésique pose le même problème, mais étant moins facile à se représenter mentalement nous ne considérons pas cet opérateur dans la suite. L’opérateur de sélection agrégatif, en revanche, est tout indiqué pour sé- lectionner un cluster, mais il pose le problème du choix du critère d’agrégation. Par exemple pour la CAH, l’agrégation peut se faire selon différents critères de liaison en fonction de la distance mi- nimum (liaison simple) ou maximum (liaison complète) sur l’ensemble des individus du cluster. Nous utilisons dans la suite, une CAH avec un critère de liaison simple pour que le clustering soit comparable avec celui que l’on pourrait réaliser manuellement en explorant l’espace des données avec la lentille munie de l’opérateur de sélection géométrique, c’est-à-dire par agrégation itérative de sphères de rayon α dans l’espace des données.

Opérateurs de filtrage

L’objectif de la lentille est de nettoyer localement la projection de ses faux voisinages relati- vement à un point de référence. Pour cela, il faut définir une zone représentant le voisinage de la référence dans l’espace 2D, que nous appellerons zone de filtrage. Cette zone 2D correspond d’abord à un moyen de résoudre les problèmes de ProxiViz avant de correspondre à un voisi- nage théorique. En fonction du voisinage dans l’espace des données qui correspond à un ensemble d’individus sélectionnés, nous distinguons deux catégories d’opérateurs de filtrage :

Indépendant: Cette catégorie d’opérateurs est indépendante de l’ensemble des individus sélection- nés et correspond à des opérateurs qui définissent une zone 2D fixée autour de la référence dont l’étendue est réglée par la valeur du seuil β . Un cercle de rayon β centré sur le point de référence est un exemple d’opérateur appartenant à cette catégorie.

Dépendant : Cette catégorie d’opérateurs est dépendante de l’ensemble des individus sélection- nés et adapte le voisinage 2D en définissant un périmètre de filtrage, dont l’étendue est réglée par valeur du seuil β , autour (ou contenant) chaque point correspondant à un individu sélectionné. L’enveloppe convexe de ces points ou leur alpha shape [71], avec une marge β , sont des exemples d’opérateurs appartenant à cette catégorie. D’autres variantes existent comme les enveloppes pa- pillons [193] ou la représentation de l’arbre couvrant minimum basé sur le graphe de Delaunay 2D entre les points correspondant aux individus sélectionnés.

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On peut définir des opérateurs semblables à ceux utilisés dans l’espace des données pour cha- cune des deux catégories (Figure 6.8) : géométrique, géodésique, agrégatif. L’opérateur de filtrage géométrique indépendant se définit ainsi comme suit : φβ(yi) = {yk ∈ Rn×2|d(yi, yk) ≤ β }. Pour

un point référence, cet opérateur peut être vu comme le cercle centré sur le point et dont rayon correspond à la valeur seuil β . L’opérateur de filtrage géométrique dépendant revient à définir un opérateur de filtrage géométrique en chaque point correspondant à un individu sélectionné, et se définit comme suit : φβ(yi) = {yk ∈ Rn×2|∀yj ∈ σ (xi), d(yj, yk) ≤ β }. Ces deux opérateurs sont

illustrés dans la section suivante sur la représentation de la zone de filtrage 2D.

L’opérateur de filtrage géométrique est intuitif en 2D, car on peut représenter les cercles utilisés pour le filtrage et ainsi visuellement se faire une idée de la valeur du paramètre β . Le paramètre β est directement lié à l’étendue de la zone 2D, laquelle dépend du rayon du cercle (ou des cercles) de filtrage, ou bien de l’épaisseur de la marge de l’enveloppe convexe autour des points. Ainsi ce paramètre de filtrage β s’exprime en nombre de pixels et il est borné par le diamètre de la visualisation de la projection. Ce paramètre étant borné, il peut être contrôlé à l’aide d’un curseur de défilement (slider). Pour β = 0, aucun filtrage n’est opéré sur les artefacts topologiques et pour une valeur β égale au diamètre de la projection, seuls les points correspondant à des individus sélectionnés ne sont pas filtrés sur la projection.

FIGURE6.8 – Exemple d’opérateurs de filtrage définissant le voisinage de la référence dans l’es-

pace de projection.

Une fois les opérateurs de sélection et de filtrage définis, la représentation de la taxonomie des points définie précédemment permet de construire une lentille qui nettoie localement la projec- tion de ses faux voisinages. Les sous-sections suivantes présentent les enjeux de représentation et d’interaction associés à cette lentille et montrent en quoi cette approche résout les problèmes de ProxiViz en termes de mise en évidence des proximités d’origine, d’interaction de navigation et de brossage sur la projection.

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