• Aucun résultat trouvé

PARTIE 2 : La marionnette et la (re)structuration psychocorporelle du sujet psychotique

A) Autour du concept de l’image du corps

1- L’image inconsciente du corps de F. Dolto

« C’est grâce à notre image du corps portée par et croisée à notre schéma corporel que nous pouvons entrer en communication avec autrui » nous dit F. Dolto (1984, p. 23).

J. de Ajuriaguerra (1974, p.83), définit le schéma corporel de la manière suivante : « édifié sur la base des impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques, visuelles, il réalise dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique, et qui fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification. » Le schéma corporel est le modèle perceptif du corps, permanent bien qu’évolutif. Il est à la fois conscient, préconscient et inconscient. Il est la référence constante de nos relations avec le temps, l’espace et l’environnement.

L’image du corps, elle, est l’idée en perpétuel remaniement que chacun se fait de son propre corps. Contrairement au schéma corporel, cette image est subjective, inconsciente, libidinale, et liée aux affects.

Il existe trois composantes de l’image du corps. Il y a d’abord cette image de base, qui garantit la mêmeté de l’être, à travers les changements de la vie. Cette image nous donne « le triple sentiment d’être stable dans l’espace, de rester le même dans le temps et de rester consistant face à l’altérité des êtres et des choses » (J.-D NASIO, 2007, p. 215). Elle est également une image fonctionnelle, en mouvement, en visant l’accomplissement

64 du désir. F. Dolto ajoute que c’est grâce à cette composante fonctionnelle que l’image du corps « s’objective dans la relation au monde et à autrui ». L’image érogène, associée à l’image fonctionnelle, se réfère à la libido en relation à l’autre.

L’image du corps est donc pour Dolto la « synthèse vivante, en constant devenir, de ces trois images, reliées entre elles par les pulsions de vie, lesquelles sont actualisées pour le sujet dans ce que j’appelle l’image dynamique ». En tout cela, l’image du corps est une fonction structurante qui organise la situation du sujet dans le monde, dans son monde, qui le rend plus ou moins capable d’entrer en relation. C’est une fonction symbolique.

2- L’image du corps du sujet psychotique, selon G. Pankow

G. Pankow (1969) attribue à l’image du corps deux fonctions. La première concerne sa structure spatiale, sa forme, en tant que cette structure exprime un lien dynamique entre les parties et la totalité du corps. La seconde fonction concerne la structure en tant que contenu et sens.

Le sujet psychotique n’est pas capable de reconnaître l’unité de son corps. G. Pankow parle d’un corps dissocié. La dissociation peut apparaître sous différents aspects : ou bien une partie prend la place de la totalité du corps, ou bien il y a une confusion entre le dedans et le dehors où des éléments de l’image du corps réapparaissent dans le monde extérieur sous forme d’hallucinations. La dissociation peut donc se définir comme une déstructuration de l’image du corps, telle que ses parties perdent leur lien avec le tout, pour réapparaître dans le monde extérieur. Cette absence de lien caractérise la schizophrénie. Cette pathologie est un trouble de la forme. Or c’est par la reconnaissance et la nomination des formes que l’on peut atteindre la pensée. G. Pankow dit aussi que la personne schizophrène a perdu son corps vécu : « le malade ressent son corps comme un récipient qui a perdu son contenu », telle une enveloppe vide, un contenant sans contenu.

La méthode de structuration dynamique de l’image du corps vise d’abord chez le sujet schizophrène la dialectique entre la forme et le contenu de cette image, pour réparer et retrouver l’unicité de son propre corps. Une fois les limites du corps (re)trouvées, le corps du sujet est habitable et le sujet peut ainsi s’inscrire dans le temps de son histoire et entrer en contact avec autrui. En effet, « le corps en tant que corps habité est la condition de notre être au monde ».

65 Donc l’image du corps « est la référence spatiale, voire la projection, d’une structure symbolique dont le dynamisme est à relancer ». D’où le travail graphique qu’elle propose aux enfants psychotiques, notamment avec la pâte à modeler : l’enfant y projetterait son image du corps au travers d’une réalisation agie.

3- La peau dans l’image du corps

E. W. Pireyre (2011), psychomotricien, après avoir réalisé la synthèse des connaissances psychanalytiques et neurophysiologiques actuelles sur l’image du corps, pense l’image du corps sous une forme composite, c’est-à-dire constituée de divers éléments. La peau, physique et psychique, est l’une des neuf sous composantes.

D. Anzieu (1985) s’appuie sur le principe freudien selon lequel toute fonction psychique se développe à partir d’une fonction corporelle pour poser l’hypothèse que le Moi-peau s’étaye sur les fonctions de la peau.

« L’instauration du Moi-peau répond au besoin d’une enveloppe narcissique et assure à

l’appareil psychique la certitude et la constance d’un bien être de base. […] Par Moi-peau, je désigne une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps. Cela correspond au moment où le Moi psychique se différencie du Moi corporel. »

Huit fonctions du Moi-peau en découlent et certaines d’entre elles semblent être défaillantes chez quelques patients du groupe : celles de maintenance, de contenance et de pare excitation. Dans la fonction de maintenance, de même que la peau remplit une fonction de soutènement du squelette et des muscles, le Moi-peau remplit une fonction de

maintenance du psychisme. Cette fonction apparaît avec le holding, qui fait référence aux

attitudes et aux comportements de maternages lors des premiers échanges entre la mère et le bébé de par le portage physique et psychique. La fonction de contenance est rendue possible grâce au handling, c’est-à-dire la façon dont la mère prend soin de son enfant. « Le Moi-peau vise à envelopper tout l’appareil psychique ». Dans la fonction de pare

excitation, la couche superficielle de la peau protège la couche plus sensible de celle-ci et

l’organisme. Si l’épiderme fait défaut, alors le pare-excitation peut être cherché en appui sur le derme : c’est la seconde peau musculaire (E. Bick).

66

B) La marionnette et l’enveloppe corporelle des patients : d’un corps