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Compléments théoriques de l’analyse des pratiques de RSE

ANALYSE DES PRATIQUES DE RSE

3.1.2. Compléments théoriques de l’analyse des pratiques de RSE

L’étape qui consacre les moyens accordés aux pratiques de RSE apparaît trop exhaustive pour être traitée en l’état. Nous nous référons à différentes approches théoriques complémentaires permettant d’enrichir l’analyse des pratiques de RSE. Toutes ont un ancrage stratégique et une finalité instrumentale forte et renforcent les choix méthodologiques que nous avons empruntés au champ du management stratégique pour établir notre cadre. Nous détaillons donc trois apports théoriques complémentaires en montrant pour chacun d’entre eux leurs attaches prononcées dans le champ du management stratégique. Le premier courant

théorique mis à l’honneur, consubstantiel à la naissance du concept de RSE, est la TPP

(3.1.2.1), pour laquelle nous avons déjà dressé, au premier chapitre, les lignes directrices et affirmé son rôle clé dans la littérature managériale sur la RSE. La seconde théorie mobilisée est la théorie des ressources et des compétences (3.1.2.2) qui représente un courant de plus en plus utilisé pour amender le concept de RSE (Branco & Rodrigues, 2006). Enfin, les outils de gestion (3.1.2.3), dont le développement dans le champ de la RSE est depuis quelques années avéré, permettent de mettre en relation les parties prenantes et les ressources mobilisées à la réalisation de pratiques de RSE. En associant ces trois approches théoriques, nous introduisons les moyens accordés aux pratiques de RSE comme une combinaison de ressources affectées aux parties prenantes de l’organisation via les nombreux outils de gestion de la RSE (3.1.2.4).

3.1.2.1.L’ANCRAGE STRATEGIQUE DE LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES

Il ne s’agit pas ici de présenter à nouveau le concept de parties prenantes pour lequel nous avons déjà exposé le périmètre et le contexte d’émergence. Nous appréhendons ce courant comme une théorie instrumentale au service du management stratégique des organisations. Depuis l’ouvrage séminal de Freeman (1984), de nombreuses contributions établissent un lien étroit entre la TPP et le management stratégique (3.1.2.1.1). Des différentes approches consacrées à cette théorie, les visions descriptive et instrumentale (3.1.2.1.2) permettent un rapprochement avec le management stratégique de la RSE. D’après ces visions, la TPP constitue un outil au service de l’analyse stratégique (Mercier, 2001).

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3.1.2.1.1. Théorie des parties prenantes et management stratégique

Si, dès leurs débuts, les parties prenantes sont envisagées comme des groupes clés indispensables à la survie de l’entreprise, la multiplication des responsabilités auxquelles doivent faire face l’entreprise dans le management de ses parties prenantes, délaie les objectifs organisationnels de la structure et constitue plus une contrainte à gérer qu’une réelle opportunité. Ce n’est donc qu’à partir des années 1980 que le management des parties prenantes émerge dans la littérature stratégique. Comme en témoigne le titre de son ouvrage intitulé « Strategic management: a stakeholder approach », Freeman (1984) établit clairement un lien de proximité entre management stratégique et TPP. Depuis la parution de cet ouvrage, beaucoup de travaux anglo-saxons ont développé des approches centrées sur les parties prenantes en management stratégique notamment les ouvrages de Carroll (1989) et de Carroll & Buchholtz (2000), mais également des articles couramment cités dans le courant de la TPP (Donaldson & Preston, 1995 ; Jones & Wicks, 1999 ; Mitchell, Agle & Wood, 1997).

Plus récemment, des contributions d’auteurs français ont entrepris de développer cette même approche en délimitant les apports de la TPP au management stratégique (Aggeri & Acquier, 2005 ; Gond & Mercier, 2004) ou en l’utilisant comme théorie d’instrumentation du

management stratégique des organisations (Acquier, 2007a). En 2005, lors de la 14ème

conférence organisée par l’Association Internationale de Management Stratégique (AIMS), était organisée une table ronde intitulée « la théorie des parties prenantes au centre du management stratégique. Vers un programme de recherche ». Celle-ci avait pour but de prolonger les développements récents de la TPP dans une voie de management stratégique en s’appuyant notamment sur l’hypothèse de Martinet et Reynaud (2001). Selon cette dernière, le noyau stratégique d’une entreprise ne peut se contenter d’une « shareholder theory » qui consisterait à ne satisfaire uniquement les attentes des actionnaires, mais doit prendre en compte les attentes de l’ensemble des parties prenantes qui participent à la détermination des choix stratégiques de l’entreprise. Ces deux auteurs rappellent ainsi que la TPP permet de proposer un cadre intégrateur au management stratégique en associant les conceptions basées sur la théorie de l’agence à celle des stratégies concurrentielles développées par Porter (2003).

