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Partie I : Problématique de l’aérosol organique : sources, compositions,

III.3 L’aérosol organique primaire

III.3.2 Composition de l’OC à l’émission

III.3.2.2 Les composés sources-spécifiques

Les composés sources-spécifiques sont, également, couramment appelés traceurs. Néanmoins, si ces deux termes indiquent l’unicité de la source pour le composé ainsi caractérisé, le terme traceur implique une structure chimique non évolutive et donc une relative stabilité vis-à-vis des oxydants atmosphériques. Or, cette dernière condition n’est, souvent, soit non documentée, soit non vérifiée. Le terme d’indicateur sera alors, dans ce cas, préféré. Compte tenu de leur importance dans l’identification des sources de l’aérosol collecté dans l’atmosphère, cette classe de composés a particulièrement été recherchée et étudiée. Un grand nombre d’indicateurs de sources ont ainsi pu être mis en évidence. Nous nous intéresserons dans cette partie, exclusivement, aux composés organiques majeurs, spécifiques des sources de combustions de la biomasse et des dérivés du pétrole.

III.3.2.2.1 Combustion de biomasse

Les principaux composés organiques indicateurs identifiés dans les particules formées lors des combustions de biomasse sont rapportées (Oros et Simoneit, 2001a-b ; Fine et al, 2001-2002 ; Simoneit, 1999-2002a ; Simoneit et Elias, 2001 ; Simoneit et al, 1999 ; Nolte et al, 2001 ; Schauer et al, 2001 ; Rogge et al, 1998) pour de nombreuses espèces de plantes. Ces composés sont, soit naturels, présents dans le combustible organique, soit des produits de dégradation formés au cours de la combustion (déshydratation, décarboxylation…). Deux groupes principaux de composés peuvent être distingués : ceux issus de la pyrolyse de la cellulose et de l’hémicellulose et ceux issus de la pyrolyse de la lignine.

La cellulose et l’hémicellulose sont des bio polymères très abondants dans les végétaux et principalement dans le bois. Ils représentent respectivement 40-50 % et 20-30 % de la masse de bois sec (Oros et Simoneit, 2001b). La cellulose (figure I.5) est un polymère linéaire constitué de 7000 à 12000 monomères de D-glucose, tandis que l’hémicellulose est un polysaccharide à chaîne plus courte (100-200 monomères) composé de glucose, de mannose,

galactose, xylose, … (Oros et Simoneit, 2001b). La pyrolyse de la cellulose donne naissance à des déshydromonosaccharides, dont le lévoglucosan (1,6-anhydro-β-D-glucopyranose) est le plus abondant (Simoneit et al, 1999 ; Schauer et al, 2001 ; Nolte et al, 2001) (figure I.5). Selon le même principe, la galactosan et le mannosan sont formés par pyrolyse de l’hémicellulose. Des pyrolyses de ces bio polymères, le lévoglucosan est le produit de dégradation le plus abondant devant le galactosan et le mannosan. Nolte et al (2001) ont mis en évidence des facteurs d’émissions du lévoglucosan compris entre 650 et 1400 mg/kg lors de combustions de différents de bois (chêne, pin, eucalyptus), un à deux ordres de grandeur supérieurs à ceux mesurés pour le galactosan et le mannosan. Ces facteurs d’émissions sont en très bon accord avec ceux déterminés par Schauer et al (2001) pour des expérimentations menées sur les mêmes types de combustible (compris entre 700 et 1900 mg/kg). Le lévoglucosan est, de plus, émis sur de fines particules (d’après Simoneit et al, 1999) et est très résistant aux processus de dégradation atmosphérique (Fraser et Lakshmanan, 2000). Il a été identifié comme un composé abondant dans les aérosols des milieux urbains (Simoneit et al, 1999 ; Nolte et al, 2001) et a été détecté en faible concentration sur la plupart des échantillons collectés en milieu océanique (Simoneit et Elias, 2000), confirmant sa grande stabilité. Ces différentes propriétés en font un des composés traceurs des combustions de biomasse les plus intéressants et les plus étudiés actuellement.

