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« Le concept de coopération professionnelle »

2.3.1. Le concept de skill-m

Chaque société possède un système de santé qui lui est propre. Ces différents systèmes

de santé peuvent présenter des similitudes entre eux, mais leurs schémas organisationnels différent en raison des caractéristiques propres aux sociétés (histoire, identité, choix politiques, ressources techniques, scientifiques, financières et humaines disponibles). Ainsi,

il n’existe pas qu’une seule façon de répondre de manière satisfaisante aux besoins de santé d’une population, mais bien une multitude.

En 1999, Buchan développe un concept novateur permettant de redéfinir le schéma

organisationnel de prise en charge des patients, à travers une reconsidération de la

répartition des tâches et des rôles des différents professionnels de santé. Le skill-mix [27],

ou le « mélange des compétences », est un modèle théorique, permettant d’identifier les différents « composants » de cette organisation du travail centrée sur le patient. Dans ce modèle, sont pris en compte :

- Le nombre et le type d’« activités sanitaires » requises par la population soutenue, - Le niveau de complexité des actes nécessaires,

- Les ressources en personnel disponibles.

Vient ensuite une mise en adéquation, théorique, entre l’offre disponible et les besoins réels, en déterminant les compétences requises pour répondre au mieux à chaque besoin de la population. Toutefois, même si une approche « idéale » de la répartition de tâches et de compétences peut être conceptualisé pour chaque situation grâce à ce modèle, il convient de prendre en compte la réalité du « terrain » (limitations de temps, de ressources, « jeux de pouvoirs », interactions humaines, etc), pour une application concrète. Une approche plus pragmatique de ce concept permet d’en extraire huit méthodes, qualitatives et

quantitatives, disposant chacune de qualités et de défauts, et dont l’utilisation conjointe est possible. Ces principales méthodes sont regroupées dans l’annexe 1 (Principales méthodes de détermination du skill-mix [27]).

41 2.3.2.

Les déterminants du changement

Les différentes expérimentations de délégation ou de substitution de compétences ou de tâches, ont toutes été initiées afin de répondre à certaines contraintes ou nouveaux objectifs donnés aux systèmes de soins. Ces adaptations répondent à des enjeux, et

nécessitent des interventions spécifiques, recensées par Buchan et Dal Poz en 2002 [28]:

- La pénurie des compétences :

a. L’enjeu est de répondre à un problème de personnel, soit en termes d’effectifs « purs », soit en termes de compétences dans la réalisation de certaines tâches détenues par des personnels de santé, et dont les solutions peuvent être :

 La substitution de tâches,

 L’amélioration des compétences des professionnels en place,  Le développement de nouveaux rôles,

- La maitrise des coûts et l’amélioration de la « productivité » :

a. L’enjeu est d’améliorer la gestion des dépenses, et particulièrement celle liée aux ressources humaines, et dont les solutions possibles peuvent être :

 La réduction du coût du travail,

 La modification de la composition du personnel requis pour une activité, ou son niveau de compétence,

- L’amélioration de la qualité des soins, dont les solutions peuvent être :

 L’amélioration de l’utilisation, et du déploiement des compétences du personnel de manière optimale, en fonction des besoins,

- L’innovation technologique et les nouvelles interventions médicales :

a. L’enjeu est d’utiliser de manière efficiente, les nouvelles technologies disponibles. Les solutions peuvent être :

 La formation continue du personnel,  L’introduction de nouvelles compétences,

42  L’introduction de nouveaux rôles ou de nouvelles catégories de

professionnels,

- Les nouveaux programmes sanitaires :

a. L’enjeu est de maximiser les effets bénéfiques des nouveaux programmes, en déterminant les professionnels les plus adéquats pour les réaliser. Les

solutions peuvent être :

 L’évaluation du rapport coût/efficacité du mix professionnel requis,  L’amélioration des compétences des professionnels déjà engagés dans

le programme,

 L’introduction de nouveaux rôles,

- La réforme du secteur sanitaire :

a. L’enjeu est de maitriser les coûts, d’améliorer la qualité des soins,

d’améliorer la performance et les relations entre les organisations sanitaires. Les solutions possibles peuvent être :

 La réingénierie,

 La création de nouveaux rôles et de nouvelles professions,

- La modification du cadre législatif d’une profession :

a. L’enjeu est de permettre sur le plan légal, le changement des rôles, de permettre de « réguler » les professions. Les solutions peuvent être :

 L’introduction de nouvelles compétences dans les prérogatives de certains professionnels,

 La création de nouvelles professions.

Cette liste non exhaustive des raisons et contextes amenant à une redistribution des compétences parmi les professionnels de santé, dépend cependant de nombreux facteurs, directs, indirects ou contextuels, capables d’influer sur la réalisation de cette réorganisation. Ces « facteurs déterminants » peuvent faciliter, ou au contraire entraver, ces projets de coopération professionnelle. Parmi ces facteurs, nous retrouvons [29] :

43 - Les facteurs directs et indirects :

a. Les modes de rémunérations,

b. L’existence de « normes » et de « quotas » pour ces personnels, c. L’existence d’une régulation entre le secteur public et le secteur privé, d. Les modifications des rôles des professionnels du fait de la législation, e. Les modifications des rôles et d’accession à une profession du fait des

professionnels eux-mêmes,

f. La régulation des compétences par les professionnels de santé,

g. L’autonomie de la profession et les possibilités de former de nouveaux professionnels,

h. L’accréditation des professions par leur employeur, i. La budgétisation du projet,

- Les facteurs contextuels :

a. Le financement du projet par l’Etat et/ou par le secteur privé, b. La répartition entre secteur public et secteur privé,

c. Les caractéristiques du marché du travail (niveau de salaire, démographie, difficultés de recrutement, Code du travail, protection du travail),

d. La situation économique générale,

e. La valorisation du travail et de ses professionnels par la société.

De manière plus concrète, un pays dont le système de santé ne présente pas de

régulation forte, et dont le marché du travail est très flexible, dispose d’un fort potentiel de prises de décisions locales, et facilite ainsi la mise en place de délégation ou transferts de tâches ou de compétences. Cette situation est, par exemple, retrouvée aux Etats-Unis. A l’inverse, un pays dans lequel existent des quotas par branche professionnelle, aura

beaucoup moins de latitude pour répartir les compétences et les actes de ses personnels de santé. Toutefois, ces critères de « rigidité » et « freins » à la mise en œuvre de coopérations professionnelles, sont à relativiser. Ces facteurs décrits par Buchan, doivent en effet être nuancés par les décisions politiques prises dans ces pays, en termes de flexibilité, de stabilité du marché du travail.

44 Ainsi, des solutions de réorganisation des compétences peuvent être trouvées, à la fois

dans un ajustement des compétences des professionnels déjà en place, par le biais de

formations adaptées et de stabilisation des emplois, comme par une réorientation des

tâches vers des professions « moins qualifiées ». Ces types de choix ont par exemple été

pris respectivement par la Finlande, et par le Royaume-Unis, en réponse aux mêmes « déterminants » de l’époque : une hausse des besoins de santé, et des restrictions

budgétaires conjoncturelles.

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2.4. La coopération professionnelle en France