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3.1.2.1.2. Les approches descriptive et instrumentale

Parmi les approches descriptive, instrumentale et normative de la TPP mises en évidence par Donaldson et Preston (1995), la première et la seconde établissent un lien fort avec le management stratégique des organisations. A ce titre, les deux approches sont souvent mobilisées de façon jointe (Gond & Mercier, 2004) ; l’approche descriptive servant de support à l’approche instrumentale.

Selon l’approche descriptive, l’entreprise est perçue comme une constellation d’intérêts autour de laquelle évoluent de nombreuses parties prenantes. Dans ce cadre, l’approche descriptive « reflète et explique les situations existantes passées, présentes et futures entre l’entreprise et ses parties prenantes » (Donaldson & Preston, 1995, p. 71). Elle permet de rendre compte des liens entretenus par l’entreprise vis-à-vis de son environnement ; certains travaux précisant, en plus, la nature des parties prenantes (Clarkson, 1995 ; Mitchell, Agle & Wood, 1997). L’approche descriptive permet d’identifier les parties prenantes et les enjeux qu’elles détiennent sur l’entreprise ou que l’entreprise détient sur elles. Cette étape est préalable à la tentative d’instrumentalisation des parties prenantes à des fins stratégiques pour l’entreprise. Ce processus est appréhendé dans l’approche instrumentale des parties prenantes.

Selon l’approche instrumentale, la TPP vise à « identifier les connections, ou le manque de connections, entre le management des parties prenantes et la poursuite des objectifs traditionnels d’entreprise » (Donaldson & Preston, 1995, p. 71). Cette approche est intimement liée au management stratégique de l’entreprise dans la mesure où l’entreprise qui répond aux attentes de ses parties prenantes aura d’autant plus de chances d’en tirer profit que ce soit en termes de profitabilité ou de pérennité. Développée initialement par Jones (1995), l’approche instrumentale met en avant l’idée que « les managers se comportent comme si plusieurs groupes de parties prenantes, et pas uniquement les actionnaires, affectent la performance de l’entreprise » (Andrioff & Waddock, 2002, p. 33). Le concept d’efficience se situe au centre des travaux développés dans ce courant. Cela a favorisé le rapprochement de la TPP avec les théories contractuelles des organisations comme la théorie de l’agence (Jensen & Meckling, 1976) ou encore la théorie des coûts de transactions (Williamson, 1985). Hill et Jones (1992) ont par exemple pris le pari d’associer le concept de parties prenantes à la théorie de l’agence créant ainsi une « stakeholder-agency theory » visant à rapprocher les sphères managériales et partenariales et dépassant ainsi le clivage traditionnel entre l’intérêt

188 des managers et ceux des parties prenantes, supposés divergents. De même, dans une perspective théorique contractuelle de l’entreprise, Freeman et Evan (1990, p. 352) affirment que « les managers administrent des contrats parmi les employés, les propriétaires, les fournisseurs, les clients, et la communauté. Parce que chacun de ces groupes peut investir des actifs dans des transactions qui affectent les autres groupes, des méthodes de résolution ou de protection de conflits doivent être trouvées ». Ces différentes contributions mettent en exergue la nécessité d’instrumentaliser les parties prenantes à des fins stratégiques visant l’amélioration de la performance économique, financière et/ou organisationnelle de l’entreprise.

