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Conceptions anthropocentrées et conceptions sur les droits de l’homme

sociopolitiques ou religieuses

4) Conceptions anthropocentrées et conceptions sur les droits de l’homme

      

76 Analyse de Co-Inertie entre d’une part les réponses aux questions relatives à l’environnement et d’autre part

 

Figure 6 :

Réponse des enseignants (regroupées par pays) aux questions :

A38 « C’est pour des raisons biologiques que

les femmes ont plus souvent la charge des tâches domestiques que les hommes »

A35 : « Les groupes ethniques sont

génétiquement différents et c'est pourquoi certains sont supérieurs aux autres ». A41 : « Les couples homosexuels devraient

avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels.

(Source : P.Clément & S.Caravita., communication acceptée pour ESERA 2011)

D’autres analyses permettent de mettre en évidence des corrélations entre les réponses sur l’environnement et celles sur les droits de l’homme et du citoyen. La figure 6 présente les réponses des enseignants interrogés à 3 questions sur les droits de l’homme, illustrant ces corrélations (cf. aussi fig. 4).

Ainsi, les conceptions les plus anthropocentrées (figure 4 ; elles sont donc, nous venons de le voir, majoritaires dans les pays où les enseignants sont aussi les plus croyants et les plus pratiquants : figure 5) sont très significativement corrélées à des conceptions (figure 6) qui justifient biologiquement les différences entre hommes et femmes (question A38 : « C’est pour

des raisons biologiques que les femmes ont plus souvent la charge des tâches domestiques que les hommes ») ou même les différences entre groupes ethniques (question A35 : « Les groupes ethniques sont génétiquement différents et c'est pourquoi certains sont supérieurs aux autres »), ou encore qui sont contre l’égalité entre homo et hétérosexuels (question A41 : « Les couples homosexuels devraient avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels »). Les

réponses à ces trois questions, regroupées par pays (figure 6), ordonnent les pays à peu près de la même façon, à quelques détails près qui pourraient être analysés plus précisément ; ils sont aussi ordonnés de la même façon que dans la figure 4, ce qui illustre la cohérence (par pays) entre les réponses à ces diverses questions : ces corrélations sont statistiquement très significatives.

Les résultats présentés dans la figure 6 ne sont que des illustrations significatives de résultats plus nombreux, et de plusieurs types d’analyses multivariées dont nous n’avons pas la place de présenter les principaux résultats ici. Par exemple, le questionnaire utilisé comporte neuf questions permettant d’évaluer les conceptions des enseignants interrogés sur les différences entre hommes et femmes et sur la justification éventuelle de ces différences par des arguments biologiques. Notre objectif était d’analyser chez les enseignants interrogés l’interaction entre leurs connaissances scientifiques à ce propos (K pour Knowledge) et leurs valeurs (V) plus ou moins sexistes, justifiant sans doute leurs propres pratiques sociales (P), selon le modèle KVP déjà cité77. Les réponses à ces 9 questions sont fortement corrélées entre elles, et la figure 6 illustre sur l’exemple d’une seule de ces 9 questions l’ensemble des résultats obtenus qui différencient très nettement les pays entre eux. Ces résultats montrent que dans plusieurs pays nombreux sont les enseignants (y compris de biologie) qui justifient encore par des arguments biologiques des valeurs et pratiques sociales sexistes.

5) Conclusion

Ces résultats mettent en évidence des systèmes de conceptions qui sont largement liés à la culture propre de chaque pays, ainsi qu’à son contexte socioéconomique. La non-sensibilité aux limites de nos ressources, et d’autres conceptions anthropocentrées, sont fortement corrélées au niveau économique du pays, au degré de croyance et de pratique religieuse des personnes interrogées, ainsi qu’à des positions qui ne reconnaissent guère l’égalité entre sexes, entre groupes ethniques, ou en fonction de leur orientation sexuelle.

L’implémentation de l’EDD ne se heurte donc pas aux mêmes difficultés selon la culture de chaque pays. Dans un pays où la majorité de la population, y compris les enseignants du Primaire et du Secondaire, biologistes ou littéraires, n’ont pas conscience des limites des ressources de notre planète, sans doute parce que le niveau économique de la population est peu élevé, et que chaque habitant n’utilise que très peu de ressources si on les compare avec le gaspillage des pays les plus développés, l’EDD doit d’abord s’intéresser aux causes de cette pauvreté des pays du Sud, et ne doit pas reproduire sans examen critique les exemples

      

pédagogiques développés pour l’EDD dans les pays les plus développés qui ont, à cet égard, plutôt des problèmes inverses (sur-consommation, gaspillage, …).

Plus complexes et délicates sont les questions relatives aux droits de l’homme, à l’égalité de tous quels que soient leur sexe, leur appartenance ethnique ou leur orientation sexuelle (questions qui sont partie intégrante de l’EDD). Les réticences à ces égalités sont souvent enracinées dans des traditions anciennes, mais qui restent évolutives, et qui sont le plus souvent renforcées par les tendances les plus fondamentalistes des religions (qu’elles soient chrétiennes, musulmanes ou autres). En effet une analyse plus détaillée (non encore publiée) des résultats que nous venons de présenter, par exemple au Gabon ou encore au Brésil, illustre des différences entre les chrétiens les plus fondamentalistes (évangélistes, baptistes, témoins de Jéhovah, …) et les autres chrétiens. En revanche, nous n’avons pas trouvé de différences entre les grandes religions, comme entre chrétiens et musulmans, ou entre catholiques, protestants et orthodoxes, quand ces différences sont testées à l’intérieur d’un même pays. Les différences essentielles s’observent en effet d’un pays à un autre, même si l’on compare les enseignants qui ont la même religion : il y a par exemple de fortes différences entre les catholiques français, polonais, camerounais ou libanais (pour ne prendre que quelques-uns des pays illustrés par la figure 4).

L’enjeu de l’EDD, et de ses liens avec la citoyenneté et les droits de l’homme, n’en est que plus crucial. Il est essentiel de définir clairement les valeurs qui sous-tendent toute éducation, en particulier l’EDD, valeurs pour la plupart inscrites dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par les Nations Unies en 1948.

Une démarche volontariste « top-down » peut à cet égard être un complément efficace des efforts de ceux qui, dans des écoles, des associations ou des ONG, se battent sur le terrain pour promouvoir les valeurs de l’EDD. La reprise par les systèmes éducatifs des suggestions formulées par l’UNESCO et autres organismes, par exemple dans le cadre de la DEDD, peut ainsi s’inscrire dans les programmes, les curricula puis dans les enseignements eux-mêmes. A cet égard, l’évolution des manuels scolaires est une étape importante, à laquelle est consacrée la partie C qui suit.

C. Les manuels scolaires : relèvent-ils le défi des compétences liées

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