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Dialogue 1 L’école est neutre

LAVATAR

Quel est votre sujet de thèse ?

LINDAGATRIX

Je m’intéresse à l’égalité filles-garçons dans les situations

d’enseignement-apprentissage du lire-écrire au CP.

LAVATAR

Mais, l’école est neutre, les professeur·e·s comme les élèves sont neutres, où est le

problème ?

LINDAGATRIX

L’école est-elle neutre ?

« Nous disposons d’un ensemble de travaux montrant que l’école n’est pas aussi égalitaire qu’elle

pourrait espérer l’être. Si l’on ne s’intéresse qu’aux aspects transversaux de l’enseignement, citons

par exemple les travaux sur la prise de parole en classe (Jarlégan et al. 2011; Collet 2015), sur les

manuels scolaires, la cour de récréation (Delalande 2005), l’orientation scolaire (Vouillot 2014), etc. En

ce qui concerne le français, les recherches sur les albums pour enfants (Dafflon-Novelle 2002;

Brugeilles, Cromer et Cromer 2002), la disparition des autrices (Viennot 2014) ou encore les

partis-pris de la grammaire sont tout à fait éclairants sur la manière dont le genre est à l’œuvre dans le

quotidien de la classe. » (Collet, 2016a, p. 116).

De plus des études sociologiques mettent en évidence la (re)production d’inégalités entre les

sexes à l’école, notamment à travers la notion de « curriculum caché » de Forquin.

« En classe, on n’apprend pas seulement des savoirs scolaires mais aussi "ces choses qui

s’acquièrent à l’école (savoirs, compétences, représentations, rôles, valeurs) sans jamais figurer dans

les programmes officiels ou explicites" (Forquin, 1985), ce que les sociologues nomment un

"curriculum caché". La socialisation sexuée à l’école en fait partie.» (Mosconi, 2004, p. 165).

L’origine de mes recherches trouve en partie sa source dans la lecture de ces travaux qui

s’avèrent précieux parce qu’ils donnent à voir les inégalités de sexe à l’école et l’enjeu de

penser l’égalité filles-garçons dans les situations d’enseignement-apprentissage. Cependant,

j’attrape la question de l’égalité des sexes moins à l’aune des inégalités, déjà mises en exergue

par ces études, davantage au regard de la concrétisationde l’égalité.

Or la neutralité dit peu de chose de la concrétisation de l’égalité des sexes. En effet que

signifie être neutre ? Du latin neuter « ni l’un, ni l’autre », être neutre consiste à s’abstenir de

prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Au contraire, de mon point de vue, concrétiser l’égalité

des sexes dans les situations didactiques, revient à prendre également parti pour l’un·e et pour

l’autre. Sans jeu de mots, la nuance n’est pas neutre, elle s’actualise dans l’action dont dépend

la concrétisation de l’égalité. L’une des raisons à cela relève du fait que comme le souligne

souvent Fraisse : « L’égalité ne pousse pas comme l’herbe verte ».

En effet, l’égalité des sexes ne s’inscrit pas dans un mouvement naturel et continu. Au contraire,

l’égalité filles-garçons émerge à la condition d’une action professeur·e-élèves adéquate prenant

acte de ce que la classe est sexuée. De plus, je pense que l’égalité des sexes se concrétise dans

la production d’une œuvre commune filles-garçons. Cette coréalisation filles-garçons

s’actualise dans un « mélange des sexes » (Fraisse & Don Guillermo, 2006). Elle suppose d’une

part, de prendre en compte à un moment donné la variable sexe, d’autre part de s’interroger sur

la situation qui permet aux élèves d’œuvrer conjointement à la réalisation de leur production

commune. D’une certaine manière, dans « l’école est neutre, les professeur·e·s, les élèves sont

neutres, il n’y a pas de problème », c’est comme si on entendait : il n’y a pas d’objet de

recherche. Or il existe bien un objet de recherche, celui lié au problème de la conception et de

la mise en œuvre de telles situations d’enseignement-apprentissage propices à la concrétisation

de l’égalité filles-garçons.

LAVATAR

Le « mélange des sexes », est-ce la mixité ?

LINDAGATRIX

Effectivement j’aurais pu dire « mixité » mais je choisis « mélange des sexes » (Fraisse,

2004a, 2004b, Fraisse & Don Guillermo, 2006). Pour la philosophe Geneviève Fraisse, le

« mélange » est un concept philosophique, c’est le contraire de la séparation, de la ségrégation.

