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C’est quoi « comprendre » ?

B. Apports théoriques

IV. LA CONSTRUCTION DU LANGAGE DANS L’INTERACTION

1) C’est quoi « comprendre » ?

Patrick Joole (2008), professeur de Lettres et formateur à l’université de Versailles, donne comme définition de la compréhension « à la fois prendre avec soi, c’est-à-dire assimiler et prendre ensemble, c’est-à-dire d’englober tous les aspects d’une question ou d’un fait afin de mieux la ou le circonscrire ».

Il s’accorde avec Mireille Brigaudiot (2000), enseignant chercheur en sciences du langage et maitre de conférences, sur le fait « le processus de compréhension commence avant la lecture proprement dite d’un texte » et que la compréhension passe par un univers de référence, une mobilisation des connaissances et la création d’un horizon d’attente.

Mireille Brigaudiot (2000) dans le cadre de sa recherche PROG souligne que « lire, n’est qu’une des modalités de l’activité langagière de compréhension du langage écrit ». Si très tôt, « dès l’âge de un an un enfant est capable « de maitriser l’écrit » du seul fait qu’il connait la représentation imagée du mot chien et que de ce fait le mot « chien », sans illustration, lui permet de penser « chien » ». Aussi l’impossibilité pour l’enfant d’utiliser directement le support imagé est un choix didactique lui permettant de travailler ses propres représentations. Les résultats de ses recherches « montrent clairement que le fait d’assister à la lecture d’un texte narratif, sans voir le support, engendre chez les enfants auditeurs l’idée que cette lecture n’a pu être faite que sur un support illustré. Plus les enfants sont entrés dans le « méta », plus ils perdent cette représentation erronée ». Il est donc clair que « les représentations des enfants se sont construites, entre autres, grâce aux lectures d’albums avec illustrations sous les yeux.

Elle a établi un plan symbolisant les procédures de compréhension du langage écrit entendu par un enfant :

a) L’enfant cherche des repères dans la situation : spatio-temporels, supports (avant le début de la lecture)

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b) L’enfant cherche des repères dans les caractéristiques du support : grosseur du livre ➔ longueur de l’histoire

c) L’enfant construit des hypothèses langagières sur l’activité langagière de l’enseignant : l’enseignant désigne ce qu’il fait (lit, raconte…), il ne dit pas ce qu’il y a sur les images ; l’enseignant pose un contexte qui progressivement fera sens pour l’élève

d) L’enfant segmente et traite la chaine sonore entendue : il traite la chaine sonore émise par le maitre comme il a l’habitude de le faire

e) L’enfant travaille l’enchainement du propos : l’enchainement thème-propos est souligné

f) L’enfant construit un univers de référence : il faut pour cela que les univers et les personnages proposés dans les textes soient proches des enfants et d’actions familières

g) L’enfant mobilise un espace de sa vie intérieure de sujet :mise en rapport intime, personnelle et affective que l’enfant effectue entre ce qu’il entend, ce qui lui est proposé et ce qu’il aime, ce dont il a peur, ce qui le fait rire, rêver. C’est l’enfant qui décide si cela représente quelque chose de « bon » pour lui.

h) L’enfant construit des images mentales : cette construction s’effectue tout au long de son activité de compréhension ; ces images se multiplient, se modifient, etc…

Patrick Joole (2008) rejoint Mireille Brigaudiot quant au processus de compréhension ; en effet, pour lui, comprendre c’est : « repérer les composantes de l’énonciation, identifier et se représenter les actants ainsi que le système de leurs relations, identifier la structure d’un texte ainsi que les rapports logiques qu’il renferme et qui le structurent aussi, hiérarchiser les faits, évènements et idées que contient un texte : ces aptitudes, ces habiletés qui supposent le recours à des stratégies adaptées concernent la compréhension de la cohérence du texte dans son ensemble. Il ne s’agit pas de micro habilités sans liens entre elles, mais bien d’aptitudes complémentaires et interdépendantes qui permettent d’appréhender non des fragments textuels mais un ensemble d’enchainements qui forment un tout cohérent. »

Pour comprendre un récit et le mémoriser il faut donc saisir la nature de la relation entre les évènements.

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Patrick Joole (2008) expose donc que c’est « l’explication causale qui est au centre de la structuration et de la cohérence d’un récit. L’enfant qui comprend un récit est celui qui est capable de repérer et prendre en compte le lien de causalité entre les évènements d’une histoire.

Il distingue alors six niveaux d’habiletés dans la reformulation des histoires par les enfants :

a) Identifier un ou plusieurs personnages

b) Identifier et restituer des évènements disjoints d’une histoire

c) Produire un début d’organisation (en fonction du problème, des épisodes, de la fin)

d) Structurer le récit dans le temps (chronologie) e) Identifier et restituer les relations causales

f) Produire une explication causale à plusieurs niveaux ».

Sylvie Mourier (2015) précisera d’ailleurs que « Il ne suffit pas, pour comprendre, d'identifier le cadre, les événements et les personnages ; il faut prendre en compte les relations causales : la perception de ces enchaînements logiques est facilitée par l'attention portée aux états mentaux des personnages. »

Jocelyne Giasson, Docteur en sciences de l’éducation et en psychologie, citée d’une part par Mireille Brigaudiot (1995) et d’autre part par Patrick Joole (2008), explique « qu’une des clés de voûte d’un apprentissage explicite de la compréhension est, qu’après la lecture d’un texte, il est souhaitable de demander aux élèves de le redire avec leurs propres mots. Ainsi l’enseignant peut voir ce qui est important pour l’élève et détecter les difficultés de hiérarchisation autant que les écarts par rapport au texte source. »

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