Figure I-5 : Principaux composés issus de la pyrolyse de la cellulose : formation du lévoglucosan (composé majoritaire); Le manosan et le galactosan sont formés selon le même principe à partir de l’hémicellulose ;

Coumaryl alcool Précurseur des composés

de type "anisyl" (4-hydroxyphényl-)

Coniferyl alcool Précurseur des composés

de type "guaiacyl" (4-hydroxy-3-méthoxyphényl-)

Sinapyl alcool Précurseur des composés

de type "syringyl" (3,5-méthoxy-4-hydroxyphényl-) HO OH HO OH OCH3 HO OH H3CO OCH3

Figure I-6 : Précurseurs des lignines

La lignine est un bio polymère irrégulier constitué de monomères hydroxy- et méthoxy-phénylpropane différents et représente approximativement 20-30 % de la masse sèche du bois (Oros et Simoneit, 2001b ; Nolte et al, 2001). Les précurseurs de la biosynthèse de la lignine sont les alcools coumarylique, coniferylique et sinapylique (figure I.6). L’alcool

coumarylique est le monomère prédominant de la lignine contenue dans les herbes (graminées) mais est peu présent dans les bois dur et tendre. L’alcool coniferylique constitue un précurseur prépondérant de la lignine des bois tendres (gymnospermes). Les bois durs (angiospermes) sont, quant à eux, caractérisés par une lignine biosynthétisée à partir des alcools coniferyliques et sinapyliques (Nolte et al, 2001). H3CO HO O Vanillin H3CO HO O OCH3 Syringaldéhyde H3CO HO OCH3 Syringol H3CO HO Guaiacol H3CO HO O OCH3 Acétosyringone H3CO HO O Coniferyl aldéhyde H3CO HO O Acétovanillone H3CO HO O OCH3 Acide syringique OH H3CO HO O Guaiacyl Acétone H3CO HO OCH3 O Syringyl Acétone

Figure I.7 : Principaux produits de dégradations des lignines mis en évidence lors de la combustion de bois

La combustion (pyrolyse) des lignines donne naissance à de nombreux produits de dégradations (alcools, acides, carbonyles) conservant, en règle générale, les groupements caractéristiques du cycle benzénique (-OH et -OCH3) de leur composé parent (Nolte et al, 2001 ; Schauer et al, 2001 ; Simoneit, 2002a). Nolte et al (2001) ont pu en identifier jusqu'à 35. Leurs structures sont présentées en annexe I.2. L’ensemble de ces composés constitue une fraction majeure de la composante organique de l’aérosol de combustion de biomasse (Rogge et al, 1998 ; Schauer et al, 2001, Nolte et al, 2001). Les combustions de bois tendres (conifères) émettent une grande quantité de composés de type guaiacyl (4-hydroxy-3-methoxy-phényl-) dérivés du coniferyl alcool. Les principaux sont la vanillin, le 3-guaiacylpropanol, l’acétovanillone et le coniferyl aldéhyde avec des facteurs d’émissions respectivement de 15, 24, 32 et

125 mg.kg-1 (Nolte et al, 2001). Le guaiacol, le plus simple des composés de type guaiacyl, est plus faiblement émis en phase particulaire (0,4 mg.kg-1, selon Schauer et al, 2001). Les composés de type syringyl (3,5-diméthoxy-4-hydroxyphényl) ne sont, en règle générale, pas détectés dans les combustions de bois tendres (conifères). En revanche, dans le cas des combustions des bois durs, les composés de type syringyl sont généralement plus abondants que leurs homologues de type guaiacyl. Les composés les plus fortement émis en phase particulaire sont, selon Nolte et al (2001), le syringaldéhyde (35-41 mg.kg-1), l’acétosyringone (17-31 mg.kg-1), le syringyl acétone (68-106 mg.kg-1) et l’acide syringique (6-22 mg.kg-1). Le syringol présente, comme le guaiacol, un facteur d’émission relativement faible, de l’ordre de 2 mg.kg-1. Bien que peu de données existent sur la réactivité de ces méthoxyphénols, il semble qu’ils soient dégradés relativement rapidement dans l’atmosphère. Ils n’ont, en effet et contrairement au lévoglucosan, pas été détectés dans l’étude spécifique sur les indicateurs de combustion menée par Simoneit et Elias (2000) en milieu océanique. Ces auteurs émettent l’hypothèse d’une transformation de ces composés en catéchol ou en acide hydroxybenzoïque au cours du transport atmosphérique.

