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Le système tubuline-microtubules comme cible thérapeutique

II. Les agents antimicrotubules

II.1. Les composés se liant au domaine Vinca

Le site de liaison de la vinblastine se trouve à l’interface entre la sous-unité β d’un hétérodimère et la sous-unité α de l’hétérodimère suivant, dans une région proche du site d’échange GTP/GDP.

Figure 2-6 : Structure du complexe tubuline-RB3-SLD-vinblastine.24

La vinblastine 1-16 (cyan, Vlb) est située à l’interface entre deux hétérodimères de tubuline (1-1 et 2-2), chaque monomère complexant un nucléotide (un GTP sur les sous-unités  et un GDP sur les sous-unités ).

La liaison de la vinblastine entraîne une modification de la conformation entre les hétérodimères de la tubuline. Les protofilaments adoptent une conformation courbe qui empêche l’assemblage des microtubules.

Figure 2-7 : Conformation du protofilament après liaison avec la vinblastine.19

La vinblastine 1-16 (bleu) se lie à l’interface de deux hétérodimères  de la tubuline. La modification de la conformation du protofilament (axe bleu ciel vs. axe vert) défavorise la polymérisation des microtubules.

La vinblastine 1-16 (Velbe®)25 et la vincristine 2-1 (Onconvin®)26 sont deux alcaloïdes issus de la pervenche de Madagascar Catharanthus roseus. Ces composés sont utilisés en clinique depuis plus de cinquante ans. Des analogues synthétiques, comme la vindésine 2-2 (Eldisine®),27 la vinorelbine 2-3 (Navelbine®)28 et la vinflunine 2-4 (Javlor®)29 présentant un profil pharmacologique amélioré, ont ensuite été développés. La vinorelbine 23 (Navelbine®)

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est aujourd’hui le composé le plus employé dans cette famille de composés pour le traitement du cancer du sein et du poumon.

R1 R2 R3 R1 R2

Vincristine 2-1 (Velbe®) CHO OMe COMe Vinorelbine 2-3 (Navelbine®) H H Vinblastine 1-6 (Onconvin®) CH3 OMe COMe Vinflunine 2-4 (Javlor®) F F Vindesine 2-2 (Eldisine®) CH3 NH2 H

Figure 2-8 : Les alcaloïdes de Vinca utilisés en clinique. II.2. Les composés se liant au domaine de la colchicine

Le site de liaison de la colchicine se trouve à l’interface des deux sous-unités  et  de la tubuline, à proximité du site de fixation de la GTP dans la sous-unité .

Figure 2-9 : Structure du complexe tubuline-RB3-SLD-colchicine.30

Le complexe comprend deux hétérodimères de tubuline avec la colchicine 2-5 liée à la sous-unité  à l’interface de la sous-unité .

La fixation de la colchicine 2-5 dans son site de liaison conduit à une modification de la conformation de l’hétérodimère (courbure) empêchant ainsi la polymérisation.

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Figure 2-10 : Modification de la vectorisation des microtubules après liaison avec la colchicine 2-5.19

La colchicine 2-5 (magenta) se fixe à l’interface de deux hétérodimères  de la tubuline. La modification de la conformation du protofilament (axe bleu ciel vs. axe vert) défavorise la polymérisation des microtubules.

De nombreux composés peuvent occuper le site de liaison de la colchicine dans la tubuline.31

Figure 2-11 : Principaux composés se liant au domaine de la Colchicine.

La colchicine 2-5 a été isolé à partir de Colchicum autumnale. En raison de sa forte toxicité, ce composé n’est pas utilisé en clinique pour le traitement du cancer mais dans le traitement de la goutte32 et de certaines maladies rares (maladie périodique, maladie de Behçet).33 De la même manière, la toxicité de la podophyllotoxine 2-6 ne permet pas à ce composé d’être utilisé en clinique contrairement à certains analogues proches. Ces composés n’agissent pas comme agents antimitotiques mais comme inhibiteurs de la topoisomérase II (Etoposide, Teniposide).34 Le 2-méthoxyestradiol 2-7 (Panzem®), qui possède à la fois des propriétés antiangiogéniques et apoptotiques, est actuellement en phase de développement clinique pour le cancer du sein.35 La combrétastatine A4 2-9 est une molécule naturelle issue de l’arbre

Combretum caffrum. La fosbretabuline 2-8 (combrétastatine A4 phosphate, CA4P,

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endogènes non spécifiques qui se trouvent dans le plasma et dans les cellules endothéliales. Outre son action comme agent antimitotique, ce composé cible les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins qui alimentent les cellules tumorales. Ce composé fait aujourd’hui l’objet de nombreuses études cliniques seul ou en combinaison avec d’autres agents anticancéreux.

Figure 2-12 : La combrétastatine A4 2-9 et sa prodrogue. II.3. Les composés se liant au domaine des taxanes

Les taxanes sont des composés qui ciblent spécifiquement un site de liaison dans le lumen des microtubules. Ils se lient à une sous-unité  de la tubuline liée au GTP et stabilisent cette structure en modifiant sa conformation. La structure ainsi stabilisée s’aligne parfaitement avec le vecteur de croissance des microtubules. Ceci a pour conséquence de favoriser la polymérisation des microtubules.

(a) (b)

Figure 2-13 : Stabilisation des microtubules par le paclitaxel 1-15 et fixation dans la tubuline

.19,37

(a) Vue du paclitaxel 1-15 (vert) lié à une sous-unité  de la tubuline dans le lumen des microtubules. Le vecteur de croissance hétérodimèrique est aligné avec l’axe de croissance des microtubules. (b) Mode de liaison du paclitaxel 1-15 dans la  tubuline.

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dérivés.

Ces composés feront l’objet d’une étude détaillée dans le Chapitre III Paclitaxel, composés

dérivés et mimes.

Figure 2-14 : Principaux agents se fixant dans le domaine de liaison des taxanes.

Les épothilones sont des macrolides issus du myxobacterium Sorangium cellulosum.39 Parmi les six types d’épothilones découvertes jusqu’ici, les épothilones A et B stabilisent la formation des microtubules et sont compétitifs du paclitaxel vis-à-vis de son site de liaison. Ces composés possèdent une affinité similaire à celle du paclitaxel. Mais contrairement à celui-ci, ces composés ne sont pas substrats de la glycoprotéine P (ce qui contribue à l’efflux de la molécule) et peuvent être utiles pour les tumeurs résistantes au paclitaxel. L’ixabepilone 2-10 (Ixempra®),40 un dérivé de l’épothilone B, a été approuvé par la FDA en 2008 pour le traitement du cancer du sein métastasé. D’autres analogues, comme le patupilone41 ou le sagopilone42 sont actuellement en cours de développement clinique.

Le discodermolide 2-11, pour sa part, a été isolé à partir d’une éponge marine Discodermia

dissoluta et identifié en 1990 par l’équipe de Gunasekera et Longley à Harbor Branch

Oceanographic Institution.43 Ce composé se fixe dans le site de liaison des taxanes et de la même manière que pour les épothilones, il est dépourvu d’activité vis-à-vis de la glycoprotéine P (Pgp). Le développement clinique de ce composé, réalisé par Novartis, a dû être interrompu en phase I en raison d’une toxicité pulmonaire.44

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le domaine de liaison des taxanes.