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2 Synthèse bibliographique

2.4 Les politiques publiques visant à réguler l’environnement alimentaire à l’école

2.4.1 Composition des repas proposés au restaurant scolaire

2.4.1.1En France

 Les différentes étapes de la mise en place de la réglementation actuelle

La qualité sanitaire des repas servis en restauration scolaire fait l’objet d’une réglementation depuis la circulaire du 6 mars 1968 relative à l’hygiène alimentaire dans les établissements publics universitaires et scolaires (1968). Après plusieurs enquêtes auprès de cantines scolaires, il apparut que la qualité nutritionnelle des repas servis aux écoliers nécessitait des améliorations : insuffisances d’apports caloriques, de protéines animales, de produits laitiers ou de crudités. Une seconde circulaire, relative à la nutrition de l’écolier, portant spécifiquement sur la composition alimentaire des repas servis à la cantine fut publiée le 9 juin 1971 (1971). Cette circulaire insistait sur les notions d’équilibre et de variété des apports alimentaires et sur le rôle éducatif du repas scolaire devant guider les enfants vers l’acquisition d’un bon comportement alimentaire. Elle recommandait que le repas de midi couvre 40% des besoins journaliers et qu’il soit constitué au minimum d’une crudité ou d’un fruit, de protéines animales dont une partie sous forme de produits laitiers, de légumes frais cuits (2 fois par semaine) et de pommes de terre, pâtes, riz ou légumes secs (les autres jours). Elle instaurait pour la première fois des notions de fréquence de services de différents groupes d’aliments en vue d’assurer la qualité nutritionnelle des déjeuners scolaires. En 2000, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) publia un état des lieux de la nutrition en

restauration scolaire, de la maternelle au lycée (Czernichow et al. 2000). En l’absence d’étude

nationale représentative sur le sujet, les conclusions se basèrent sur plusieurs études de plus faible ampleur, réalisées selon des méthodes parfois non représentatives. Ces études s’accordaient sur les déséquilibres nutritionnels des déjeuners pris à l’école : riches en lipides et pauvres en calcium et en fer comparativement aux apports nutritionnels conseillés (ANC), et service insuffisant de produits laitiers, fruits et légumes. Les conclusions de ces études furent corroborées par l’analyse des repas

consommés dans les restaurants scolaires dans l’étude INCA1 (Lafay et al. 2002b). L’Afssa

recommanda de réviser la circulaire de 1971 pour la mettre en conformité avec les recommandations nutritionnelles proposées par le Groupe permanent d'étude des marchés de denrées alimentaires (GPEM/DA) en 1999 (GPEM/DA 1999). Ces recommandations publiées par le ministère de l’Economie, des finances et de l’industrie sont destinées aux collectivités publiques gérant directement, ou déléguant à une entreprise privée, leur service de restauration collective, et ont pour objectif de définir des règles permettant d’assurer la qualité nutritionnelle des repas servis. Les principaux objectifs nutritionnels retenus en 1999 étaient une diminution des apports en lipides et une augmentation des apports en calcium, fer, vitamines et fibres. Des éléments sur la structure des repas, sur l’élaboration des menus et le contrôle de l’équilibre alimentaire des repas servis étaient précisés. Le contrôle portait sur le respect de fréquences de service de 12 catégories d’aliments sur 20 repas successifs. Les conclusions de l’Afssa furent reprises par le premier Plan national nutrition santé (PNNS, 2001-2006 (2001b)) et la circulaire relative à la composition des repas servis en restauration scolaire et à la sécurité des aliments le 25 juin 2001 (2001a) abrogea la circulaire de l’écolier de 1971. Ces recommandations nutritionnelles n’avaient pas de caractère obligatoire, contrairement aux exigences de sécurité sanitaire des aliments servis. En 2005-06, une étude conduite par l’Afssa évalua la connaissance et l’application de cette circulaire au sein des établissements publics du second degré (Afssa 2007). Réalisée auprès d’un échantillon représentatif

obligations en matière de traçabilité et de salubrité des aliments étaient bien connues et mises en œuvre par les services de restauration scolaire. En revanche, les recommandations nutritionnelles étaient moins connues et suivies ; les menus contenaient des plats protidiques trop riches en lipides et pas assez de produits laitiers au regard des fréquences seuil définies par le GPEM/DA. L’Afssa préconisa de rendre les recommandations nutritionnelles sur la composition des repas plus contraignantes d’un point de vue réglementaire pour assurer leur application effective par les