Le « mélange des sexes » dit explicitement la sexuation, au contraire de la mixité. Le mot

« mixité » a en partie perdu sa dimension sexuée notamment dans la mesure où on entend

généralement sous mixité la mixité sociale. De plus, le « mélange des sexes » dit la rencontre

entre les sexes, autrement dit l’idée que filles et garçons entrent en contact, en relation. Comme

souligné ci-après, à l’école, la mixité ne revêt pas toujours une dimension de « mélange des

sexes », de rencontre fille-garçon.

En 1975, la loi Haby rend obligatoire la mixité en France dans tous les établissements

publics d'enseignement. Depuis, la mixité s’avère généralisée à l’école, filles et garçons sont

ensemble dans une même classe et soumis·e·s aux mêmes programmes scolaires. Cependant,

les interactions ont le plus souvent lieu entre le·la professeur·e et les élèves, peu souvent entre

élèves, encore plus rarement entre élèves filles et élèves garçons, et cela dès le CP. En effet,

j’ai relevé cette simple co-présence des sexes dans mes observations des pratiques ordinaires

en lire-écrire au CP

13

. De plus le placement libre des élèves lors des temps de regroupement,

donne généralement à voir une séparation des sexes. C’est le cas ci-après. Les arrêts sur image

qui suivent sont extraits de films d’observation de pratiques ordinaires réalisés dans deux

classes de CP. Sur le photogramme ci-dessous les élèves sont réuni·e·s près du tableau, aucune

consigne de placement n’a été donnée par la professeure.

Photogramme 1 Pratiques ordinaires au CP. Placement libre des élèves

Comme c’est généralement le cas, lors de regroupements libres, ici les filles se mettent avec

les filles, les garçons avec les garçons, seul·e·s les retardataires et/ou quelques exceptions se

mélangent parfois. En général « le mélange des sexes » (Fraisse & Don Guillermo, 2006)

s’avère peu spontané chez les élèves. Qu’en est-il des professeur·e·s ? L’image suivante, elle

13 A propos des pratiques ordinaires en lire-écrire au CP, voir dans cette thèse la partie « Analyses préalables » de l’ingénierie didactique coopérative Co-écriture fille-garçon en symétrie.

aussi extraite d’un film d’étude sur les pratiques ordinaires, donne à voir des élèves de CP

assis·e·s à leur table de travail. Le placement de chacun·e relève du professeur.

Photogramme 2 Pratiques ordinaires au CP. Placement imposé fille/garçon par le professeur au CP.

En cas de placement imposé par le·la professeur·e, on observe souvent, comme ici à plusieurs

reprises, qu’une fille est placée à côté d’un garçon. Cependant, il ressort des entretiens avec

onze professeur·e·s

14

de première année d’élémentaire

15

ce qui suit. D'une part cette modalité

de répartition des élèves dans la classe varie en fonction des contraintes posées par l’effectif. Il

n’est pas toujours numériquement possible de placer une fille à côté d’un garçon. D’autre part,

ce placement des filles a pour but de séparer des garçons pour calmer leur comportement

éventuellement perturbateur. Cela tend vers les études sociologiques déjà réalisées à ce sujet,

notamment par Duru-Bellat.

« (…) suggérer aux filles de jouer un rôle d’auxiliaire et de pacifier les garçons est une voie tentante

pour les enseignants, de même que leur consacrer une part importante de leur attention, car, quelles

que soient leurs convictions (anti-sexistes ou plus conventionnelles), il faut « tenir » sa classe face à

ces perturbateurs en puissance… ». (Duru-Bellat, 2008, p. 141)

Lorsqu’il est parfois demandé aux élèves de travailler avec leur voisin·e, alors la rencontre des

sexes advient, de manière aléatoire, en général en dehors d’une perspective d’égalité des sexes.

Peu spontanée chez les élèves et rarement pensée chez les professeur·e·s comme un levier pour

l’égalité des sexes, la mixité prend souvent la forme d’une simple co-présence des sexes,

14 Il s’agit ici de onze professeur·e·s interrogé·e·s dans le cadre d’une étude des pratiques ordinaires de mixité en lire-écrire en première année d’élémentaire. Ces observations ont été menées en perspective de l’analyse préalable de notre ingénierie didactique coopérative Co-écriture fille-garçon en symétrie conçue et mise en œuvre l’année suivante. Les onze professeur·e·s exercent dans des écoles primaires publiques, cinq enseignent en France, six sont allemandes et exercent en Allemagne dans des écoles allemandes.