3.1.2.2.LA THEORIE DES RESSOURCES ET DES COMPETENCES

Les travaux de recherche tentant de lier la théorie des ressources et des compétences au concept de RSE (Branco & Rodrigues, 2006 ; Litz, 1996 ; Liu & Ko, 2011 ; McWilliams & Siegel, 2001 ; McWilliams & Siegel, 2011) démontrent qu’il existe un intérêt stratégique pour les entreprises à investir le domaine de la RSE. D’après ce courant théorique, le développement des pratiques de RSE dépend principalement des ressources que les organisations ont à leur disposition et de la manière dont elles les mobilisent. La théorie des ressources et des compétences, dont la naissance dans les années 1950 est concomitante à celle du management stratégique (3.1.2.2.1), explique la performance des organisations et plus particulièrement des entreprises par la possession d’actifs stratégiques. Chaque organisation détient, en effet, un ensemble d’actifs comprenant des ressources mais également des compétences (3.1.2.2.2) qui ont été l’objet de diverses typologies opérées par les auteurs de ce courant (3.1.2.2.3). Enfin, nous montrons que cette approche est complémentaire à la TPP, à laquelle nous venons de faire allusion précédemment, et qu’elle constitue, à ce titre, une théorie complémentaire à l’étude du concept de RSE (3.1.2.2.4).

3.1.2.2.1. Resource-based view et management stratégique

La théorie des ressources et des compétences ou resource-based-view (RBV), dont les origines contemporaines remontent à la parution de l’ouvrage de Penrose (1959), tire ses origines dans le domaine du management stratégique et prend corps dans la tentative d’explication de la performance des entreprises (Barney, 1991 ; Wernerfelt, 1984). La plupart

189 des contributions du courant RBV sont liées aux notions de croissance et de profitabilité. L’émergence des postulats de la RBV est analogue à celle des grands principes issus du management stratégique des organisations. Toutefois, la RBV renverse des postulats importants du courant du management stratégique. L’entreprise n’est, en effet, plus appréhendée uniquement comme une série de couples produits-marchés (Ansoff, 1965) ou comme un ensemble d’activités liées au sein d’une chaîne de valeur (Porter, 2003), mais elle est définie « à partir de ce qu’elle sait faire » (Grant, 1991, p. 116). Cette approche suggère donc de considérer l’entreprise comme un pool de ressources (Hodgson, 1998) permettant d’expliquer l’émergence d’avantages concurrentiels durables vis-à-vis de ses concurrents (Barney, 1991). Enfin, si la RBV tente de rendre compréhensible les stratégies d’intention de l’entreprise, lesquelles sont apparues durant les années 1980 « en réaction au déterminisme de l’industrie propre à l’approche classique » (Saïas & Métais, 2001, p. 198), certains auteurs vont jusqu’à attribuer à ce courant théorique une puissance explicative forte du comportement des entreprises (Conner & Prahalad, 1996).

En se focalisant sur l’analyse interne des organisations, la RBV reprend ainsi une partie du modèle SWOT qui demeure l’un des modèles les plus développés et encore l’un des plus couramment enseignés en stratégie des organisations. D’après Barney (1991), les entreprises tentent, à travers la mise en œuvre de stratégies, d’user de leurs forces et de combler leurs faiblesses en interne en exploitant les opportunités et en évitant les menaces existantes dans leurs environnements externes. Contrairement aux théories traditionnelles du management stratégique qui expliquent l’apparition d’avantages concurrentiels par la position dominante occupée par les entreprises sur des marchés spécifiques, la RBV pose l’hypothèse que la survie et la croissance des entreprises résident dans la valorisation de ses ressources et compétences. Autrement dit, en termes économiques, alors que l’économie industrielle met l’accent sur l’exploitation de rentes monopolistiques, la théorie de la ressource propose qu’il est plus attrayant pour la firme de bénéficier de rentes ricardiennes (Tywoniak, 1998). Dernièrement, des travaux du courant RBV se sont attachés à analyser le management et l’orchestration des ressources d’une entreprise (Sirmon, Hitt, Ireland & Gilbert, 2011) offrant ainsi une extension théorique prometteuse à ce courant en termes de perspectives de recherches.

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3.1.2.2.2. Ressources et compétences des organisations

Mobiliser la théorie des ressources et des compétences suppose de connaître les différentes définitions associées à chacun de ces deux termes. Certains auteurs notent que le courant RBV a généré une multitude de termes différents pour qualifier les ressources et compétences d’une entreprise traduisant les différentes approches de ce courant (Branco & Rodrigues, 2006).

