• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 Matériau, échantillons et méthodes

3.2 Conception et réalisation des échantillons

3.2.1 Géométrie des échantillons

Les échantillons utilisés pour notre étude comportent une épaisseur d’isolant placée entre deux armatures conductrices (électrodes). Ces électrodes jouent un double rôle, elles servent à la fois à la bonne application de la contrainte électrique (tension continue) au niveau du composite, mais également pour la mesure de la charge d’espace. Cette dernière consiste, comme nous le verrons plus loin, à mesurer un signal électrique de faible amplitude, soit un courant de l’ordre de quelques dizaines de picoAmpères allant à quelques nanoAmpères. Deux critères principaux ont guidé les réflexions sur la conception des échantillons utilisés dans le cadre de ce travail de recherche. Il s’agit d’une part de la configuration et du fonctionnement réels de l’isolateur dans un PSEM, et d’autre part de l’adaptation à la méthode de mesure mise en place, à savoir la méthode de l’onde thermique.

 Dans le cas idéal d’absence de charges d’espace et de gradient de température dans l’épaisseur d’isolant, la répartition du champ va dépendre uniquement de la géométrie du condensateur. Ainsi, en géométrie plane, le champ est uniforme dans toute l’épaisseur de l’isolant (𝐸 = 𝑉/𝑑), alors qu’il va décroitre avec le diamètre en géométrie cylindrique (𝐸 = 𝑉/𝑟𝑙𝑛(𝑟𝑒/𝑟𝑖)). En plus de dépendre de la géométrie, cette répartition du champ dans l'épaisseur va varier en fonction de la contrainte appliquée. Contrairement à la HTCA où la répartition du champ électrique repose principalement sur une répartition capacitive (𝜀𝑟 varie peu avec la température et le champ), sous HTCC, cette répartition est résistive et donc fortement dépendante de la température et du champ, comme le

50

montre la figure 3.3. Un changement de la répartition du champ peut se produire (avec un champ maximal observé au niveau du diamètre extérieur) si un fort gradient de température est présent dans l’isolant.

En effet, la conductivité électrique varie exponentiellement avec la température et le champ selon des lois du type [XU2007, BLYTHE2005] :

𝜎(𝐸, 𝑇) ≃ 𝐴 𝑒𝑥𝑝 (−𝜑𝑞 𝑘𝑇)

𝑠𝑖𝑛ℎ(𝐵|𝐸|)

|𝐸| (3.1)

où A et B sont des constantes et 𝜑 l’énergie d’activation thermique, ou encore [EOLL1975] :

𝜎(𝐸, 𝑇) ≃ 𝜎0 𝑒𝑥𝑝(𝛼𝑇 + 𝛽𝐸) (3.2)

où 𝛼 et 𝛽 sont des constantes déterminées empiriquement et 𝜎0 est la conductivité à température ambiante. Cette dernière expression est par ailleurs souvent employée dans l’industrie.

Dans le but de se rapprocher au plus possible du comportement électrique des isolateurs réels, il a été ainsi décidé de conserver cette forme cylindrique pour les échantillons test (figure 1.3).

Figure 3.3 : Répartition du champ électrique sous contraintes continues :

à température constante et sous gradient thermique en l’absence de charge d’espace injectée [YAHYAOUI2012]

 La sensibilité de la méthode de l’onde thermique (MOT), technique de détection de la charge d’espace choisie pour notre étude, conditionne également le dimensionnement de nos échantillons. Cette sensibilité est notamment liée à la capacité électrique de l’échantillon : en effet, le courant MOT est directement proportionnel à la capacité de l’échantillon (Equation 3.3) et, pour obtenir des amplitudes de courant mesurables (> 10 𝑝𝐴), il est nécessaire de s’assurer une limite basse de la capacité de l’échantillon autour de la dizaine de 𝑝𝐹. Pour notre étude, afin de se fixer une marge de sécurité, le choix de la longueur et de l’épaisseur utile de la partie isolante a été fait dans le but d’obtenir une capacité autour de 50 𝑝𝐹 :

𝐶 = 2𝜋𝜀0𝜀𝑟 𝑙 𝑙𝑛 (𝑟𝑟𝑒 𝑖)= 2𝜋𝜀0𝜀𝑟 𝑙 𝑙𝑛 (1 +𝑟𝑒 𝑖) (3.3)

avec 𝑙 la longueur de la partie utile d’isolant, 𝑟𝑒 et 𝑟𝑖 respectivement les rayons externe et interne de l’isolant, 𝑒 l’épaisseur de l’isolant et 𝜀𝑟 la permittivité relative du composite, que nous supposerons égale à 6 [YAHYAOUI2015].

