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Chapitre I. Etude de la faisabilité de la production d’alcool furfurylique à partir de

I.2. Hydrogénation de composés carbonylés biosourcés par transfert d’hydrogène

I.2.2. Autres composés biosourcés

D’autres molécules issues de la biomasse ont été réduites par le procédé mis en place sur le furfural. Des essais ont été conduits sur cinq molécules carbonylées : le 5-hydroxyméthylfurfural, le 5-méthylfurfural, le xylose et enfin l’acide lévulinique. Les résultats de la conversion de ces différents composants sont présentés ci-dessous.

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a) Réduction du 5-hydroxyméthylfurfural et du 5-méthylfurfural

Le 5-hydroxymethylfurfural ou 5-HMF est issu de la déshydratation des hexoses, principalement du fructose259. Comme le furfural, le 5-HMF possède un cycle furanique, ainsi qu’une fonction aldéhyde (position 2) mais il possède en plus un groupe hydroxyméthyl en position 5.

Le 5-méthylfurfural (5-MF) est une molécule dérivée de la biomasse (réaction à partir du fructose)260. Initialement cette molécule résultait de la réaction entre 5-méthylfurane, le N,N-diméthylformamide et le trichlorure de phosphoryle (toxique)261. Il s’agit d’une molécule furanique possédant une fonction aldéhyde, ainsi qu’un groupement méthyle (position 5).

Le tableau 23 présente les résultats des essais d’hydrogénation par transfert menés sur les molécules proches du furfural : le 5-hydroxyméthylfurfural (a) et le 5-méthylfurfural (b).

Figure 53 : Réduction du 5-hydroxyméthylfurfural et du 5-méthylfurfural

Tableau 23 : Hydrogénation de composés carbonylés par un catalyseur à base de Pd en présence de formiate de potassium comme donneur d'hydrogène

Entrée KHCO2 (équiv.) Pd (cat) / Equiv. Conversion

(%)a 1a 3 Pd/C 0.04 0 2a 5 Pd/C 0.04 26 3a 5 Pd(OH)2/C 0.02/ 0.04 27 4b 3 Pd/C 0.04 0 5b 5 Pd/C 0.04 33 6b 5 Pd(OH)2/C 0.02/ 0.04 35 a

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L’hydrogénation du 5-HMF par le formiate de potassium avec un catalyseur à base de palladium, à température ambiante, permet d’obtenir une conversion de 26-27% selon le catalyseur. Avec 3 équivalents de KHCO2 et 0.04 de Pd/C (Entrée 1a), seul le 5-HMF est retrouvé après 20h. La réaction a été poursuivie 10h supplémentaires sans qu’un autre produit, autre que le substrat initial, n’ait été retrouvé. La quantité de donneur d’hydrogène est alors augmentée à 5 équivalents (Entrée 2a). Après 20h de réaction, une conversion de 26% est obtenue. Deux produits sont retrouvés : le 5-HMF et le 2,5-bis(hydroxymethyl)furane. Ce dernier est le produit de la réduction du groupement formyle du 5-HMF. Au vu de la forte réactivité du Pd(OH)2/C, un essai avec ce catalyseur a été réalisé (Entrée 3a). La conversion est à peine modifiée et passe à 27% avec les mêmes produits qu’avec Pd/C.

Le 5-méthylfurfural a été réduit dans les mêmes conditions que le 5-HMF. Les conversions sont comprises entre 33 et 35% selon les conditions réactionnelles. Un essai avec 3 équivalents de formiate de potassium est réalisé en présence de Pd/C (Entrée 4b). Après 20h, le suivi de la rédaction n’a pas permis de montrer le moindre changement ; de même après 30h. Au vu des résultats obtenus précédemment sur le furfural, et dans une moindre mesure sur le 5-HMF, la quantité de KHCO2 est passée à 5 équivalents (entrée 5b). La conversion atteint 33% après 20h et n’est pas modifiée après 30h de réaction. Les produits présents sont : le 5-méthylfurfural, ainsi que l’alcool 5-methyl furfurylique. Ce dernier est le résultat de la réduction de la liaison C=O du 5-MF Des essais avec Pd(OH)2 n’ont pas permis d’augmenter de manière significative la conversion qui reste autour des 30% (Entrée 6b).

