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Un comportement en loi de puissance

1.3 La microrhéologie de la cellule eucaryote

1.3.3 Un comportement en loi de puissance

Il est très difficile de comparer les résultats de microrhéologie cellulaire de toutes les méthodes expérimentales. Le calcul des grandeurs viscoélastiques est dépendant de la sonde utilisée et du couplage entre la cellule et la sonde. Une cellule vivante est un ma- tériau très hétérogène, actif et son comportement dépend d’une multitude de paramètres plus ou moins contrôlables. De plus, différents laboratoires utilisent différents types cellu- laires et sondent chacun différentes parties de la cellule. Néanmoins, ont été observés des comportements généraux pour les modules viscoélastiques G(ω) et les fonctions de fluage Γ(t).

Des modèles simples, dérivés du modèle de Maxwell ou de Kelvin-Voigt, reposant sur l’association de ressorts et d’amortisseurs visqueux ont été utilisés pendant longtemps pour décrire la mécanique cellulaire. Le comportement élastique de la cellule était alors attribué aux filaments du cytosquelette alors que le cytosol contribuait plutôt au comportement visqueux. Ces modèles signifient que la cellule a un nombre fini de temps de relaxation. Toutefois, les progrès techniques ont permis d’accéder à une meilleure résolution tempo- relle et cette vision des systèmes, ayant un nombre fini de temps de relaxation, a été mise en défaut [26] (figures1.15a et1.15c). En effet, il est maintenant bien établi que la fonction de fluage Γ(t) et le module viscoélastique G(ω) = G0(ω) + iG00(ω) se comportent comme des lois de puissance respectivement du temps et de la fréquence11 :

Γ(t) = Γ0  t t0 β , (1.26) G0(ω) = G00  ω ω0 β et G00(ω) = G000  ω ω0 β . (1.27)

9. Des hypothèses géométriques sont nécessaires car les grandeurs G(ω) et Γ(t) effectuent le lien entre la contrainte et la déformation et non entre la force et le déplacement. Pour les sondes locales extracellulaires, il est nécessaire de connaître le degré d’enfoncement, pour les sondes locales intracellulaires il faut connaître le couplage sonde-milieu.

10. La fonction d’autocorrélation Rx(τ) est reliée au déplacement quadratique moyen h∆x2(τ)i : h∆x2(τ)i = 2(R

x(0) − Rx(τ)) où Rx(τ) = hx(t + τ)x(t)it− hx(t)i2t.

11. Les fonctions de réponse J(t) et γ(t) (1.2.2) reliées à Γ(t) par l’intermédiaire d’un coefficient géomé- trique suivent aussi une loi de puissance : J(t) = J0

 t t0

β .

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Magnétocytométrie

Pince optique

Pince magnétique

Microscope à force atomique

Microplaque

Micropipette

FIGURE1.13 – Schéma des différentes techniques de microrhéologie active (adapté de [46]).

Microrhéologie passive intracellulaire

Microrhéologie passive extracellulaire Microrhéologie passive à deux points

FIGURE 1.14 – Schéma des différentes techniques de microrhéologie passive. Notons que si les sondes en présence sont magnétiques ou diélectriques, ces systèmes peuvent être adaptés à la mi- crorhéologie active (adapté de [46]).

Il est important de noter que d’après l’équation1.12ces deux grandeurs sont équivalentes, si Γ(t) = Γ0  t t0 β alors |G(ω)| = t β 0 Γ0φ (1 + β ) ωβ, (1.28) où φ (1 + β ) =R∞

0 e−xxβdx est la fonction d’Euler [7]. Le cas où β = 1 signifie que le matériau a un comportement purement visqueux, β = 0 un comportement élastique. Si 0 < β < 1 la réponse du matériau est viscoélastique.