15 Par « première année d’élémentaire » il faut entendre ici des élèves de six à sept ans scolarisé·e·s dans des écoles publiques en Cours Préparatoire (CP) en France et/ou en erste Klasse dans des écoles allemandes en Allemagne. Première année d’élémentaire me semble plus approprié que l’appellation première année primaire, parce qu’en France l’école primaire commence avec la classe de petite section constituée d’élève âgé·e·s de trois ans et ne correspond pas à la classe de CP.

rarement celle du « mélange des sexes » (Fraisse & Don Guillermo, 2006). Par « mélange »

j’entends : une action conjointe fille-garçon en prise avec un enjeu de savoir, mise en œuvre

dans une perspective de concrétisation de l’égalité des sexes.

LAVATAR

Dans ma classe et dans l’école où j’enseigne, la dimension sexuée ça n’est pas un

problème parce que le milieu est cultivé. Dans cette école c’est pas compliqué, ils sont informés

et convaincus ! Ça n’était pas le cas en région parisienne. Vous ne croyez pas que ça dépend du

milieu social ?

16

LINDAGATRIX

L’observation fine des pratiques peut parfois révéler des faits autres. Voici un épisode

intitulé T’écris « sont à vélo », extrait d’un film d’étude réalisé dans cette classe d’élèves

issu·e·s d’un milieu social cultivé que vous évoquez. Il fait partie du corpus d’observations

filmées de pratiques ordinaires

17

de lire-écrire en mixité dans onze classes de première année

d’élémentaire constituées d’élèves de six à sept ans. Ces données ont été recueillies pour une

analyse préalable en perspective de l’ingénierie didactique coopérative Co-écriture fille-garçon

en symétrie mise en œuvre par la suite qui constitue le cœur de ce travail de thèse. L’extrait

dure environ dix minutes. Il donne à voir un binôme fille-garçon en situation d’écriture de

phrases communes.

Mais avant de montrer l’épisode, laissez-moi rapidement préciser quelques éléments de

méthodologie. Le mode de présentation de cet extrait, et de ceux donnés à voir tout au long de

cet ouvrage, est réalisé à partir d’arrêts sur image issus d’un enregistrement vidéo. Il s’agit dans

ce cas précis d’observations filmées de « pratiques semi-ordinaires » en lire-écrire dans la

classe précitée. Ces images sont retravaillées pour un effet bande-dessinée en noir et blanc.

Pourquoi ce choix ? Cette option permet de maintenir visibles les expressions du visage tout en

favorisant, via l’effet d’abstraction émanant des traits graphiques et de l’absence de couleur, la

possibilité d’anonymat du·de la professeur·e et des élèves. Ainsi, le passage de la photo-couleur

au dessin noir et blanc, transforme les personnes en personnage. Personnage qui de par son

16 Extrait d’un entretien avec une professeure dans le cadre d’observations de pratiques ordinaires constitutives de l’analyse préalable à l’ingénierie didactique coopérative.

17 Précisément, il s’agit de pratiques que je qualifierais de « semi-ordinaires ». En effet, dans les pratiques ordinaires de lire-écrire en première année d’élémentaire, les filles et les garçons âgé·e·s de six à sept ans sont très rarement en interactions. Les interactions ont davantage lieu entre le·la professeur·e et les élèves. Par pratiques « semi-ordinaires » j’entends ce qui suit. Des pratiques pensées à l’origine par les professeur·e·s pour une activité en temps solitaire des élèves et que les professeur·e·s ont l’habitude de mettre en place dans leur classe,· mais adaptées ici par elles·eux, pour les besoins de l’observation, en activités en binômes mixtes.

