• Aucun résultat trouvé

I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

I.1 Les passes à poissons à fentes verticales

I.1.1 Comportement hydraulique

De nombreuses études ont été réalisées depuis les années 1980 pour qualifier le fonctionnement hydraulique des passes à poissons à fentes verticales. Une rapide synthèse des principaux travaux effectués est présentée ici. Pour une revue bibliographique plus exhaustive, le lecteur est invité à consulter la thèse de Tarrade (2007).

7 La première étude significative a été publiée par une équipe de l’Université d’Alberta au Canada (Rajaratnam et al., 1986). Elle porte sur l’étude de sept géométries différentes de passes à fentes verticales réalisées sur des modèles dont l’échelle variait de 1/5,33 à 1/18 et le nombre de bassins de 4 à 18. Pour ces sept géométries, la largeur des fentes b à l’échelle 1 est de 0,305 m, la longueur L des bassins est de 3,05 m (L/b=10) et la largeur B est de 2,44 m (B/b=8). Les géométries (design) sont numérotées de 1 à 7 et diffèrent par la forme et la position de la fente et par la forme des déflecteurs (Figure I-1).

Le design 1 est composé de deux déflecteurs décalés dont les faces en regard délimitent la largeur de la fente et forment un angle de 45° par rapport au sens de l’écoulement. Le plus grand déflecteur a une forme rectangulaire et possède une face biseautée pour diriger l’écoulement vers la fente. Le design 2 est identique au design 1, à ceci près que des seuils rectangulaires sont disposés aux pieds des fentes. Les designs 3, 4, 5 et 6 correspondent à des géométries simplifiées de passe à poissons à fentes verticales et le design 7 possède des fentes au milieu des bassins. Rajaratnam et al. (1986) ont fait varier la pente de 5% à 15%, les parois de leur modèle étant parfaitement verticales pour une pente de 10%. Des mesures de vitesses, avec un tube de Prandtl, leur ont permis de montrer que le niveau d’eau à l’aval de la passe a une influence significative sur les profils de vitesses dans les fentes et dans le jet. Des mesures de hauteurs d’eau ont également été effectuées à l’aide de réglets fixés sur les déflecteurs au niveau de l’axe central des bassins. Ces mesures ont été réalisées avec un écoulement uniforme pour lequel les hauteurs d’eau et les hauteurs de chutes sont égales dans chacun des bassins. Sous l’hypothèse de cette condition « idéale » d’écoulement Rajaratnam et al. (1986) ont défini un débit adimensionnel Q* (eq.I-1). La particularité de Q* réside dans le fait qu’il est proportionnel à la hauteur d’eau relative au milieu des bassins 𝑍0/b, avec 𝑍0 la hauteur d’eau à mi-bassin (m) et b la largeur de fente (m).

𝑄 = 𝑄

√𝑔. 𝑠. 𝑏5 = 𝑐.𝑍0

𝑏 + 𝑑 (eq.I-1)

avec 𝑄 le débit de la passe à poissons (m3.s-1), 𝑔 l’accélération de la pesanteur (m.s-2), 𝑠 la pente de la passe à poissons (-), 𝑐 et 𝑑 les coefficients de la fonction linéaire (-).

Figure I-2. Coefficients de débit (Cd) obtenus pour différents designs de bassin et différentes hauteurs d’eau relatives (y0/b0) avec b0 la largeur de fente (Rajaratnam et al., 1986).

Ils ont ensuite déterminé ces coefficients pour chaque design et ont notamment montré qu’ils étaient relativement proches entre les designs 1 (𝑐= 3,77 ; 𝑑= -1,11) et 2 (𝑐= 3,75 ; 𝑑= -3,52). Rajaratnam et al. (1986) ont également calculé le coefficient de débit, initialement proposé par Clay, (1961) (eq.I-2) :

8

𝐶𝑑 = 𝑄

𝑏 (𝑍0+∆ℎ2 − ℎ𝑠) √2𝑔∆ℎ (eq.I-2)

avec 𝑄 le débit de la passe à poissons (m3.s-1), 𝑏 la largeur de fente (m), 𝑍0 la hauteur d’eau à mi-bassin (m), ∆ℎ la hauteur de chute entre les bassins (m), ℎ𝑠 la hauteur du seuil (obstacle positionné aux pieds des fentes) (m), 𝑔 l’accélération de la pesanteur (m.s-2).

Le coefficient de débit Cd est tracé en fonction de la hauteur d’eau à mi-bassin (défini par Y0/b0 par Rajaratnam et al. (1986)) sur la figure I-2. Le Cd varie de 0,3 à 0,8 pour tous les designs sauf le 4 pour lequel le jet passe directement d’une fente à l’autre (court-circuit) et dont les valeurs sont supérieures à 1. Pour les designs 1, 2 et 6, le Cd varie de 0,6 à 0,8.

