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Complémentarité des approches

CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTERATURE

3. DISCUSSION

3.2 Complémentarité des approches

La cinquième colonne du tableau 3 peut facilement être rapprochée des cinq variables proposées par

Chrisman, Bauerschmidt & Hofer (1999) lors de la présentation des approches contingentes, à savoir :

l’entrepreneur, la stratégie, les ressources, la structure organisationnelle et l’environnement. Ainsi,

au-delà de débats terminologiques et de variations du niveau de précision lors de leur opérationnalisation,

nous pouvons affirmer que la liste des variables, ou plutôt les grands agrégats, nécessaires pour

analyser la croissance est bien définie. Malheureusement, force est de constater que l’origine théorique

de leur mobilisation est fréquemment perdue de vue ou réduite à des explications trop simples ne se

fondant que sur une seule approche. Pour y remédier, la figure 1 synthétise les liens entre les grands

agrégats et les différents courants de recherche déjà analysés.

Tableau 3 – Comparaison des différentes approches

Courants Approches Auteurs

représentatifs

Apports de la théorie de base Variables utilisées pour expliquer la croissance Principales limites Courant volontariste Approches centrées sur l’individu McClelland ; Brockhaus ; Gartner ; Davidsson.

Importance des caractéristiques et des motivations de l’entrepreneur dans la décision de poursuivre ou non une stratégie de croissance.

Caractéristiques personnelles de l’entrepreneur. Comportement de l’entrepreneur.

Volonté de grandir.

Approche monomaniaque.

Résultats assez contradictoires des différentes études.

Approches stratégiques

Ansoff; Miles & Snow ; Porter ; Bidhé ; Roberts.

Identification de stratégies génériques. Notion de stratégie entrepreneuriale.

Contenu de la stratégie.

Processus stratégique (planifié ou non). Orientation entrepreneuriale.

Approche monomaniaque.

Absence de lien entre les stratégies génériques (tant sur le contenu que sur le processus) et la croissance effective. Courant basé sur les ressources Théorie de la croissance de Penrose Penrose ; Garnsey.

Rupture avec la théorie néoclassique et mise en avant du facteur humain.

Mise en avant de la notion de ‘services’ développés à partir de ressources.

Objectifs du management. Ressources.

Services entrepreneuriaux et managériaux. Temps.

Pas spécifique aux jeunes entreprises. Dépassé sur quelques aspects.

Contribution essentiellement conceptuelle et difficile à opérationnaliser.

Approches basées sur les ressources

Wernerfelt ; Hamel & Prahalad ; Wiklund.

Clarification des éléments nécessaires à la croissance et de leur combinaison/transformation au fil du temps.

Ressources financières, humaines, technologiques, …

Capacités dynamiques.

Hétérogénéité des mesures utilisées pour caractériser les ressources.

Capacités dynamiques peu définies. Pas de prise en compte de l’environnement. Courant

déterministe

Les modèles de cycle de vie

Greiner ; Churchill & Lewis.

Articulation dynamique de plusieurs variables pour expliquer la croissance.

Prise en compte explicite de la structure organisationnelle. Discontinuité de la croissance. Rôle de l’entrepreneur. Structure organisationnelle. Ressources nécessaires. Temps / Age. Taille.

Faible prise en compte de variables externes. Explication essentiellement liée à une analogie avec la biologie.

Suppose un développement identique pour toutes les entreprises.

Ecologie des populations

Hannan & Freeman. Prise en compte explicite de l’impact de l’environnement.

Etat de l’environnement.

Caractéristiques de la population d’entreprises.

Approche essentiellement conceptuelle. Pertinent au niveau d’une population mais pas au niveau d’une entreprise particulière.

Courant basé sur la cohérence

Modélisations multi-variées

Sandberg & Hofer. Chrisman, Bauerschmidt & Hofer

Prise en compte simultanée de plusieurs facteurs. Mise en avant de l’effet modérateur de l’environnement et/ou des caractéristiques de l’entreprise.

Potentiellement toutes les variables citées dans les autres approches mais rarement toutes à la fois ;

Hétérogénéité des modèles utilisés. Modèles souvent incomplets

Approches normatives intégrées

Naman & Slevin Baum, Locke & Smith

Analyse conjointe de plusieurs éléments. Recherche d’une loi universelle.

Potentiellement toutes les variables citées dans les autres approches.

Essentiellement lié à une approche incrémentale du changement. Approches configuration-nelles Mintzberg ; Miller ; Bruyat.

Analyse conjointe de plusieurs éléments.