51

L’idéal aurait été de réaliser cette étude directement sur des isolateurs réels de postes HTCC, mais ces derniers présentent des dimensions telles que les valeurs de capacité électrique sont très faibles (𝐶~5 𝑝𝐹), en limite de sensibilité pour la méthode de l’onde thermique. Nous avons donc opté pour la conception et la réalisation d’échantillons spécifiques afin de reproduire au mieux le comportement de l’isolant au voisinage de l’âme conductrice, endroit où la contrainte électrique est appliquée et censée être la plus élevée, du moins au début de la mise en service.

Le premier raisonnement adopté pour augmenter la capacité de l’échantillon a été de réduire l’épaisseur d’isolant entre 1 𝑚𝑚 et 3 𝑚𝑚, tout en conservant le même rayon interne (30 𝑚𝑚) et la même longueur des isolateurs (20 𝑚𝑚). Cela a permis d’obtenir des capacités comprises entre 70 𝑝𝐹 et 200 𝑝𝐹. En se basant ensuite sur l’utilisation généralement faite de la méthode de l’onde thermique en géométrie cylindrique (cas du câble de transport d’énergie) [SANTANA1994, SABIR1991, MARTINEZ2010], nous avons imaginé générer l’onde de température à partir du rayon interne de l’isolant, notamment en utilisant une électrode interne creuse dans laquelle il serait possible de faire circuler un liquide caloporteur permettant la génération d’un stimulus de température.

Un premier dimensionnement du banc de mesure, à partir de ces données, impose un débit de liquide très élevé et donc un volume de liquide requis très important. Dans le but de réduire ces deux quantités, la solution envisagée a été de réduire le diamètre intérieur de l’échantillon tout en augmentant la longueur utile de l’isolant, afin de garder une capacité supérieure à 50 𝑝𝐹.

En tenant compte de la faisabilité et des techniques de moulage disponibles sur le site de SuperGrid Institute, les dimensions finales fixées pour les échantillons tests ont été les suivantes, en ce qui concerne la partie utile d’isolant : 40 𝑚𝑚 de longueur entre électrodes, 3 𝑚𝑚 d’épaisseur entre électrodes et 17 𝑚𝑚 de rayon interne. La capacité électrique de l’échantillon dans sa forme finale est ainsi de l’ordre de 80 𝑝𝐹.

Par ailleurs, dans le cadre de l’utilisation de la MOT, l’onde thermique qui arrive à l’isolant est affectée par l’interface électrode/isolant qu’elle doit traverser : elle peut être plus ou moins atténuée en fonction de l’inertie thermique de l’électrode qu’elle doit franchir. Dans le souci de réduire au mieux cet impact, l’électrode en contact avec le stimulus thermique doit avoir une épaisseur la plus fine possible. Dans notre étude, étant donné que nous nous intéressons à ce qui se passe au voisinage de l’âme conductrice, l’échelon thermique sera donc appliqué sur l’électrode interne afin d’avoir la meilleure résolution sur cette zone. C’est donc sur cette électrode que l’épaisseur de métal est la plus contraignante : ainsi, les épaisseurs des électrodes interne et externe ont respectivement été fixées à 2 𝑚𝑚 et 5 𝑚𝑚.

Dans la configuration des échantillons envisagée, il subsiste encore la problématique du renforcement du champ électrique aux extrémités des électrodes (les effets de bord), qui doit être le plus faible possible afin d’assurer sur toute la longueur de l’échantillon une répartition uniforme du champ lors de l’application de la contrainte électrique. Dans ce but, des électrodes de garde ont été rajoutées de part et d’autre de l’électrode externe et une optimisation des échantillons a été faite grâce à des calculs de champ par simulation, sur trois différentes géométries, en faisant varier la longueur de l’électrode interne (voir figures 3.4 et 3.5).

Tableau 3.2: Les trois géométries d’échantillons testées

Electrode interne Electrode externe Electrodes de garde Epaisseur

Configuration 1 55 mm 40 mm 10 mm 3 mm

Configuration 2 62 mm 40 mm 10 mm 3 mm

52

Figure 3.4 : Répartition du champ dans l’échantillon pour 28 kV CC appliquée sur l’électrode interne pour les 3 configurations d’échantillons

Figure 3.5 : Répartitions du champ le long de a) l’électrode interne et b) l’électrode externe pour les 3 configurations d’échantillons De ces simulations, il ressort que la configuration qui présente le moins d’effets de bord est celle avec la longueur de l’électrode interne plus grande que la longueur de l’électrode externe rajoutée à celles des électrodes de garde (configuration 3).

