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4. Les modèles de niche écologique

4.1. Le concept de niche écologique

Plusieurs définitions ont été attribuées au terme de « niche écologique ». Afin d’éviter toute confusion, il convient ici de les rappeler en préambule. La première est celle du zoologue Joseph Grinnell qui, dans son étude de l’aire de distribution du moqueur de Californie (Toxostoma redivivum), définit le concept comme l’ensemble des conditions environnementales nécessaires à l’espèce dans un espace géographique donné. Cet espace inclut à la fois des paramètres abiotiques (e.g. température, précipitations) et des paramètres biotiques (e.g. ressources trophiques, compétiteurs, prédateurs) (Grinnell, 1917). Une interprétation différente est proposée par Elton (1927) qui définit alors la niche comme le rôle fonctionnel que tient une espèce dans une communauté mettant l’accent plus particulièrement sur sa position dans le réseau trophique. Plus tard, des analyses plus approfondies de la place qu’occupent des espèces dans leur environnement ont été développées. Dans la lignée des travaux de Grinnell, Hutchinson (1957) définit la niche fondamentale d’une espèce comme l’ensemble des conditions environnementales dans lesquelles une espèce peut survivre et se maintenir. Elle peut être représentée par un hypervolume à n dimensions dans lequel « chaque point correspond à un état de l’environnement qui pourrait permettre à l’espèce d’exister indéfiniment ». Chaque axe de cet hypervolume correspond à une variable qui définit l’espace environnemental de l’espèce. Il convient de souligner qu’Hutchinson distingue la niche fondamentale, qui se définit au regard des conditions environnementales dans lesquelles une espèce peut maintenir des populations viables en absence de compétiteurs, de la niche réalisée, qui se réduit aux conditions environnementales dans lesquelles une espèce peut maintenir des populations viables en présence de compétiteurs.

Nous retiendrons dans cette thèse la définition de la niche donnée par Grinnell (complétée par celle d’Hutchinson) du fait de l’accent que cet auteur place sur la niche comme outil pour comprendre la distribution géographique d’une espèce en lien avec les conditions environnementales.

La représentation de la distribution d’une espèce à la fois dans l’espace géographique et dans l’espace environnemental permet de définir des concepts de base essentiels à la modélisation de la distribution d’une espèce et de sa niche écologique (Fig. 18). Les signalements géographiques d’une espèce constituent l’ensemble de ce qui est connu de sa distribution effective bien que l’espèce puisse être présente ailleurs, dans des lieux où elle n’a pas encore été détectée (e.g. Fig. 18, zone A).

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Si la distribution effective est représentée dans l’espace environnemental, il est alors possible d’identifier la part relative de l’espace environnemental occupée par l’espèce, qui peut être définie comme la niche occupée.

La distinction entre niche occupée et niche fondamentale est similaire mais non identique à la distinction d’Hutchinson (1957) entre la niche fondamentale et la niche réalisée. Si par exemple deux espèces utilisent une ressource commune, Hutchinson décrit la niche réalisée comme un sous-ensemble de la niche fondamentale duquel une espèce n’est pas exclue du fait de la compétition avec l’autre espèce. La définition de la niche occupée élargit ce concept pour inclure les contraintes géographiques et historiques qui entraînent une limitation de l’aptitude d’une espèce à atteindre ou occuper à nouveau toutes les zones favorables en matière de conditions environnementales à son établissement, ainsi que toutes les formes d’interactions biotiques (compétition, prédation, symbiose, parasitisme). Ainsi, la niche occupée reflète toutes les contraintes qui s’imposent à la distribution effective, y compris les contraintes spatiales dues à une limitation de la capacité dispersive, et à de multiples interactions de nature variée avec d’autres organismes.

Si les conditions environnementales retenues dans la niche fondamentale sont représentées dans l’espace géographique, alors la distribution potentielle est obtenue. Toutefois, certaines régions de la distribution potentielle ne sont pas occupées par l’espèce (Fig. 18, zones B et C), parce que l’espèce (1) a été exclue de ces zones en raison d’interactions biotiques (e.g. présence d’un compétiteur, absence de nourriture), (2) est incapable de coloniser ces zones (e.g. existence de barrière géographique à la dispersion, le temps écoulé a été insuffisant pour permettre la colonisation) ou (3) a été exclue de la zone après y avoir vécu (e.g. modification de la qualité de l’habitat par l’Homme).

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Figure 18. Illustration de la relation entre la distribution hypothétique d’une espèce dans l’espace géographique et dans l’espace environnemental. D’après Pearson (2007). L’espace géographique fait référence à la localisation spatiale telle que communément représentée par des coordonnées x et y. L’espace environnemental fait référence à la niche d’Hutchinson à n dimensions, illustré ici avec seulement deux dimensions (définies par les facteurs environnementaux e1 et e2). Les croix représentent les observations de l’espèce. Les surfaces grises dans l’espace géographique représentent la distribution effective de l’espèce (i.e. les zones réellement occupées par l’espèce). Des zones de distribution effective peuvent être inconnues (e.g. la zone A est occupée mais l’espèce n’y a pas encore été détectée). La surface grise dans l’espace environnemental représente la part relative de la niche occupée par l’espèce. A nouveau, les observations peuvent ne pas identifier l’ensemble de la gamme environnementale de la niche occupée (e.g. la surface grisée autour de la lettre D n’inclut aucune observation). La ligne noire dans l’espace environnemental délimite la niche fondamentale de l’espèce qui représente la gamme complète des conditions abiotiques pour lesquelles l’espèce est viable. Dans l’espace géographique, la ligne noire délimite les zones où les conditions abiotiques sont celles de la niche fondamentale ; c’est la distribution potentielle de l’espèce. Certaines régions de la distribution potentielle peuvent ne pas être habitées par l’espèce à cause d’interactions biotiques ou de limites à la dispersion. Par exemple, la zone B est favorable à l’espèce en matière de conditions environnementales mais ne fait pas partie de la distribution effective, par exemple parce l’espèce n’a pas été capable de coloniser cette zone en traversant des environnements qui lui sont défavorables. De la même manière, l’espace non grisé autour de la lettre C appartient à la distribution potentielle de l’espèce, mais n’est pas habité, par exemple à cause d’une compétition avec une autre espèce. Ainsi, les zones non grisées autour de la lettre E identifient ces parties inoccupées de la niche fondamentale.

Observation de l’espèce

Distribution effective (à gauche) / Niche occupée (à droite) Distribution potentielle (à gauche) / Niche fondamentale (à droite)

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4.2. Modéliser les niches et les distributions : des étapes fondamentales,

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