statut figuratif, pourrait en un sens, représenter n’importe quel·le élève ou professeur·e. Ce

faisant, je pense que ce mode d’illustration permettrait au·à la lecteur·rice de faire sienne la

situation donnée à voir, et dans le cas d’un·e professeur·e, d’y reconnaître certaines postures

d’élèves, certaines scènes vécues en classe, voire de s’y reconnaître en tant qu’enseignant·e. En

effet, il semble que la transformation en dessin noir et blanc participe de donner aux

protagonistes une dimension relativement universelle. L’universalité s’exprime aussi d’une

certaine manière par l’échappement au bleu/rose des vêtements des élèves apparaissant souvent

dans le format original des enregistrements filmés. Seul·e·s les mains, moyen d’expression et

d’action, ainsi que les outils scripturaux à disposition des élèves, apparaissent en mode

photo-couleur. Outre l’esthétique du rendu et la touche de réel qu’il insuffle, ce procédé permet de

mettre un éclairage particulier sur certains éléments pour une meilleure perception de la

situation. Enfin je fais le choix de ne pas appliquer de convention de transcription mais de

privilégier une ponctuation classique, afin de ne pas faire obstacle à la lecture au tout-venant.

A présent voici l’épisode.

La consigne est la suivante : chaque dyade doit inventer une ou deux phrases composée(s) de

mots contenant le son [v] qui vient d’être étudié en classe. Les élèves du binôme disposent

d’une feuille pour deux et sont libres d’organiser leur travail comme il et elle l’entendent. Au

moment où commence l’épisode T’écris « sont à vélo » ci-après, le garçon (G) (à gauche sur

l’image) a déjà inventé le début de la phrase « Vittorine et Vivien », l’a dicté à la fille (F) qui

écrit (à droite sur l’image). Il lui dicte ici la suite « vont dans un volcan pour trouver… un

livre ».

Photogramme 3 Pratiques semi-ordinaires au CP. Episode "T'écris : « sont à vélo »"

Le tableau synoptique ci-après rend compte des cinq étapes qui composent l’épisode T’écris «

sont à vélo ». A chaque étape correspondent des responsabilités d’écriture assumées par la fille

et par le garçon.

Etapes tdp18 cases

1 1ère proposition de G : « Vittorine et Vivien vont dans un volcan pour trouver un livre »

-G propose/dicte à F -F graphie énoncé de G

1-4 1-2

2 2ème proposition de G : « de volcan » -G propose/dicte à F -F graphie énoncé de G 5-8 9-12 3-4 5-6 3 1ère proposition de F : « vert »

-Relecture en chœur de F et G à P

-Relance de P

-F propose et graphie énoncé de F

13-19 7-8

4 3ème proposition de G : « qui parle de volcan » -G propose/dicte à F

-F graphie

20-23 9-10

5 4ème proposition de G : « sont allés en vélo dans un volcan » -G dicte/impose à F

-F refuse de graphier

-Minuteur sonne fin de l’activité

24-29 11-12

Tableau 2 Pratiques semi-ordinaires au CP. Tableau synoptique de l'épisode "T'écris : "sont à vélo""

A l’exception du tour de parole 16 (tdp 16) où la fille propose d’ajouter le mot « vert » suite à

la relance de la professeure, le garçon est celui qui est à l’origine des quatre propositions

d’écriture. En effet, c’est le cas au tour de parole 1 (tdp 1) « Vittorine et Vivien vont dans un

volcan pour trouver un livre », tdp 7 « de volcan » , tdp 21 « qui parle de volcan », et enfin pour

« sont allés en vélo dans un volcan » (tdp 24, 28). Le garçon dicte à la fille les énoncés inventés

par lui. La fille écrit sous la dictée du garçon ces fragments dont il est à l’origine, à l’exception

du dernier. Lorsque la fille écrit, le garçon manipule sa gomme, puis relit ce que la fille a noté,

et suggère un nouvel ajout, voire tente de l’imposer (tdp 28). Pour la majeure partie du temps

de co-écriture, le garçon invente et dicte, la fille graphie et encode sous la dictée du garçon. A

part le mot « vert », le contenu de la phrase trouve son origine dans l’action du garçon, la mise

en forme graphique et l’encodage dans l’action de la fille. Par conséquent les responsabilités

assumées par la fille correspondent peu à celles du garçons. Elles sont asymétriques.

LAVATAR

Oui. Mais elles sont complémentaires, et grâce à la complémentarité du garçon qui

invente et dicte, et de la fille qui écrit ce que lui dit le garçon, le binôme est parvenu à coopérer

pour répondre à la consigne d’écriture. Par conséquent en quoi est-ce problématique ?

