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« L’outil est le prolongement de la main de l’homme » Encyclopedia Universalis.

Les instruments de gestion jouent un rôle sous-estimé et pourtant crucial dans le fonctionnement des entreprises (Berry, 1983). Simplifiant le réel, ils apportent une réponse à la complexité des situations de gestion et à l’urgence des choix. Les instruments de gestion sont des « moyens conceptuels ou matériels visant à réduire la complexité et à simplifier le réel dans la conduite et le pilotage des entreprises et des organisations » (Berry, 1983). Les aspects de réduction de la complexité et de simplification du réel constituent selon nous des propriétés intrinsèques à l’instrumentation, plutôt que des fonctions qui lui sont explicitement assignées (David, 1996).

Le rôle de l’instrumentation dans un processus stratégique tel que la mise en œuvre de la PSP devient une question primordiale. Si les individus de l’entreprise disposent d’un projet stratégique pertinent, ils doivent également disposer d’outils nécessaires à la légitimation de leur projet. Ils participent en réalité à l’enracinement de la connaissance et à l’intériorisation des décisions stratégiques par les différentes catégories de personnel (Martinet, 1984). Nous considérons l’instrumentation comme l’action de fournir des outils, méthodes et techniques mais aussi des modes de management comme des indicateurs, plan d’actions, outils et méthodes de motivation, de pilotage des compétences. Ainsi, l’instrumentation managériale telle que les méthodes de construction de plans d’actions stratégiques, des outils de gestion et de pilotage des compétences est nécessaire pour faciliter la mise en œuvre de l’aménagement-réduction du temps de travail (Noguera, 2003).

Selon le dictionnaire Robert, l’outil désigne un « objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail ». L’outil de gestion est l’objet tangible qui permet d’enrichir les connaissances sur les

mécanismes d’apprentissage des organisations, sur la coordination de leurs acteurs ou sur le processus de décision. L’instrumentation de gestion fait l’objet d’un intérêt certain au sein de la communauté des Sciences de Gestion, et particulièrement dans le domaine du Management Stratégique.

Bien que leurs origines remontent à la naissance de la comptabilité générale au XVe siècle en Italie, et bien qu’ils aient toujours comptés dans les entreprises, à toutes les époques, c’est véritablement la période d’après-guerre qui va assister à la prolifération des outils de gestion à l’intérieur des entreprises. Le développement des nouvelles technologies a particulièrement accéléré ce processus ces dernières décennies. Ainsi, à l’image de Taylor qui élaborait déjà des grilles de mesure des heures de travail effectuées par les ouvriers, les managers des entreprises dites modernes jouissent d’un panel d’instruments de gestion. En effet, dans notre monde complexe et sujet à de grandes turbulences, le dirigeant éprouve de plus en plus de difficultés à identifier et à définir la bonne stratégie pour assurer la rentabilité, la continuité et la croissance de l’entreprise. Le dirigeant se doit d’analyser et d’évaluer les facteurs reliés à son organisation et à son environnement, afin d’être en mesure de mieux comprendre les enjeux, les risques, les forces et les faiblesses de son milieu et ainsi déceler plus efficacement les opportunités stratégiques pour assurer le développement de son entreprise. Ainsi, les outils de gestion constituent, pour les chefs d’entreprises, les conseillers et les principaux intervenants, des instruments pratiques et efficaces de solution de ces problèmes. Ce peut être des guides d’implantation, des grilles d’analyse, des autodiagnostics, des listes de références, des méthodes ou des modèles analytiques, présentés sous forme imprimée, informatique ou audiovisuelle. Ces outils permettent à l’entreprise dynamique de résoudre des problèmes ou d’améliorer sa gestion rapidement, à des coûts raisonnables, avec ou sans soutien externe.

Néanmoins, le concept d’outils de gestion est difficile à cerner tant sa définition est large. Les appellations sont nombreuses : « instrument de gestion » (Soler, 1993), « modèles de gestion » (Hatchuel, Moisdon, 1993), « dispositif de gestion » (Moisdon, 1997), « appareil gestionnaire » (Hatchuel,

conceptuels ou matériels visant à réduire la complexité et à simplifier le réel dans la conduite des entreprises (Berry, 1983), un « moyen matériel et conceptuel fabriqué pour agir dans et sur l’entreprise » (Doublet, 1996, p. 5), un « système formalisé dans l’action organisée » (David, 1998, p. 44) ou encore une représentation formalisée du fonctionnement de l’organisation, mieux encore, un artefact qui permet l’action organisationnelle (David, 2000). Enfin, « les méthodes et outils de gestion constituent une « technologie de l'organisation », un ensemble de procédés, de dispositifs à la fois symboliques et matériels, qui rendent possible une action collective coordonnée et orientée vers un but » (Bayard, 1996, p. 70).