La notion de ressources a été la première à être définie dans la littérature du courant RBV. Wernerfelt (1984, p. 172) définit les ressources comme étant « des actifs (tangibles ou intangibles) qui sont liés de façon quasi-permanente à l’entreprise » et en donne des exemples concrets (noms de marques, technologie et savoir-faire interne, recrutement d’un personnel qualifié…). La définition offerte par Barney (1991, p. 101) relie directement la stratégie d’une entreprise à ses ressources qui « incluent tous les actifs, les compétences, les process organisationnels, l’information, le savoir… contrôlés par une entreprise lui permettant de concevoir et d’implémenter des stratégies qui améliore son efficience et son efficacité ». Par efficience et efficacité, cet auteur sous-entend la possibilité pour une entreprise de créer un avantage compétitif. Celui-ci peut même être durable (sustained competitive advantage) si les ressources sur lesquelles s’appuient l’entreprise sont de valeur, rares, inimitables et organisables (difficilement substituables). La valeur d’une ressource renvoie à sa capacité d’exploiter les opportunités et de neutraliser les menaces dans l’environnement de l’entreprise, alors que sa rareté se mesure par rapport à la difficulté de se procurer cette ressource dans l’environnement concurrentiel. De même, plus une ressource est difficile à imiter et plus il est difficile de la remplacer par une autre, plus l’avantage créé par son implémentation dans la stratégie de l’entreprise est durable. Les caractères VRIO, en référence aux initiales de chacun des termes (valeur, rare, inimitable et organisable), constituent un modèle largement mis en avant par les auteurs du courant RBV. De ces quatre critères, le caractère inimitable des ressources a largement été décrit ; Barney (1991) démontrant que les ressources sont d’autant plus difficiles à répliquer si ces dernières ont une longue histoire dans l’organisation, si les leviers stratégiques permettant de rassembler les ressources sont peu connus et si l’exploitation de certaines ressources est encastrée dans des relations organisationnelles complexes comme la culture d’entreprise ou les relations interpersonnelles au sein de l’organisation.

191 Alors que les premiers auteurs de la RBV se sont restreints à décrire les ressources des organisations, des auteurs précurseurs au début des années 1990 ont consacré le terme « compétences » de façon complémentaire à celui de « ressources ». Ces avancées ont été favorisées par les nombreuses critiques adressées à l’encontre de la RBV dès le début des années 1990 mettant en exergue le côté circulaire et tautologique de ce courant (Porter, 1991 ; Priem & Butler, 2001). De fait, l’utilisation du terme de compétences traduit l’adoption d’une vision évolutive de la théorie des ressources en réponse aux critiques portant sur le critère jugé figé des postulats du courant RBV. Grant (1991, p. 119) définit les compétences (capabilities) d’une organisation comme « la capacité d’un ensemble de ressources à réaliser une tâche ou une activité ». D’autres auteurs préfèrent la notion de « competencies » à celle de « capabilities » sans toutefois qu’une distinction forte ne transparaisse entre ces deux termes. Prahalad et Hamel (1990, p. 82) définissent ainsi la notion de « core competencies » désignant les compétences clés sur lesquelles reposent les organisations, qui qualifient « l’apprentissage collectif d’une organisation, et plus spécifiquement la façon dont sont coordonnés les divers savoir-faire productifs et intégrées les multiples séries de technologies ». L’introduction des compétences dans la littérature managériale a ainsi permis de développer des modèles plus dynamiques au sein du courant RBV, introduisant au passage des passerelles avec d’autres courants hétérodoxes en théorie des organisations telles que les théories économiques évolutionnistes de l’entreprise. A ce titre, certains auteurs consacrent les termes de « compétences dynamiques » (Teece, Pisano & Shuen, 1997) et de « routines » (Grant, 1991, p. 122). Qu’il s’agisse de ressources ou de compétences, chacun de ces actifs stratégiques a fait l’objet de tentatives de classification de la part des auteurs du courant RBV. Nous passons, à présent, en revue les principales typologies et décrivons, pour chacune d’entre elles, les catégories de ressources retenues.