restaurants scolaires. Elle rejoignait une des actions prévues par le 2ème PNNS (2006-2011 (2006c)) et

l’avis de 2004 du Conseil National de l’Alimentation (CNA) sur la restauration scolaire (2004). A l’issue de cette évaluation nationale, la Loi de Modernisation Agricole prévit que les repas proposés en restauration scolaire soient soumis à des règles nutritionnelles définies par décret (2010b). Parallèlement, le Groupe d'étude des marchés de restauration collective et de nutrition (GERMCN, ex-GPEM/DA) publia en 2007 une révision de ses recommandations nutritionnelles relatives à la restauration collective afin d’y intégrer deux objectifs nutritionnels supplémentaires : rééquilibrer les apports en acides gras et réduire les apports en glucides simples (GEMRCN 2007). La définition et/ou les fréquences seuils de certaines catégories d’aliments ont été adaptées et de nouvelles catégories d’aliments définies pour atteindre 15 catégories d’aliments. Le 2 octobre 2011, le décret et l’arrêté relatifs à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire ont été publiés au Journal Officiel (cf. Annexe 1 et Annexe 2) (2011c; 2011b). Les exigences réglementaires prévues par ces textes reposent principalement sur les recommandations révisées du GEMRCN de 2007.

 Les règles nutritionnelles relatives à la restauration scolaire en vigueur en France

Les exigences réglementaires sur la qualité nutritionnelle des repas scolaires définies par le décret et l’arrêté de 2011 consistent en une version simplifiée des recommandations nutritionnelles du GERMCN de 2007. Dans le décret (Annexe 1), sont précisés :

- la structure des repas : 4 ou 5 plats, dont un plat principal avec une garniture et un produit laitier ;

- l’exigence de variété des plats servis ;

- le service de tailles de portions adaptées à l’âge des enfants ;

- la définition de règles pour le service de l’eau, du pain, du sel et des sauces.

L’arrêté (Annexe 2) définit la variété des plats servis sur la base des fréquences seuil pour 20 repas successifs telles qu’établies par le GEMRCN pour 15 catégories d’aliments (Tableau 3). Il indique les tailles de portion applicables aux aliments transformés gras ou sucrés. Enfin, il précise que l’eau et le pain doivent être accessibles en libre-service tandis que l’accès au sel et aux sauces doit être limité et adapté en fonction des plats servis.

Ces textes ont été remis en cause dans le récent rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative conduite par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard qui les a classés en tête des normes à

abroger (Lambert et al. 2013). Ce même rapport propose de les remplacer par un décret comprenant

un unique article rédigé comme suit : « Les obligations prévues par les dispositions de l’article l 230-5

du code rural [prévues par la Loi de Modernisation Agricole] sont regardées comme satisfaites lorsque la collectivité responsable du restaurant met en œuvre des menus équilibrés, diversifiés, adaptés à l’âge des consommateurs et faisant une place autant que faire se peut aux produits locaux rendus

les principes de la loi tout en faisant confiance aux collectivités locales pour appliquer ces principes

sous le contrôle… de leurs concitoyens ».

Tableau 3. Définition des 15 groupes d’aliments et de leurs fréquences seuils réglementaires – Arrêté 2011

Objectifs nutritionnels et groupes d’aliments Composantes associées Seuil

Pour limiter les apports en matières grasses

Entrées contenant plus de 15% de matières grasses Entrée 4/20 max Produits à frire ou pré-frits contenant plus de 15% de matières grasses Plat, Garniture 4/20 max Plats protidiques ayant un ratio P/L<1 Plat 2/20 max Desserts contenant plus de 15 % de matières grasses Dessert 3/20 max

Pour garantir les apports en fibres et en vitamines

Crudités de légumes ou de fruits, contenant au moins 50% de légumes ou de fruits

Entrée, Garniture 10/20 min

Légumes cuits, autres que secs, seuls, ou en mélange contenant au moins 50 % de légumes

Garniture 10/20

Desserts de fruits crus 100% fruit cru, sans sucre ajouté Dessert 8/20 min Légumes secs, féculents ou céréales, seuls, ou en mélange contenant au moins 50