Notre méthode conduit à des conversions peu importantes mais permet d’obtenir qu’un seul produit issu de l’hydrogénation. D’autres techniques employant le transfert d’hydrogène ont été étudiées. Les sources d’hydrogène et/ou le catalyseur diffèrent de notre procédé et permettent souvent d’augmenter la conversion. Cependant, d’autres produits que l’alcool primaire peuvent être retrouvés. Par exemple Wang et son équipe en 2017 ont travaillé sur le 5-HMF en utilisant un catalyseur à base de ruthénium et l’isopropanol comme source d’hydrogène. Après 6h à 190°C, ils ont obtenu une conversion de 100% et un rendement en BHMF de 83%262.

L’hydrogénation du 5-MF a, à notre connaissance, été peu étudiée. Stonkus et al en 1990 ont effectué cette réaction en présence de différents catalyseurs (Pd/C, Pd/Al2O3,

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chromite de cuivre et nickel de Raney). Selon les conditions, l’alcool 5-methylfurfurylique n’est pas le principal produit de l’hydrogénation obtenu. La sélectivité maximale tourne autour des 76% avec une conversion de 15% avec le chromite de cuivre263. Gmeiner et al en 2016 ont, dans un microcapillaire, effectué l’hydrogénation du 5-MF. Le catalyseur à base de ruthénium s’est avéré être le plus efficace mais de nombreux autres produits sont obtenus264.

L’augmentation de la durée de réaction dans le cas de ces deux molécules ne permet pas d’améliorer la conversion. La présence de substituants sur la molécule pourrait expliquer la faible conversion obtenue. Peu de publications existent sur l’influence des substituants lors de l’hydrogénation par transfert. Toutefois, ils semblent que les substituants et en particulier les donneurs d’électrons comme CH3 ont un effet sur la réduction. Yuskovets et Shimanskaya en 1990 ont réalisé une série de réduction d’aldéhydes en présence d’acide formique et d’un catalyseur homogène à base de ruthénium. Ils ont montré que la présence en position 5 d’un substituant influence la conversion du groupement carbonyle. Ces substituants donneur d’électrons conduisent à l’augmentation de la densité électronique autour du C=O, ce qui ne facilite pas la coordination entre le substrat et le catalyseur. Le taux de réduction est alors diminué265. Lu et al en 2013 ont étudié les effets de ces substituants sur l’hydrogénation d’un aldéhyde dans le cas d’une réaction catalysée par le catalyseur de Knölker. Bien que ce système ne soit pas identique à celui étudié lors de cette thèse, il peut donner des pistes sur les raisons d’une faible conversion. Ainsi lors de l’hydrogénation d’un aldéhyde aliphatique saturé, caractérisé par un effet donneur d’électrons, la réaction sera affectée défavorablement par cette capacité à donner des électrons266. Pour finir, dans un système utilisant aussi le formiate de potassium comme source d’hydrogène, Gao et al ont montré que le groupement méthyle entraîne une conversion moins importante (78% après 24h). Cela serait dû à l’encombrement stérique et à l’effet donneur d’électrons du méthyle. Les substituants sur les noyaux aromatiques affectent la réactivité à cause des effets inductifs et de résonances qu’ils peuvent impliquer242.

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b) Réduction du xylose

Le xylose est un monosaccharide issu de l’hydrolyse de la biomasse. Il s’agit d’un pentose, possédant une fonction aldéhydique213.

Le tableau 24 présente les résultats d’hydrogénation du xylose par transfert d’hydrogène par un catalyseur à base de palladium et de formiate de potassium.