La définition la plus fréquemment rencontrée est celle de Moisdon (1997) qui qualifie les outils de gestion « d’êtres particuliers », d’un « un ensemble de raisonnements et de connaissances reliant de façon formelle un certain nombre de variables issues de l’organisation (…) et destiné à instruire les divers actes classiques de la gestion (…) : prévoir, décider, contrôler » (idem, p. 7).

Le concept d’outil ne doit pas être confondu avec d’autres notions proches telles que la règle ou le dispositif. Ils constituent également un ensemble de raisonnements et de connaissances, mais n’entraînent pas les mêmes effets. En effet, une règle est « ce qui est imposé ou adopté comme une ligne de conduite, [c’est] une formule qui indique ce qui doit être fait dans un cas déterminé ». Le dispositif est une notion plus étendue et constitue la « manière dont sont disposés les pièces, les organes d’un appareil, le mécanisme lui-même »15. Moisdon (1997) précise à ce propos que les dispositifs de gestion

spécifient les types d’arrangements entre les hommes, les objets, les règles et les outils dans l’entreprise à un instant donné. De façon plus concrète, la mise en place de modalités spécifiques de rencontres (une réunion par trimestre par exemple) est un dispositif de gestion. Les contraintes horaires imposées pour ces réunions, l’obligation de se réunir uniquement en un lieu spécifique, constituent une règle. Les tableaux de bord ou les grilles de synthèse utilisées pour l’évaluation des travaux effectués par ce comité de pilotage sont des outils de gestion. Ainsi, dispositifs, règles et outils constituent, « les trois piliers de l’action, du moins, de la formalisation de l’action organisée » (Moisdon, 2001, p. 112). Ils sont structurés, construits, traduits dans une intention d’action et orienté par une théorie de l’efficacité (Saubesty, 2002).

De Vaujany (2005, 2006b) complète ces travaux et propose de distinguer les objets de gestion, les règles de gestion, les outils de gestion et les dispositifs de gestion. Les objets de gestion concernent les savoir-faire mobilisés par les utilisateurs pour favoriser leur action collective. Les règles de gestion relèvent des discours normatifs comme les règlements intérieurs ou les règles comptables. Les outils et dispositifs de gestion englobent les objets et les règles sur lesquelles ils s’appuient pour se développer mais les dispositifs sont des ensemble « d’éléments de design organisationnel porté par une intention stratégique, produit et géré par le centre ou le pivot d’un collectif organisé, et qui vise à intégrer les outils et les acteurs de façon cohérente, et dans le respect de certaines règles de gestion » (De Vaujany, 2006, p. 113).

Pour mieux comprendre et relier toutes ces terminologies, nous retiendrons le terme englobant d’instrument ou d’instrumentation de gestion. Les anglos-saxons emploient davantage le terme de management tools et s’intéressent peu à leurs véritables caractéristiques mais plutôt à leurs actions et usages. Pour la littérature française, les instruments sont composés d’artefacts et de composantes liées à l’action : des schèmes d’action (Rabardel, 1995). « Tout instrument joint donc, d’une part, un artefact « objectif », matériel ou informationnel, et un schème d’action permettant de mettre en œuvre cet artefact dans un type d’action donné, le schème d’utilisation de l’instrument » (Lorino, 2002, p. 11). Les artefacts sont donc des « objets artificiels, c'est-à-dire conçus (plutôt que des objets naturels)» (Beguin, 2007, p. 370). Les schèmes d’action sont des routines (Pentland & Feldman, 2005) qui vont participer au processus d’appropriation des artefacts dans une perspective de ce que François-Xavier de Vaujany a baptisé la « théorie de la mise en acte » (De Vaujany & al., 2005).

Toutes ces terminologies prouvent le foisonnement des travaux sur les outils de gestion et peuvent participer à la confusion et l’ambigüité des objets d’analyse. L’approche par la théorie de l’action collective permet d’englober et de catégoriser les outils de gestion, mais aussi de mieux appréhender leur granularité pour comprendre leur imbrication les uns avec les autres.