Nécessité de distinguer des situations bien distinctes. Discontinuité de la croissance.

Idem supra. Difficulté d’identifier les configurations.

Essentiellement lié à une approche disruptive du changement.

Figure 1 – Origine théorique des agrégats utilisés pour expliquer la croissance Approches par la cohérence Modèles de ‘cycle de vie’ Ecologie des popula tions Approche par les ressources Gestion stratégique Approche par les

traits Stratégie Structure organisationnelle Entrepreneur Environnement Ressources Penrose

Afin de faire ressortir les premières complémentarités entre les différentes approches pour expliquer

l’importance de chaque agrégat, nous avons respecté une certaine logique chronologique dans la

section 2. Le tableau 4 approfondit et systématise l’analyse. Dans ce tableau à double entrée, les

numéros indiqués à chaque intersection correspondent aux commentaires des complémentarités que

nous développons dans la suite de cette section.

Tableau 4 - Complémentarité entre les approches

De \ A P en ro se In d iv id u s C y cl e d e v ie G es ti o n st ra té g iq u e R es so u rc es E co lo g ie d es p o p u la ti o n s C o h ér en ce Penrose 1 1 1 Individus 4 2 3 8 Cycle de vie 4 4 8/9 Gestion stratégique 5 6 7 Ressources 8

Ecologie des populations 7

Ainsi, case par case, nous pouvons brièvement mettre en avant les complémentarités suivantes :

1. La contribution de Penrose est intéressante à plusieurs titres. Non seulement, elle marque une

rupture nette avec la théorie classique de la firme mais elle introduit très clairement

l’importance du facteur humain et des services entrepreneuriaux qui annoncent l’approche par

les traits puis les comportements, l’importance de la formulation d’une stratégie et l’idée que

l’entreprise doit être vue comme une combinaison de ressources.

2. L’approche par les traits débouche sur celle par les comportements qui amène les notions

d’orientation et stratégie entrepreneuriale qui aident à caractériser la stratégie générale de

l’entreprise.

3. L’entrepreneur fait partie des ressources de l’entreprise. De plus, notamment par un processus

d’apprentissage (déjà mis en évidence par Penrose), il est un acteur essentiel dans le

développement des capacités dynamiques.

4. Les approches par le cycle de vie sont la première tentative d’articuler clairement des relations

entre les principales variables internes de la jeune entreprise, généralement le rôle de

l’entrepreneur, la stratégie, les ressources et la structure organisationnelle.

5. Les approches stratégiques débouchent sur les approches par les ressources.

6. Les approches stratégiques supposent essentiellement le caractère dominant et délibéré de la

prise de décision par l’entreprise, l’écologie des populations prend le contre-pied.

7. Les approches par la cohérence proposent de réconcilier les approches stratégiques et l’écologie

des populations.

8. De façon plus générale, toutes les variables caractéristiques de la jeune entreprise peuvent être

intégrées dans les analyses incluant la notion de cohérence.

9. De nombreuses analogies apparaissent entre les phases de développement et les approches

configurationnelles. Néanmoins, ces dernières ajoutent clairement la prise en compte des

variables externes qui fait souvent défaut aux premières et ne présupposent l’existence ni d’une

logique d’évolution, ni d’une trajectoire unique

La conjugaison de la figure 1 et du tableau 4 permet de mieux comprendre pourquoi la majorité des

recherches qui se sont concentrées sur une ou sur un nombre limité de variable(s) a fourni des résultats

insuffisants pour expliquer la croissance. En effet, aucune approche isolée n’apporte une explication

satisfaisante. En d’autres termes, les appels qui se multiplient en faveur d’approches plus intégrées

sont parfaitement légitimes.

Dans ce contexte, notre propos est que nous disposons déjà d’une série d’agrégats et d’explications

théoriques qui, combinés, fournissent une large base de connaissances pour répondre à l’essentiel des

questions relatives au ‘quoi’ et au ‘pourquoi’ de la croissance. Sur ce point, nous rejoignons

pleinement Davidsson, Achtenhagen & Naldi (2005) qui considèrent que la palette d’outils mis à

disposition des chercheurs qui s’intéressent à la croissance est déjà d’une grande richesse et qu’il n’est

sans doute pas nécessaire d’aller plus loin sur ce plan. Néanmoins, notons en passant qu’il est étonnant

de constater à quel point cette panoplie est pratiquement muette quand il s’agit d’en venir au

‘comment’ de la croissance (Gilbert, McDougall & Audretsch, 2006). Il s’agit là d’une illustration

claire des limites des connaissances actuelles.

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