Enfin, une dernière catégorie majeure d’indicateurs de combustion de biomasse est constituée par les diterpenoïdes et leurs produits de dégradation thermique (les structures moléculaires des composés cités sont présentées en annexe I.3). Les diterpenoïdes sont des composés naturels présents essentiellement dans la résine des conifères (Simoneit et al, 2002). Les composés diterpenoïdiques, prédominants, identifiés dans les émissions de combustion de résineux sont les acides iso-pimariques, pimariques, sandaracopimariques et abiétiques et leurs produits d’altération thermique, majoritairement les acides 8,15-pimaradien-18-oïques et déhydroabiétiques (Oros et Simoneit, 2001a ; Schauer et al, 2001 ; Rogge et al, 1998). L’acide déhydroabiétique est l’un des composés les plus fortement émis (30-400 mg.kg-1) lors de ces combustions (Rogge et al, 1998 ; Oros et Simoneit, 2001a ; Schauer et al, 2001). La plupart de ces acides issus des résines (pimariques, abiétiques, 8,15-pimaradien-18-oïque) semblent, en effet, s'oxyder dans l'atmosphère en acide déhydroabiétique (Oros et Simoneit, 2001a), lui conférant, ainsi, des propriétés d’indicateurs des combustions de conifères (Simoneit, 2002a ; Simoneit et Elias, 2001). Enfin, le rétène (HAP alkylé), considéré comme traceur univoque de ces combustions (Ramdahl, 1983), est également un produit d’altération thermique des diterpenoïdes.

III.3.2.2.2 Combustion des dérivés du pétrole

Les composés sources-spécifiques des combustions des dérivés du pétrole sont sensiblement moins nombreux. Les séries des 17α(H),21β(H)-hopanes et des stéranes constituent d’excellents marqueurs des contaminations d’origine pétrolière. Leurs structures spécifiques (figure I.8) témoignent de la maturation de la matière organique au cours de

millions d’années (Standley et Simoneit, 1987). Leurs isomères sont couramment étudiés en géochimie pétrolière pour comparer la maturité des roches mères à celle des pétroles (d’après Simoneit, 1999 ; Rogge et al, 1993a). A l’émission et dans l’atmosphère, les hopanes (C29-C35) sont les plus abondants. Les facteurs d’émissions individuels des hopanes sont globalement compris entre 1-100 µg.km-1 pour les véhicules diesel (Schauer et al, 1999b ; Rogge et al, 1993a) et entre 0,02 et 9 µg.km-1 pour les véhicules essence catalysés (Rogge et al, 1993a ; Schauer et al, 2002a). Les stéranes et diastéranes sont, quant à eux, émis de façon plus marginale. Schauer et al (2002a) ont, de plus, montré que ces différents composés n’étaient pas présents dans les carburants utilisés, mais dans les huiles moteurs. Leur présence à l’échappement traduit donc l’émission des huiles lubrifiantes imbrûlées.

R R = H, CH3-C6H13 17a(H),21b(H)-hopanes R R = H, CH3-C6H13 Diastéranes R R = H, CH3-C6H13 Stéranes Pristane 2,6,10,14-tétraméthylpentadécane Phytane 2,6,10,14-tétraméthylhexadécane

Figures I-8 : Structures moléculaires des principaux indicateurs des combustions des dérivés du pétrole.

En revanche, des composés comme le phytane et le pristane (figure I.8) sont très abondants dans les carburants et particulièrement les carburants diesels (≈ 6mg/g pour chaque composé ; Schauer et al, 2002a). Ils sont fortement émis dans l’atmosphère et considérés comme de bons indicateurs des émissions véhiculaires (Simoneit, 1984 ; Didyk et al, 2000 ; Schauer et al, 1996 ; Rogge et al, 1993b).

III.3.3 Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) particulaires