3.1. Typologie, champs d’application et rôles des Outils de Gestion

Les nombreux travaux sur la mise en place d’outils de gestion dans les organisations témoignent de l’éventail des problématiques auxquels ils se rapportent. Peu abordés pour leurs analyses sémantiques, ils suscitent tantôt des travaux sur leurs rôles, tantôt sur leurs dynamiques ou leurs processus d’intégration au sein des organisations. Ils sont analysés et observés « à la loupe », tels des organismes vivants en interaction avec leur environnement immédiat : les entreprises et leurs acteurs. Ils offrent ainsi une lunette d’observation et d’analyse.

On l’a vu au paragraphe précédent, les concepts d’organisation et d’outils de gestion sont intimement liés. L’organisation « est constituée d’un ensemble d’agents (personnes ou groupes ou machines) chargés d’un certain nombre d’activités, liées entre elles par des dispositifs, des règles et des outils, dont le produit final est censé obéir à des objectifs de performance» (Hatchuel & Moisdon, 1997, p. 58). Outils et organisation obéissent à la même logique puisque l’un contribue à la construction de l’autre. On parle de « co-construction » de l’outil et de l’organisation (David, 1998). Ils sont tous deux déterminés par des savoirs et des relations, selon la théorie axiomatique d’Hatchuel (1992).

Leur champ d’application est très vaste et « concerne tous les actes de gouvernement d’une entreprise, à quelque niveau que se situent ces actes » (Moisdon, 1997, p. 14). L’auteur distingue quatre catégories d’outils mis en place dans et par les entreprises : les outils de conformation, les outils d’investigation des fonctionnements organisationnels, les outils de pilotage de la mutation et les outils d’exploration du nouveau.

Les fonctions des outils de gestion sont résumées dans le tableau suivant :

Rôle Définition

Conformation Normer les comportements, pour atteindre un optimum défini par l’outil Investigation du

fonctionnement organisationnel

La confrontation de l’outil avec l’organisation conduit à clarifier les “lois” de l’organisation : l’outil révèle les facteurs qui déterminent le fonctionnement

organisationnel et les aide à les dépasser et à changer

Accompagnement du changement

Le point de départ n’est pas le souhait d’introduire un outil nouveau mais la volonté de concevoir des outils qui puissent accompagner un

changement décidé antérieurement. L’outil joue le rôle de support pour la

construction progressive de représentations partagées

Exploration de trajectoires nouvelles

L’outil ne fait pas que transformer des règles organisationnelles : il

questionne et transforme aussi les savoirs techniques. Tableau 4 : Le rôle des outils de gestion (d’après Moisdon 1997, David, 1998, 2002)

3.1. De la théorie de la décision à la théorie de l’action collective

Barnard (1961) se présentait lui-même comme le précurseur de l’école décisionnelle : « je pense que de nombreux auteurs ont eu la révélation de l’importance du processus de prise de décision dans mon ouvrage » (cité par Charreire & Huault, 2002, p. 25).

La décision est « un engagement spécifique (généralement en termes de ressources) à réaliser une action (signal d’une intention explicite d’agir) », tandis que le processus de prise de décision est « une série d’actions et de facteurs dynamiques qui commence depuis le moment où le stimulus est perçu et se termine au moment où un engagement spécifique est pris » (Mintzberg, 1978, p. 938).

La croissance économique des trente Glorieuses plonge le monde des entreprises dans l’ère de la planification stratégique, de l’aide à la décision, de la quête de la performance, de la rentabilité des investissements, enfin, de l’optimisation et de la rationalisation. Les modèles s’amoncèlent et se

mathématiques. C’est l’ère de la rationalisation instrumentale où la « rationalité d’un acteur, qui, soumis à des contraintes, et s’efforçant d’atteindre certains objectifs, choisit les actions les plus appropriées à ceux- ci » (Moisdon, 1997, p. 66).

Les contributions de March & Simon (1958), March (1978) montrent que les décideurs disposent rarement d’une vision claire du futur. Incapables de maximiser leur action, ils sont dotés d’une rationalité limitée, et se contentent, en ayant abordé les problèmes séquentiellement, de la solution la plus satisfaisante. Ainsi, les « modèles de rationalité instrumentale » (Moisdon, 2001) ont été vivement critiqués sur leur rationalité sous-jacente et leur ambition d’optimisation des choix dans les entreprises car ils ne prennent pas en compte le fonctionnement organisationnel dans lequel ils s’insèrent. Ils postulent que la conformation des acteurs aux prescriptions des outils suffira à engendrer la performance de l’organisation (Moisdon, 2001).

