• Aucun résultat trouvé

A) Compréhension formelle du langage chez le sujet atteint d’autisme

2) La compréhension de la grammaire

Pour avoir un langage créatif, il faut combiner deux choses :  Un lexique fourni

 La possibilité de faire des combinaisons grammaticales de mots

Nous pouvons définir la grammaire12 comme « l’ensemble des relations qui structurent la langue. On y inclut la morphologie et la syntaxe ce qui nous amène parfois à parler de morphosyntaxe. La morphologie s’efforce d’analyser la structure au niveau du mot. Elle étudie l’organisation des morphèmes (plus petites unités de sens) et leur combinaison pour former des mots et modifier leur sens en fonction des contextes linguistiques. » On peut citer pour exemple le préfixe « in » qui transforme un mot en son contraire (visible/invisible). Les suffixes (qui se greffent à la fin du mot) les infixes (qui se greffent au milieu du mot) et les préfixes constituent le groupe des affixes. Ce sont des morphèmes liés qui viennent modifier le sens du mot. Il existe également des morphèmes non liés qui apparaissent donc seuls dans la phrase comme « et » ou « dans » qui ne modifient plus le sens d’un mot mais le sens de la phrase.

La syntaxe, c’est la façon d’organiser les unités linguistiques entre elles. Ainsi, « le chat mange la souris » n’a pas la même signification que « la souris mange le chat » et pourtant tous les mots sont identiques, seule leur disposition change. Il existe une syntaxe intraphrastique c’est-à-dire qui régit la place des mots à l’intérieur d’une phrase et la syntaxe interphrastique qui régit les phrases entre elles au sein d’un discours. On peut ainsi aisément transformer une phrase affirmative « Tu as de la chance » en une phrase interrogative « As-tu de la chance ? » en inversant seulement deux mots.

L’apprentissage de la morphosyntaxe commence en moyenne vers 2 ans et se poursuit tout au long de l’enfance. Cet apprentissage est plus ou moins complexe s’il s’agit d’une langue agglutinante (comme le turc ou les morphèmes liés prédominent) ou d’une langue non agglutinante (comme le français). L’enfant va alors apprendre à changer la place des mots dans une phrase selon ce qu’il veut dire. Ces tentatives seront souvent échouées au début et l’intonation ainsi que le contexte et parfois la gestuelle seront très utiles pour le comprendre.

Grâce à de nouvelles techniques dans les années 80, les chercheurs ont pu observer le niveau de compréhension morphosyntaxique chez de très jeunes enfants. L’expérience se déroule en trois temps :

 Le premier temps est consacré aux nouveaux nés et très jeunes enfants. Il consiste à faire entendre une séquence de 4 mots (qui n’ont alors pas de signification pour l’enfant) de façon répétitive jusqu’à ce que l’enfant se lasse et ne se tourne plus vers le stimulus. A ce moment on lui fait écouter une deuxième séquence avec les mêmes mots dans un ordre différent. Dans cette expérience l’enfant montre de l’intérêt pour la deuxième séquence en se retournant ce qui prouve qu’il perçoit une différence entre les deux séquences.

Gary Marcus12 et ses collègues ont mis en œuvre une approche plus abstraite pour tester la sensibilité des touts petits à la grammaire. Ils ont choisi de manipuler une série de courtes syllabes avec deux ordres différents :

 Semblable/semblable/différent  Semblable/différent/semblable

Ils ont tout d’abord été soumis à la série ga/ga/ti jusqu’à ce qu’ils ne montrent plus d’intérêt puis la moitié du groupe a entendu la série wo/wo/fe et la deuxième moitié du groupe a entendu la série wo/fe/wo. Le premier groupe n’a pas montré d’intérêt pour la deuxième série alors que le deuxième groupe s’est retourné. Cette expérience démontre bien que c’est à l’ordre des sons que le nouveau né est sensible. Cette capacité de distinguer deux séries par l’ordre de ses entités est essentielle à l’acquisition du langage ultérieure.

 Le deuxième temps concerne des enfants âgés de 17 mois et consiste à démontrer le fait que l’enfant comprend que le sens d’une phrase est porté par l’ordre de ses mots. Pour cela Roberta GALINKOFF, Kathy HIRSH- PASEK12 et leurs collaborateurs se sont appuyé sur la préférence visuelle. Ils ont proposé aux enfants une phrase avec deux personnages connus et un verbe connu de tous (Big Bird chatouille Cookie Monster). Deux images leur étaient alors proposées, une correspondant à la phrase énoncée et l’autre correspondant à « Cookie Monster chatouille Big Bird ». si l’enfant ne

s’empare que des trois unités de la phrase alors, il regarde les deux images sans préférence. Si en revanche il comprend que l’ordre des mots joue un rôle dans la phrase alors il regarde avec insistance la bonne image. Cette expérience s’est avérée fructueuse et les résultats font apparaitre une conscience précoce de la forme grammaticale.

 Une expérience sur le langage complexe a ensuite pu être réalisée sur le même principe à partir de deux ans. L’étude porte sur la compréhension des verbes transitifs c’est-à-dire qui prennent un COD (Big Birdy fait plier Cookie Monster) et intransitifs qui ne prennent pas de COD (Big Birdy se plie avec Cookie Monster). Dans cette expérience, le verbe n’est pas connu des enfants pour qu’il n’y ait pas d’amalgame avec l’expérience précédente. Encore une fois l’expérience était basée sur la préférence visuelle. L’expérience a de nouveau montré que l’enfant regarde plus longuement l’image correspondant à la phrase entendue. Il semble que le morphème « avec » ait suffi à distinguer les deux phrases.

Ces expériences démontrent que les capacités de compréhension morphosyntaxique de l’enfant dépassent ses capacités d’expression morphosyntaxiques. Cette compréhension précoce s’explique par différentes choses. Les intonations utilisées lors de la parenthèse qui est le langage maternel adressé au nourrisson, permettraient des groupements grammaticalement cohérents qui faciliteraient la compréhension de la morphosyntaxe. Mais cela n’explique pas tout car dans certaines civilisations la parenthèse n’existe pas et la compréhension de la grammaire reste précoce.

Le dialogue, le contexte et la présence des objets dont on parle sont autant de moyens de facilitation pour l’enfant. Il n’a pas besoin de se construire une image mentale de ce dont on lui parle car il l’a pour la plupart du temps sous les yeux. En effet nous parlons rarement de personnes ou de choses absentes de la vision à un jeune enfant ce qui lui permet de se concentrer uniquement sur la syntaxe et de ne mobiliser aucune autre de ses capacités. Cela explique pourquoi la compréhension de la grammaire est bien plus précoce que son utilisation.