Nous avons donc finalement opté pour les dimensions suivantes au niveau de l’échantillon test : une électrode externe de 40 𝑚𝑚 (longueur utile pour les mesures de courant MOT), une électrode interne rallongée à 66 𝑚𝑚 et des électrodes de garde de 10 𝑚𝑚. La configuration finale de l’échantillon est représentée dans la figure 3.6.

Les 50 𝑚𝑚 de composite rajoutés aux deux extrémités des électrodes jouent un double rôle : ils permettent d’éviter un contournement électrique (claquage dans l’air) pendant l’application de la tension entre les électrodes interne et externe, mais servent également pour la connexion de l’échantillon au circuit hydraulique du banc de mesure MOT (voir Chapitre 4). Pour des raisons de praticité lors du démoulage des échantillons, une forme conique a été donnée au moule de part et d’autre de l’électrode interne, tout en conservant le cylindre droit dans la longueur des électrodes (partie utile).

0 2 4 6 8 10 12 14 16 0 10 20 30 40 50 60 70 Cha mp électriqu e (k V /m m) Longueur d'arc (mm) Géométrie 1 Géométrie 2 Géométrie 3 0 2 4 6 8 10 12 14 16 0 10 20 30 40 50 Cha mp électriqu e (k V /m m) Longueur d’arc (mm) Géométrie 1 Géométrie 2 Géométrie 3 Configuration 1 Configuration 2 Configuration 3 Configuration 1 Configuration 2 Configuration 3 (a) (b) (1) (2) (3)

53

Figure 3.6 : Configuration finale des échantillons

3.2.2 Réalisation des échantillons

Afin de se rapprocher le plus possible des conditions réelles d’exploitation, les électrodes ont été réalisées en aluminium (même matériau que l’âme conductrice dans les postes blindés). En effet, les propriétés d’injection et d’accumulation de charges étant fortement dépendantes de la nature des matériaux au niveau de l’interface métal/isolant [KAO2004], il est nécessaire de réaliser les échantillons avec le même type de matériaux que l’isolateur réel. Toujours dans le souci de se rapprocher des conditions réelles de fonctionnement des isolateurs, la surface de l’électrode interne, où sera appliquée la contrainte électrique dans le cadre de nos essais, a été traitée par sablage afin de reproduire au mieux le contact électrode/isolant dans les PSEM. La surface de l’électrode interne en contact avec l’isolant est donc rugueuse, de rugosité moyenne arithmétique 𝑅𝑎 = 15 𝜇𝑚 et celle de l’électrode externe (électrode de masse) est gardée lisse (𝑅𝑎 = 1,1 𝜇𝑚).

Suivant la géométrie de nos échantillons, un moule a été conçu. Il est constitué de deux demi coques cylindriques et d’une tige centrale (figure 3.7). Toutes les pièces sont réalisées en aluminium. Les deux coques et la tige centrale sont vissées sur une plaque servant de base. Des emplacements pour les électrodes sont prévus sur les différentes pièces.

Figure 3.7 : Coupe et photographie du moule pour la réalisation des échantillons

𝜱34 3 Electrode externe Electrode de garde 10 Electrode interne Résine 𝜱30 Téflon (1 mm) 1.1.1.1 Présentation du moule

Le moule est constitué de façon simplifiée de deux demi coques cylindriques et d’une tige centrale. L’ensemble des parties est fait en aluminium. Les deux coques et la tige centrale sont vissées sur une plaque servant de base. Des emplacements pour les électrodes sont prévus sur les différentes pièces.

Figure 3.12 : Coupe et photographie du moule Echantillon Plaque de base Tige centrale Coques Electrodes Résine coulée

54

Une fois le mélange résine époxyde/alumine réalisé suivant un protocole bien défini, la mixture est coulée dans le moule et l’ensemble est chauffé pour durcir le mélange. Une fois tout l’ensemble revenu à température ambiante, l’échantillon est démoulé et usiné aux dimensions (longueur de résine de part et d’autre des électrodes) définies précédemment. Une image de l’échantillon est donnée dans la figure 3.8.

Figure 3.8 : Echantillon après démoulage et usinage