Les sociologues des organisations développent l’idée que l’outil de gestion est surdéterminé par les relations. Ils postulent que l’efficacité des entreprises dépend davantage des relations construites au sein des groupes de travail que de l’instrumentation de gestion elle-même (Crozier & Friedberg, 1977 ; Reynaud, 1989). Pour eux, on joue avec les outils de gestion au sein des entreprises comme on joue avec les règles. Ainsi, ils considèrent l’outil comme un objet, soutenu par le système de relations entre les acteurs, que l’on manipule à loisir, telle une règle.

En considérant l’instrumentation de gestion comme créateur de savoir, et non plus seulement de prescription, un nouveau paradigme apparaît à travers les fondements d’une « rationalité organisationnelle » (Hatchuel & Moisdon, 1997) issus de la théorie des organisations. En effet, « l’élaboration d’un outil de gestion repose sur une autre finalité, qui consiste à aider un acteur ou un groupe d’acteurs à raisonner sur les fonctionnements dans lesquels leur action s’inscrit, et à anticiper leurs évolutions possibles. » (Moisdon, 1997, p. 10). Pourtant, on lui reproche sa principale spécificité : être une représentation imparfaite du réel, qui, mise en situation au sein de l’organisation, peut être à l’origine de crises ou de dysfonctionnements. C’est précisément cette vision simplifiée de l’organisation,

forcément imparfaite, qui va créer et diffuser du savoir dans l’organisation. En effet, par le choc et le bouleversement de la confrontation entre le monde réel et celui, implicite, contenu dans la nouvelle instrumentation, va naître la production de nouvelles connaissances et de nouvelles relations. Le rôle du manager est d’implémenter ces outils de gestion de manière habile et rationnelle. David (1996a) définit cet écart entre la réalité de l’organisation et celle de l’outil par le degré de contextualisation interne. Plus ce dernier sera élevé, mieux l’outil sera implémenté dans l’organisation et accepté par ses membres.

Figure 11 : Illustration du concept distance outil-organisation (Ben Ouda, 2009, d’après David, 1996)

Ainsi, il semble exister une correspondance entre les phases du changement, la nature des outils mobilisés et à construire, et l’intervention des différents acteurs qui manipulent, introduisent ou construisent ces outils. L’outil ne sert plus uniquement à la conformation des comportements et devient le support de l’apprentissage organisationnel, notamment via les communautés de pratiques. Moisdon précise à ce propos que « la première mission d’un instrument de gestion est celle de concrétiser du savoir » (Moisdon, 2001, p. 118). Précisons toutefois que la mise en relation, à la base de la construction de signification, se produira à condition d’un travail préalable sur la construction des outils de gestion eux-

3.2. De la rationalité limitée à la rationalité expansive

Les théoriciens de l’innovation décrivent les outils de gestion, selon une grille d’évaluation à trois niveaux élaborée pour les systèmes experts : le substrat technique, la philosophie gestionnaire et l’organisation implicite (Hatchuel & Weil, 1992). Ces trois éléments en interaction composent l’outil de gestion et en fait à la fois « un modèle formel, un modèle d’action et un modèle d’organisation » (David, 1998, p. 54). Le substrat technique est composé des éléments formels qui permettent le fonctionnement de l’outil de gestion. La philosophie gestionnaire représente les objectifs visés par ceux qui introduisent l’outil de gestion dans l’organisation. La vision simplifiée est l’image implicite d’une organisation idéale afin que l’outil fonctionne parfaitement.

Ce modèle élaboré pour les techniques managériales (Hatchuel & Weil 1992) été généralisé à l’ensemble des innovations managériales, qu’elles soient orientées relations ou connaissances, ou les deux (David, 1996a). L’outil et l’organisation peuvent être analysés à travers les connaissances et les relations en interaction. On parlera d’outils orientés vers les relations (IOR) lorsqu’ils mettent en jeu des relations entre les acteurs ou groupes d’acteurs. On parlera d’outils orientés vers les connaissances (IOC) lorsqu’ils mobilisent explicitement des connaissances, « indépendamment, dans un premier temps, des relations nouvelles induites par l’utilisation de ces connaissances » (David, 1998, p. 54). On parlera, enfin, d’innovations mixtes (IM), lorsqu’ils mettent en jeu à la fois les relations et les connaissances, tantôt explicitement par les unes ou par les autres.