3.1.2.2.3. Les différentes catégories de ressources

L’établissement de typologies de ressources auxquelles ont recours les entreprises dans leurs stratégies de développement est couramment effectué dans l’approche RBV. Dans un des articles fondateurs de ce courant, Wernerfelt (1984, p. 172) rend compte, parmi une série de propositions, celle visant à « identifier des types de ressources qui peuvent mener à de forts profits ». Cet auteur distingue, par la suite, différents types de ressources mobilisées par les firmes permettant d’ériger des barrières à l’entrée des marchés et de créer un avantage concurrentiel. Parmi ces ressources stratégiques, Wernerfelt (1984) relève les capacités de

192 production, la fidélité des consommateurs, l’expérience acquise dans le domaine de la production et les avancées technologiques. Prolongeant la pensée de cet auteur, Barney (1991, p. 101) distingue trois catégories de ressources :

- le capital physique incluant la technologie employée et les bâtiments possédés par

l’entreprise, sa localisation géographique et son accès aux matières premières ;

- le capital humain incluant la formation, l’expérience, le jugement, l’intelligence, le

relationnel, l’intuition des managers et des travailleurs ;

- le capital organisationnel incluant les structures d’informations, son organisation

formelle et informelle, les systèmes de contrôle et de coordination et les différentes relations informelles entretenues par l’entreprise vis-à-vis de son environnement.

Dans sa propre typologie, Grant (1991) extrait du capital physique les ressources financières et technologiques et y ajoute la réputation comme un actif supplémentaire de différenciation stratégique entre les entreprises. Ce nouveau découpage porte à six les catégories de ressources de l’entreprise (financières, physiques, humaines, technologiques, de réputation et organisationnelles). Dans une volonté de synthétiser les différents travaux du courant RBV et d’intégrer les compétences aux ressources stratégiques des organisations, certains auteurs comme Galbreath (2005) ont opéré une distinction entre d’un côté, les ressources tangibles regroupant les actifs financiers et physiques de l’entreprise ; et de l’autre côté, les ressources intangibles regroupant, en premier lieu, les droits de propriété, les actifs organisationnels et les actifs dits de réputation et, en second lieu, les compétences de l’organisation à assembler ces différentes ressources dans le but de créer un avantage concurrentiel sur les autres entreprises.

3.1.2.2.4. Resource-based view, théorie des parties prenantes et RSE

Les approches RBV ont été appliquées récemment au champ du développement durable (Acquier, 2008). Depuis le début des années 2000, la RSE est souvent présentée

comme un nouveau business model91 vertueux dans lequel les entreprises ont intérêt à investir

une part de leurs ressources afin que ces dernières contribuent, à leur tour, à développer de nouvelles ressources et compétences qui renforcent, notamment, le savoir-faire et la culture d’entreprise (Branco & Rodrigues, 2006). De plus, la connexion forte entre la RBV et celle

91 Nous empruntons à Lépineux et al. (2010, p. 162) la définition du business model. Selon ces auteurs, le

business model se caractérise par quatre composantes spécifiques à chaque entreprise : un segment de marché

193 des parties prenantes conforte l’idée selon laquelle la première des deux théories citées constitue un complément théorique fort à la phase de mise en œuvre des pratiques de RSE au sein des organisations.

La RBV présente d’importants points de contact avec la TPP présentée précédemment. En effet, parmi les travaux du courant de la TPP, la plupart comme ceux de Mitchell, Agle et Wood (1997), Frooman (1999), Hillman et Keim (2001) se basent sur la théorie de la dépendance envers les ressources (Pfeffer & Salancik, 1978) pour expliquer l’intérêt porté par les managers aux attentes des parties prenantes les plus influentes. Selon cette perspective, les dirigeants d’organisations ont d’autant plus intérêt à prendre en compte les attentes des parties prenantes qui détiennent des ressources stratégiques vis-à-vis de l’organisation. La théorie de la dépendance envers les ressources constitue pour le courant de la TPP « un ancrage théorique incontournable » (Gond & Mercier, 2004, p. 382). D’après ce courant, les parties prenantes sont appréhendées comme des acteurs stratégiques de l’environnement des organisations qui « apportent des ressources critiques, placent quelque chose de valeur en jeu et ont suffisamment de pouvoir pour affecter la performance de l’entreprise » (Kochan & Rubinstein, 2000, p. 373).

Les récents travaux de la littérature mêlant RSE et RBV ont, toutefois, tenté de dépasser la vision réductrice de la théorie de la dépendance envers les ressources selon laquelle les parties prenantes externes s’approprient, en fonction de leur pouvoir, les ressources de l’organisation. D’après cette nouvelle perspective, « chaque entreprise peut être appréhendée comme une somme unique de ressources et de compétences développées au fil du temps avec toutes ses parties prenantes » (Branco & Rodrigues, 2006, p. 117). En 2001, dix ans après la parution de son article, Barney, Wright et Ketchen (2001) reconnaissaient que