Figure I-3. Géométries des bassins étudiées (designs 8 à 18), avec b0 la largeur de fente (Rajaratnam et al., 1992). Rajaratnam et al. (1992) ont poursuivi leurs investigations sur les performances hydrauliques des passes à fentes verticales, notamment en étudiant l’influence de la largeur et de la longueur des bassins sur les hauteurs d’eau (Z0/b), les débits adimensionnés Q* et les coefficients de débit Cd

(Rajaratnam et al., 1992). Ils ont défini 11 nouveaux designs (Figure I-3). Les designs 8 à13 ont des parois décalées et présentent des dimensions de bassins dont la largeur (B) a varié de B=2b à

9 position du déflecteur (de forme simple) sur la plus grande paroi. Les deux derniers designs (17 et 18) ont des déflecteurs de formes plus complexes.

Une équipe Finlandaise a également travaillé sur plusieurs types de passes à poissons et s’est appuyée sur les travaux de Rajaratnam et al. (1992) pour proposer une nouvelle manière d’adimensionner le débit qui prend en compte la longueur L des bassins. La nouvelle formulation de ce débit adimensionné leur a permis d’obtenir une régression en puissance en fonction de Z0/L qui est commune à tous les modèles de passes à poissons (Kamula, 2001) (eq.I-3).

𝑄∗∗ = 𝑄

√𝑔. 𝑠. 𝑏2. 𝐿3 = 0,84. (𝑍0 𝐿)

0,89

(eq.I-3) Un débit adimensionné QA, proposé par une équipe espagnole (Puertas et al., 2004) de l’Université de la Corogne, permet d’évaluer les performances des passes à fentes verticales quelle que soit la pente (eq.I-4).

𝑄𝐴 = 𝑄

√𝑔. 𝑏5 (eq.I-4)

Puertas et al. (2004) se sont focalisés sur les designs 6 et 16 de Rajaratnam et al. (1992) et ont confirmé la relation linéaire entre Q* et Z0/b.

À partir de cet état de l’art sur l’étude des relations existantes entre le débit et la hauteur d’eau à mi-bassin, Tarrade (2007) a proposé un nouvel adimensionnement (Q*’) faisant intervenir le coefficient de débit. Pour cela, il s’est basé sur les mesures de hauteur d’eau qu’il a effectuées avec des réglets positionnés sur l’axe central des bassins du modèle de passe à poissons à fentes verticales (échelle 1/4) de l’Institut P’ (Université de Poitiers – CNRS). Il a ainsi calculé les coefficients de débit pour différentes configurations, en faisant varier la pente (s=5, 10 et 15%), la largeur des bassins (B/b=5,67 ; 6,67 ; 7,67 et 9) et le débit (𝑄𝐴=3,8 ; 4,8 et 5,6).

Pour obtenir Q*’, il a divisé le débit Q par la vitesse maximale théorique définie par 𝑉𝑑 = √2𝑔𝐿𝑠 (m.s-1) et par le carré de la largeur de fente b² (m²) (eq.I-5). En remarquant que le coefficient de débit augmentait quand la largeur des bassins diminuait, il a établi une relation non linéaire entre Q*’ et Z0/b en faisant intervenir B/b :

𝑄∗′ = 𝑄 𝑉𝑑. 𝑏²= 1,245. ( 𝐵 𝑏) −0,178 .𝑍0 𝑏 (eq.I-5)

Bermùdez et al. (2010) se sont intéressés aux coefficients de débit dans des bassins de longueurs et largeurs différentes d’une passe à poissons à fentes verticales sans déflecteur central (Figure I-4). Les auteurs ont effectué des mesures dans un canal expérimental en acier inoxydable de 7 m de long, 0,3 m de large et 0,35 m de haut et incliné avec une pente s=5%. Des parois amovibles leur ont permis de faire varier la largeur de la fente ainsi que la longueur des bassins, leur permettant de créer ainsi 16 géométries différentes (Figure I-5).

Figure I-4. Vue globale de la géométrie des bassins (Bermùdez et al., 2010).

Bermùdez et al. (2010) ont mesuré les hauteurs au milieu de chaque bassin avec des sondes de hauteur DHI 202 et la topologie de l’écoulement à partir de l’observation de traceurs via une acquisition vidéo.

10

Figure I-5. Dimensions géométriques des bassins testées, avec b la largeur de la fente, B et L respectivement la

largeur et la longueur d’un bassin et N le nombre de bassins (Bermùdez et al., 2010).

À partir des mesures de hauteurs d’eau expérimentales et numériques, les auteurs ont montré que la longueur des bassins était le facteur qui influençait le plus le coefficient de débit, par rapport à la largeur de la fente et la largeur des bassins (Figure I-6). Une comparaison des résultats numériques et expérimentaux leur a également permis de conclure que la simulation 2D « depth average » avec un modèle de turbulence k-ε était adaptée à la modélisation de l’écoulement dans ce type de passe à poissons.