En effet, l’introduction des outils de gestion dans les organisations constitue une innovation, C’est, comme le définissait Schumpeter en 1912, à travers cinq cas d’innovation, la réalisation d’une nouvelle organisation. Il s’agit d’une innovation managériale par les changements qu’elle provoque dans l’organisation. Elle modifie les rationalités locales en place, les modes de gestion et de coordination entre les acteurs. Elle se classe parmi les innovations à dominante organisationnelle (Barreyre, 1975), ou d’innovations instrumentales (Grossman, 1970).

David (1996a) propose une grille d’analyse des outils de gestion et, par extension, des innovations managériales, afin d’identifier leur processus d’implémentation dans les organisations, selon trois dimensions : leur nature, leur degré de formalisation, leurs degrés de contextualisation internet et externe.

Leur nature est déterminée par leur orientation vers les connaissances et/ou les relations. Les connaissances sont « l’ensemble des informations, représentations et savoir-faire, élaborées, transmises, mémorisées par tout ou partie de l’organisation » (idem, p. 4). Les relations sont « les différents types de contacts et de connexions, directs ou non, explicites ou implicites, formels ou informels, qui existent entre des acteurs ou des groupes d’acteurs de l’organisation » (ibid, p. 4).

Leur degré de formalisation est évalué entre deux variables : le cadrage, où l’outil est défini dans ses grandes lignes, et le détail, où l’outil est précisément défini.

La troisième variable d’analyse, le degré de contextualisation interne, concerne la distance « à parcourir pour que l’innovation fonctionne effectivement dans l’organisation » (ibid, p. 14). En effet, « aucun modèle d’aide à la décision, aucune théorie des choix, aussi rigoureux et séduisant soient-ils, ne bénéficient d’un processus de transfert automatique dans les processus décisionnels à l’œuvre dans les organisations » (Hatchuel & Moisdon, 1997, p. 66). L’outil de gestion est « contextuel à l’activité qu’il est censé résumer et fortement structuré par les possibilités de mesure et de représentation de cette même activité » (Moisdon, 1997, p. 23). Plus le degré de contextualisation interne sera fort, plus l’outil de gestion s’insérera facilement dans l’organisation. Autrement dit, une organisation qui bénéficie d’une culture du changement acceptera plus facilement l’outil introduit dans le système des rationalités en place.

Par ailleurs, pour déterminer l’influence déterminante que peut exercer l’outil de gestion en dehors de l’organisation (DiMaggio & Powell, 1983), une quatrième variable rentre en ligne de compte, « le degré de contextualisation externe » (David, 1996 ; Rouquet, 2009). Le degré de contextualisation externe favorise également l’implémentation de l’outil dans l’organisation en influençant favorablement son degré de contextualisation interne si l’innovation a déjà été introduite et expérimentée à l’extérieur de l’organisation.

Ces trois niveaux d’analyse sont formalisés à travers les figures suivantes.

Figure 12: Processus d’introduction des innovations managériales (David, 1996)

Figure 13 : Processus de transformation réciproque de l’innovation par les acteurs et des acteurs par l’innovation (David, 1996) Relations Cadrage Connaissances Détail Cadrage sur les connaissances Procédures orientées connaissances Procédures relationnelles Cadrages relationnels

Figure 14 : Quatre situations extrêmes pour un outil dans une organisation (Rouquet, inspiré de David, 1996)

Il s’agit là d’une l’approche de l’innovation par la théorie de l’organisation. En effet, l’innovation est traitée principalement dans deux grands domaines de recherche. Le premier regroupe des économistes (Schumpeter, 1939 ; Hill, 1979 ; Piore & Sabel, 1985 ; Freeman, 1986 ; Van de Ven & Rogers, 1988 ; Von Hippel, 1988), le second, des théoriciens de l’organisation (Préfontaine, 1994). Ils conservent généralement une vision mécaniste ou fonctionnelle de l’innovation. Les théoriciens de l’organisation étudient l’innovation comme un phénomène émergeant des caractéristiques mêmes de ces organisations. Cette conception est plus large et plus dynamique que celle des économistes. Ainsi,