Le travail effectué par Balland et al. [26] tente de trouver un comportement général en comparant deux expériences de microrhéologie différentes sur des cellules identiques. Il est alors trouvé un même exposant β ≈ 0.2 (figure1.15e) entre la fonction de fluage mesurée avec des microplaques et le module viscoélastique mesuré à l’aide d’une pince optique faisant osciller la position d’une bille attachée spécifiquement à l’actine. Ce comportement en loi de puissance est interprété comme un assemblage infini de modèles de Kelvin-Voigt qui confère à la cellule une infinité de temps de relaxation (figure1.15f).

e

f

FIGURE1.15 – Mesure de la fonction de fluage obtenue par étirement uniaxial d’une cellule grâce à des microplaques. Figures a et c : modèle simple (figure c) associant plusieurs ressorts et amor- tisseurs visqueux. La fonction de fluage correspondant à ce modèle est tracée sur la figure a. Le modèle semble s’ajuster parfaitement sur la figure a mais lorsqu’on étudie plus finement le com- portement grâce aux échelles logarithmes (figure d) on voit une déviation aux temps courts (adapté de [26,7]). Figures b et e : ajustement de la fonction de fluage avec une loi de puissance en échelle linéaire (figure b) et en échelle logarithme. On voit que cette fois le comportement de la fonction de fluage est bien décrit à toutes les échelles de temps par une loi de puissance. Figure f : modèle expliquant le comportement en loi de puissance par un assemblage infini en série de modèles de Kelvin-Voigt. (adapté de [26,7]).

Une comparaison plus complète des différences entre les expériences de microrhéolo- gie a été menée par Hoffman et al. [48]. Ils trouvent, en comparant toutes les méthodes

1.3 La microrhéologie de la cellule eucaryote 31

citées précédemment (figures1.13 et 1.14), que les exposants β se regroupent autour de deux intervalles distincts β1∈ [0.24 − 0.29] et β2∈ [0.13 − 0.17]. Ils interprètent cela en re- marquant que toutes les données des sondes intracellulaires peuvent, après renormalisation, se confondre avec une fonction de puissance β1alors que pour la mesure extracellulaire la loi de puissance est β2(figure1.16 gauche). L’exposant β2serait une signature de l’actine corticale qui est un réseau dense sous-membranaire réticulé. L’exposant β1 correspond à une réponse de l’espace intracellulaire qui est plus fluide que l’actine corticale dans la- quelle la réticulation lui confère un comportement plus élastique. En les comparant avec la littérature, Hoffman et al. observent ce comportement pour d’autres techniques de micro- rhéologie sur diverses cellules (figure1.16droite). Enfin pour pouvoir exploiter les mesures de microrhéologie passive et en tirer la valeur du module viscoélastique, ils s’affranchissent des forces biologiques en appauvrissant l’ATP de la cellule. Très peu d’estimations de ces forces biologiques ont été effectuées jusqu’à maintenant, nous proposons dans la partie suivante de présenter ces mesures.

a b –1 ω (rad s–1) 100 101 102 103 104 105 |G * ( ω ) | G 0 –1 |G * ( ω ) | G 0 –1 ω (rad s–1) 100 101 102 103 104 105 10–1 10–2 3/4 3/4 β1 β2 β1 β2

Microrhéologie passive intracellulaire Microrhéologie passive extracellulaire Microrhéologie passive à deux points Magnétocytométrie

Pince optique Pince magnétique

Microscope à force atomique Microplaque

Microplaque Magnétocytométrie (Fluage)Magnétocytométrie

Microrhéologie passive intracellulaire

FIGURE1.16 – Comparaison de la dépendance fréquentielle du module viscoélastique pour diffé- rentes techniques. Le module viscoélastique |G(ω)| peut suivre deux lois de puissance β1 ou β2.

Aux hautes fréquences |G(ω)| ∼ ω0,75est la réponse typique d’un gel de polymères d’actine réticu- lés [73]. Les mesures de microrhéologie passive de la figure a sont faites sur des cellules appauvries en ATP permettant d’enlever les contributions des forces d’origine biologique. (adapté de [46,48]).

1.3.4 État de l’art de la mesure de spectre des forces actives et de la viola-