Figure 54 : Hydrogénation du xylose en xylitol

Tableau 24 : Hydrogénation du xylose en xylitol par un catalyseur à base de Pd en présence de formiate de potassium comme donneur d’hydrogène

Entrée KHCO2 (équiv.) Pd (cat) / Equiv Conversion (%)a

1 5 Pd/C 0.04 0

2 5 Pd(OH)2/C 0.02 26

3 5 Pd(OH)2/C 0.04 100

a

Conversion déterminée par RMN 1H

Afin de compléter ces travaux sur quelques aldéhydes issus de la biomasse, l’hydrogénation du xylose est réalisée. Une conversion comprise entre 26 et 100% est obtenue selon les conditions de réaction. La réaction a lieu, cette fois, dans une solution aqueuse à cause de la très faible solubilité du xylose dans les solvants (a)polaires. La présence de 5 équivalents de KHCO2 et de Pd/C (Entrée 1) ne permet pas de réduire le xylitol. La quantité paraissant suffisante au vu des résultats précédents, le catalyseur a été changé afin d’utiliser le plus réactif : Pd(OH)2. Le passage de 0.02 équivalents à 0.04 (Entrée 2 et 3 respectivement) a permis de passer de 26 à 100% de conversion après 24h de réaction. L’analyse RMN montre la présence d’un seul produit, le xylitol qui est issu de la réduction de la fonction aldéhyde du sucre. Dans une technique utilisant le Pd/C (1g) comme catalyseur, une conversion et une sélectivité de 100% et 73% ont été obtenues. Cette réaction impliquait une pression en hydrogène de 50 bars, durant 2h à 135°C 267.

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c) Réduction de l’acide lévulinique

Des essais sur l’acide lévulinique afin d’obtenir la γ-valérolactone sont effectués. Cette molécule est principalement issu de l’hydrolyse des hexoses et de la déshydratation du 5-HMF268. Il s’agit d’un acide gras à chaîne courte possédant une fonction cétone et un acide carboxylique.

Figure 55 : Hydrogénation de l'acide lévulinique

La réduction de la cétoacide dans les conditions similaires aux aldéhydes n’a pas permis d’aboutir à la γ-valérolactone. Si la quantité de formiate de potassium n’a pas été modifiée durant ces essais, celle du catalyseur a été augmentée (0,02 à 0,04 équiv.). La nature du catalyseur a aussi été changée (Pd et Pd(OH)2). Néanmoins après 30h de réaction, l’analyse n’a pas montré la présence du produit de la réduction mais une déprotonation du groupement COOH en carboxylate COO- dû à la relative basicité du formiate de potassium. L’absence de conversion pourrait être due à la nature du composé. Les cétones sont souvent plus difficiles à réduire que les aldéhydes. Ces dernières sont plus réactives en raison d’un encombrement stérique moins important autour du carbone du carbonyle et de son caractère électrophile plus important250,242. De plus, la présence de bicarbonate de potassium semble affecter la conversion de l’acide lévulinique (déprotonation). Dans une hydrogénation par transfert réalisée par Ortiz-Cervantes et al en 2015, l’acide formique est utilisé comme donneur d’hydrogène et le palladium comme catalyseur. Le rendement en γ-valérolactone est compris entre 5 et 100% après 1 ou 5h de réaction à 100°C (selon le catalyseur, la quantité, etc)237. Par ailleurs, la plupart de ces réactions implique des températures autour de 100°C. Cette expérience n’a pas été menée au cours de cette thèse mais pourrait aussi expliquer l’absence de conversion de l’acide lévulinique237. Ainsi Chia et al en 2011 ou Xu et al en

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2017 ont travaillé respectivement à 150°C et 110°C permettant d’obtenir une conversion de 99% et 85% et une sélectivité de 92 et 95%238,269.

En conclusion, l’hydrogénation par transfert du furfural en utilisant le formiate de potassium, comme donneur d’hydrogène, et le Pd/C, comme catalyseur, permet d’obtenir une conversion de 96% dans des conditions douces et plus respectueuses de l’environnement (réutilisation possible du catalyseur, solvants verts, réaction moins gourmande en énergie). Le choix des conditions réactionnelles, notamment la source et le nombre d’équivalent de formiate et de catalyseur, a un impact important sur le taux de conversion.

Ce procédé a été appliqué à quatre molécules biosourcés carbonylées. L’utilisation du Pd(OH)2/C permet de réduire le xylose en xylitol. La présence de substituants entraîne une conversion plus faible, voire inexistante quel que soit le catalyseur. Les conditions ne semblent cependant pas adaptées pour une cétone. Des essais impliquant une température plus importante ou le choix d’un autre donneur d’hydrogène (comme l’acide formique) sont des pistes pour tenter de réduire ces composés.

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Chapitre II. Mise au point des conditions de furfurylation du bois de