% de légumes secs, féculents ou céréales

Garniture 10/20

Pour garantir les apports en fer et en oligo-éléments

Poissons ou préparations à base de poisson

contenant au moins 70 % de poisson, et ayant un ratio P/L≥2

Plat 4/20 min

Viandes non hachées de bœuf, de veau ou d’agneau, et abats de boucherie Plat 4/20 min Préparations à base de viande, de poisson, d’œuf et/ou de fromage, contenant

moins de 70 % du grammage recommandé pour la denrée protidique

Plat 3/20 max

Pour garantir les apports en calcium

Fromages contenant au moins 150 mg de calcium laitier par portion Entrée, Laitages 8/20 min Fromages dont la teneur en calcium laitier est comprise entre 100mg et moins de

150mg par portion

Entrée, Laitages 4/20 min

Produits laitiers ou desserts lactés contenant plus de 100 mg de calcium laitier, et moins de 5g de lipides par portion

Laitage, Dessert 6/20 min

Pour limiter les apports en glucides simples

Desserts contenant plus de 20g de glucides simples par portion et moins de 15% de matières grasses

Dessert 4/20 max

*Ratio P/L : ratio protéines/lipides

2.4.1.2A l’étranger

Les approches retenues par quelques pays ayant une longue expérience dans le domaine sont présentées ci-après.

 Le programme « National School Lunch Program » aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la mise en place du programme « School Lunch Program », pour fournir aux enfants des déjeuners de bonne valeur nutritionnelle à l’école, représentait un enjeu stratégique pour assurer la santé et le bon développement intellectuel et physique des enfants américains au moment de la seconde guerre mondiale (Purdy 1944). En 1946, il a été pérennisé par la loi en tant que programme permanent sous le nom de « National School Lunch Program » (NSLP) (1946; Hirschman et al. 2013). Les objectifs de ce programme mentionnaient entre autres la variété et l’équilibre alimentaire, l’apprentissage des goûts alimentaires, le développement de bonnes habitudes alimentaires et la contribution à l’éducation à la santé des enfants. En 1975, il a été complété par le « School Breakfast Program » (SBP) visant à proposer des petits-déjeuners à l’école. Ces deux programmes sont toujours en vigueur. Ils sont subventionnés par l’Etat fédéral qui verse aux

fonction du nombre de déjeuners et de petits-déjeuners servis. Trois niveaux de prix sont fixés pour les repas selon le revenu des familles : plein tarif, prix réduit (revenus entre 130% et 185% du seuil de

pauvreté) ou gratuit (revenu inférieur à 130% du seuil de pauvreté) (Baxter et al. 2010b).

Aujourd’hui, 94% des établissements participent au programme NSLP (Bevans et al. 2011) et

respectivement 26% et 62% des enfants et adolescents scolarisés bénéficient quotidiennement de petits-déjeuners et déjeuners entrant dans le cadre des deux programmes. Les enfants bénéficiant de repas gratuits participent davantage (45% pour les petits-déjeuners et 82% pour les déjeuners) que les enfants payant le plein tarif (9% pour les petits-déjeuners et 43% pour les déjeuners) (Hirschman et al. 2013).

Le programme NSLP fit l’objet de plusieurs révisions. La première, intervenue en 1995 (1995), fit suite à la première étude d’évaluation de l’offre et des apports alimentaires et nutritionnels à l’école

(Burghardt et al. 1993). Cette étude avait souligné que les repas servis étaient trop riches en lipides

totaux et en AGS au regard des recommandations nutritionnelles américaines publiées en 1990

(USDA et al. 1990). En conséquence, des normes sur la composition alimentaire et le contenu

nutritionnel des repas entrant dans le cadre du programme NSLP furent introduites. La seconde étude d’évaluation de l’offre et des apports alimentaires et nutritionnels à l’école conduite en 1998-99 montra les bénéfices de cette révision : le contenu en lipides totaux et en AGS des déjeuners avait

significativement diminué sans pour autant dégrader le contenu en micronutriments (Fox et al.