Figure I-6. Courbes de débit adimensionné en fonction des 16 géométries de bassins. Les résultats numériques

incluent les pentes s=5% et 10% (Bermùdez et al., 2010).

Plus récemment, une équipe espagnole de l’université de Valladolid a modélisé les performances des passes à poissons à fentes verticales sous des conditions d’écoulement uniforme et non-uniforme. Fuentes-Pérez et al. (2014) ont effectué des mesures de hauteurs d’eau dans les bassins de deux passes à poissons à fentes verticales (à l’échelle réelle) sujettes à des conditions hydrauliques différentes dans le but de valider leur modélisation. Ces passes sont situées en Espagne sur la Duero River. Ils ont étudié une succession de 27 fentes sur la première (VSF-1) et 12 sur la deuxième (VSF-2). La largeur de fente pour les deux passes est de b=0,2 m, la longueur moyenne des bassins est de L=2,1 m (L/b≈10) et la largeur B=1,6 m (B/b=8). La pente de VSF-1 est de s=6,2 % et celle de VSF-2 de 8,2 %. La mesure du débit a été effectuée par une technique de jaugeage par dilution de Rhodamine et celle des hauteurs d’eau à l’aide de jauges graduées, positionnées sur l’axe central des bassins. Les entrées de ces passes étant équipées de batardeaux (nécessaires pour leur maintenance), Fuentes-Pérez et al. (2014) les ont utilisés pour faire varier le débit et simuler différentes conditions hydrauliques.

Aucune des formules habituellement utilisées pour déterminer le débit transitant dans les passes à poissons ne prend en compte les variations du niveau de l’eau à l’aval de l’ouvrage. D’autre

11 part, certaines d’entre elles utilisent des coefficients dont la valeur dépend implicitement de la position relative des niveaux d’eau (amont et aval).

Fuentes-Pérez et al. (2014) ont proposé une méthode pour évaluer les coefficients des deux relations suivantes, souvent utilisées pour prédire le débit transitant dans les passes à poissons :

- la relation donnant le débit à travers un déversoir dénoyé (eq.I-6) :

avec 𝑄 le débit (m3.s-1), b la largeur de l’échancrure ou de la fente (m), ℎ1le niveau d’eau amont (m), 𝑔 l’accélération de la pesanteur et 𝜉 un coefficient de débit.

- la relation donnant le débit à travers une fente verticale (eq.I-2) (Clay, 1961; Larinier et

al., 1998; Wang et al., 2010) dans laquelle le coefficient de débit Cd dépend de la forme

des déflecteurs et de la configuration de la passe à poissons.

Fuentes-Pérez et al. (2014) ont déterminé la valeur des coefficients 𝜉, 𝐶𝑑 à partir de l’équation proposée par Villemonte (1947) donnant le coefficient de débit d’un déversoir en régime noyé par l’aval (eq.I-7) :

avec 𝑍0 et 𝑍 respectivement les hauteurs d’eau amont et aval (m), 𝛼0 et 𝛼1 (-) les coefficients dépendant de la géométrie des bassins.

À partir des mesures de débits et de hauteurs issues de leur propres mesures et de celles issues de la littérature, ils ont pu déduire les coefficients 𝜉 et 𝐶𝑑. Ils ont ensuite utilisé ces données pour déterminer les coefficients 𝛼0 et 𝛼1 de l’équation (eq.I-7) par la méthode des moindres carrés (Figure I-7).

Ils ont développé un algorithme itératif qui leur a permis de simuler les lignes d’eau en prenant en compte les caractéristiques de chaque fente. Fuentes-Pérez et al. (2014) ont comparé les hauteurs dans chacun des bassins ainsi que les hauteurs de chute obtenues par les équations (eq.I-6) et (eq.I-2) ajustées avec le coefficient de débit C (eq.I-7), avec leurs mesures expérimentales (Figure I-8).

𝑄 =2 3. 𝜉. 𝑏. ℎ1 1,5. √2. 𝑔 (eq.I-6) 𝐶 = 𝛼0[1 − (𝑍 𝑍0) 1,5 ] 𝛼1 (eq.I-7)

Figure I-7. Régressions de l’équation (eq.I-7) sur les coefficients des équations (eq.I-6) et (eq.I-2) et régression

linéaire sur Q* à partir de la Hell’s Gate avec ℎ1= 𝑍0 , ℎ2= 𝑍 , 𝐶1= 𝜉, 𝐶2=𝐶𝑑 et 𝛽1=𝑐 : (a) régression sur 𝜉 ; (b) régression sur 𝐶𝑑 ; (c) régression sur Q* (Fuentes-Pérez et al., 2014).

12

Figure I-8. Hauteurs de chute (a) et hauteurs d’eau à mi-bassin (b) observées expérimentalement et prédites par

l’algorithme sur la passe VSF-1 (Fuentes-Pérez et al., 2014).