LINDAGATRIX

Oui, les responsabilités assumées par la fille et celles assumées par le garçon sont

complémentaires et c’est précisément le problème, car comme le souligne Collet,

complémentarité ne signifie pas égalité.

« Une erreur, plus grave, est de croire que complémentarité est synonyme d’égalité. Le fait que des

éléments complémentaires soient différents l’un de l’autre, d’une part, et indispensables l’un à l’autre,

d’autre part, ne nous dit rien sur leur égalité : on peut être complémentaires et tout à fait inégaux. Un

bref exemple mathématique permet à tout le monde de comprendre instantanément : 2 est

complémentaire à 8 pour faire 10, il lui est aussi absolument nécessaire. Pour autant, 2 est inférieur à

8. Complémentarité et Égalité sont des concepts distincts. » (Collet, 2016a, p. 113)

Dans le cas de l’égalité des sexes, la complémentarité dans le travail coopératif risque à tout

instant de glisser vers une supposée complémentarité des sexes.

« Il ne s’agit pas de nier la complémentarité des sexes dans la procréation mais d’analyser le rôle

central qui lui est donné dans une cosmogonie binaire et inégalitaire où le deuxième sexe complète un

masculin défini comme norme et autorité. » (Sénac, 2015a, p.19)

A l’inverse, favoriser chez les élèves l’expérience

19

d’une reconnaissance mutuelle

filles-garçons « en tant que pair·e·s et non comme complémentaires » (Sénac, 2015a, p.30) serait

propice à l’émergence de l’égalité des sexes. Pour Fraisse, « l'important est qu'en prenant le

point de vue de la symétrie, on offre un outil de plus à la pensée de l'égalité : est-ce la même

chose pour les hommes et pour les femmes ? » (Fraisse, 2016b, p. 47). Appliquée aux situations

19 Par expérience il faut entendre la définition du dictionnaire cntrl : « Fait d'acquérir, volontairement ou non, ou de développer la connaissance des êtres et des choses par leur pratique et par une confrontation plus ou moins longue de soi avec le monde. » repéré à https://www.cnrtl.fr/definition/expérience.

de co-écriture, la symétrie devient un outil pour penser et concrétiser l’égalité lorsque la

question devient : « est-ce le même savoir en jeu pour la fille et pour le garçon ? ». Dans

l’extrait donné à voir ici, ce n’est pas tout à fait le cas. Chacun·e des deux élèves lit

effectivement un énoncé écrit. Cependant les savoirs mobilisés par la fille pour graphier et

encoder cet énoncé, et ceux mobilisés par le garçon pour inventer le contenu de la phrase et

pour dicter, ne sont pas les mêmes.

L’observation fine des pratiques révèle ce qui suit. Même dans le cas d’un milieu social des

élèves perçu comme « cultivé », et même si les élèves semblent a priori « informés et

convaincus », cela ne parait pas suffire pour que l’égalité des sexes soit concrétisée. Comme le

souligne Collet ci-après, l’égalité ne se réduit pas à une information ou à une « éducation à… ».

« Depuis quelques années, un ensemble de thèmes regroupés sous la formule les « éducations à... »

ont fait leur entrée à l’école: éducation au développement durable, à la laïcité, à la santé, à la

citoyenneté, etc. À la différence des enseignements disciplinaires, les « éducations à... » visent plutôt

à développer des valeurs ou des d’attitudes par la construction de compétences sociales et/ou

éthiques (Lebeaume et Pavlova 2009). L’éducation à l’égalité fait partie de ces « éducations à... » (…).

Or, l’éducation à l’égalité n’est qu’une très petite partie de la « culture de l’égalité » dont parle la

Convention de 2013. Former les enseignant-e-s à la pédagogie de l’égalité est une entreprise bien

plus vaste et plus complexe que la simple organisation de quelques séances annuelles d’« éducation

à ... ». » (Collet, 2016a, p. 115)

Ainsi, même si le milieu social des élèves joue probablement un rôle quant à leur sensibilisation

à l’enjeu d’égalité des sexes, il semble qu’être informé·e·s ne suffit pas. L’expérience par les

élèves de la concrétisation de l’égalité fille-garçon dans les situations

d'enseignement-apprentissage parait nécessaire. Cette concrétisation suppose la mise en place d’un dispositif

élaboré à cet effet. C’est pourquoi il me parait pertinent de réfléchir à la conception et mise en