2001). Les teneurs en lipides et en AGS des déjeuners restaient toutefois trop élevées. La troisième étude d’évaluation de l’offre et des apports alimentaires et nutritionnels à l’école conduite en 2004-05 ne montra pas d’amélioration nette de la situation par rapport à l’évaluation précédente, en dehors d’une meilleure adéquation à la norme sur la teneur en AGS des déjeuners (Gordon et al. 2007). En 2010, un rapport élabora plusieurs recommandations pour la révision des normes applicables aux repas scolaires servis dans le cadre des programmes NSLP et SBP. Il reposait sur une revue bibliographique sur la nutrition des enfants et adolescents et sur les politiques portant sur les repas scolaires. Ce rapport conduit à la publication des normes révisées en janvier 2012 visant à augmenter l’offre en fruits et légumes, en produits céréaliers complets, en lait demi-écrémé ou écrémé, à réduire les apports en sodium, et à contrôler les apports énergétiques. Les normes actuellement applicables aux Etats-Unis pour les déjeuners servis dans le cadre du programme NSLP sont détaillées dans l’Annexe 3. Elles se composent à la fois de normes sur la composition alimentaire des repas, en termes d’aliments à favoriser, et de normes sur le contenu nutritionnel des repas.

 Des politiques nationales convergentes au Royaume-Uni

En 1941, la « National School Meal Policy » établit la première politique de restauration scolaire incluant des normes nutritionnelles pour les repas scolaires au Royaume-Uni, et en 1944, la loi « Education Act » instaura l’obligation pour les autorités scolaires locales de fournir un déjeuner aux enfants qui le souhaitent (Evans et al. 2009). Les normes furent révisées à plusieurs reprises pour intégrer de nouveaux critères nutritionnels (en 1955 et en 1966) puis de nouveaux critères alimentaires (en 1975). Néanmoins, en 1980, la nouvelle loi « Education Act » stipula que la restauration scolaire n’était pas un service essentiel : l’obligation de fournir un repas à l’école fut alors supprimée, les normes nutritionnelles applicables aux repas scolaires furent abrogées et la vente d’aliments de snacking (type sandwiches) fut proposée en remplacement du repas chaud (Bender 1979; Evans et al. 2009). La participation aux repas scolaires diminua alors fortement au profit des paniers-repas amenés du domicile (Evans et al. 2009). Il fallut attendre 2001 pour que chaque nation (Angleterre, Pays de Galles, Ecosse, Irlande du Nord) réinstaure indépendamment et

parallèlement des normes nutritionnelles et alimentaires applicables aux repas scolaires, obligatoires ou non. Il n’existe donc pas actuellement d’harmonisation des normes applicables aux repas scolaires

au niveau du Royaume-Uni (Evans et al. 2009; Adamson et al. 2013) si ce n’est que la fourniture de

repas gratuits aux enfants issus des familles en difficulté est prévue dans toutes les nations. Les normes en vigueur dans les différentes nations sont synthétisées dans l’Annexe 4. Elles ont une valeur obligatoire et contraignante dans toutes les nations, excepté au Pays de Galles. Chaque nation propose des normes sur la composition alimentaire des repas, avec des aliments à favoriser et des aliments à limiter. Trois nations (Angleterre, Ecosse et Pays de Galles) les complètent par des normes

sur la composition nutritionnelle des repas en macro et micronutriments (CFT 2012; Adamson et al.

2013) ; l’adoption de normes nutritionnelles est en cours de réflexion en Irlande du Nord. En outre, les normes du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord prévoient que des alternatives plus saines soient offertes lorsque des aliments à faible valeur nutritionnelle sont proposés (ex : alternatives à des garnitures ou desserts gras).

 Dans les autres pays…

Bien que moins documentées dans la littérature, plusieurs pays ont mis en place des réglementations obligatoires applicables à l’offre alimentaire des déjeuners scolaires. C’est le cas du Portugal et de l’Espagne qui ont développé des normes alimentaires et nutritionnelles détaillées, mais aussi de la Suède qui établit dans la loi l’obligation de fournir des repas nutritifs aux enfants sans toutefois

définir précisément ce que sont des repas dits « nutritifs » (Weichselbaum et al. 2011). D’autres pays,

comme les Pays-Bas (Mensink et al. 2012) et l’Allemagne (Weichselbaum et al. 2011), ont choisi de

ne pas réglementer mais d’encourager les améliorations nécessaires de l’offre alimentaire à l’école sur la base d’une participation volontaire à des programmes nationaux pouvant donner droit à un label si l’établissement scolaire propose des repas conformes aux spécifications alimentaires et nutritionnelles du programme. Enfin, des pays comme l’Italie, l’Irlande ou la Norvège se limitent à la publication de lignes directrices traitant de la composition alimentaire et nutritionnelle des repas scolaires sans pour autant les rendre obligatoires ou développer des programmes incitant à leur mise

en œuvre (Holthe et al. 2011; Weichselbaum et al. 2011).