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5.3 Stress oxydant et mucoviscidose

5.3.2 Compartiment intracellulaire

Dans la cellule, la balance redox est principalement régulée par le niveau de glutathion. Le glutathion existe sous forme réduite (GSH) et sous forme oxydée (GSSG). Le GSH est présent en forte concentration dans les fluides extracellulaires, dans les poumons et dans les cellules. La GSH extracellulaire neutralise les radicaux libres produits par les neutrophiles lors de la réponse inflammatoire. Sachant que la protéine CFTR assure aussi le transport de GSH entre les cellules et le milieu extracellulaire, il est raisonnable de penser que le contenu en GSH intracellulaire peut être altéré dans la mucoviscidose [151, 186, 187].

Trois types de SOD ont été décrits chez les mammifères. On trouve la forme cyto-plasmique dont l’activité est dépendante du cuivre (Cu) et du zinc (Zn) (Cu/Zn-SOD, encore appelé SOD1), la forme mitochondriale dont l’activité est dépendante du man-ganèse (Mn) (Mn-SOD ou SOD2) et finalement la forme extracellulaire (ou SOD3) [188]. Ces enzymes sont impliquées dans la diminution du niveau d’anions super-oxydes qui endommagent les cellules lorsqu’ils sont présents à une concentration excessive [189].

Des modifications de l’expression et/ou de l’activité des SOD ont été décrites dans plusieurs pathologies telles que la SLA pour la SOD1 [190, 191], les cardiomyopathies pour la SOD2 [192, 193] et les maladies pulmonaires pour la SOD3 [194, 195]. En effet, la SOD3 est fortement exprimée dans les poumons et est associée à une diminution du recrutement de neutrophiles, ce qui suggèret un rôle important dans la régulation de l’inflammation pulmonaire [188, 196].

Bien qu’il n’y ait aucune preuve directe de l’implication de SOD3 chez les patients mucoviscidosiques, son haut niveau d’expression pulmonaire n’exclut pas qu’elle ait probablement un rôle important à jouer chez ces patients. En outre, les cytokines pro-inflammatoires augmentent l’expression de la SOD3 en culture et dans les modèles animaux qui présentent des lésions pulmonaires [197, 198].

ii Au niveau mitochondrial

Parmi les compartiments cellulaires les plus étudiés dans la mucoviscidose, on re-trouve en première position la mitochondrie qui est la source la plus significative de production des ROS dans la cellule et qui, par conséquent, a fait l’objet de nombreuses études. Ceci a commencé dans les années 1980 lorsqu’une forte consommation mi-tochondriale en oxygène a été observée chez les patients atteints de mucoviscidose en comparaison à des sujets sains [179]. Plus tard, il a été montré que cette forte consommation d’oxygène diminuait après traitement par un inhibiteur spécifique de l’activité de la Na+/K+ATPase, la ouabaïne, suggérant que l’augmentation de consom-mation d’oxygène serait liée à une augmentation de l’activité de l’ATPase même si aucun défaut de cette activité n’a été observé chez les patients [181, 199].

Dans les cellules épithéliales pulmonaires mucoviscidosiques, il a aussi été observé une diminution de l’expression du gène MTND4 qui code pour la protéine ND4 (l’une des sept sous-unités (ND1 à ND7) du complexe mitochondrial I (mtCx-I) [200]) ainsi qu’une diminution du niveau de la SOD2 (MnSOD) et du GSH mitochondrial [183, 184, 201]. Pour la concentration mitochondriale du calcium, des études contradictoires

indiquent que l’on a une augmentation [202, 203] ou une diminution [204] de cette concentration.

Globalement, ces résultats indiquent que les niveaux élevés de ROS mitochondriales et cellulaires sont associés à un état déficitaire en CFTR. Il a été rapporté que la consommation d’oxygène et les activités mitochondriales du complexe I et IV sont altérées dans les cellules mucoviscidosiques, alors que la production de ROS mito-chondrial et la peroxydation des lipides membranaires augmentent. Un traitement par un correcteur de CFTR le VX-809, a partiellement corrigé ces observations (Figure

Figure 5.4:Schéma des altérations mitochondriales et leurs conséquences dans la mucovisci-dose. (d’après [205])

Les effets des ROS sont doubles chez les patients mucoviscidosiques : d’une part, le stress cellulaire induit par les ROS inhibe la maturation de CFTR [206] ; d’autre part, une augmentation de ROS conduit à l’activation des voies de signalisation MAPK [162]. Cette cascade est connue pour réguler l’expression des gènes pro-inflammatoires dans les cellules [207, 208]. Il est donc logique de penser que les ROS sont impliqués dans l’initiation et / ou le maintien de l’inflammation lors d’un déficit en CFTR. En outre, un excès de la production de cytokines pro-inflammatoires peut augmenter la production de ROS [209–211] perpétuant le cercle vicieux de l’inflammation chez les patients mucoviscidosiques.

Une diminution de la concentration du GSH mitochondriale a aussi été observée chez les souris déficientes en CFTR et dans les cellules épithéliales pulmonaires humaines mucoviscidosiques, tout comme un niveau élevé d’oxydation de l’ADN mitochondriale et une diminution de l’activité aconitase ce qui confirme l’existence d’un stress oxydatif de type mitochondrial chez les patients mucoviscidosiques [183] .Comme la GSH est connue pour inhiber la dégradation de IκBα, il est fort probable qu’une faible concentration cellulaire en GSH soit responsable de l’activation de NF-κB et participe ainsi au maintien de l’inflammation [212].

iii Au niveau du réticulum endoplasmique (RE)

L’accumulation de protéines mal repliées dans le RE (cas de la protéine CFTR porteuse de la mutation delF508) induit un stress qui nécessite une prise en charge par ce dernier. C’est le rôle de l’UPR (Unfolded Protein Response) qui se traduit par une triple action : une inhibition de la synthèse protéique afin de limiter la quantité de protéines mal formées dans la lumière du RE, une augmentation de la synthèse de chaperonnes qui aident au repliement des protéines et une augmentation de l’activité et de la synthèse des protéines du système de dégradation (ERAD ; Endoplasmique Reticulum

Associated Degradation), ceci afin que le RE recouvre son homéostasie normale, ce

qui permet d’éviter le déclenchement des mécanismes de l’apoptose. Chez l’homme, trois protéines transmembranaires du RE sont impliquées dans l’UPR ; PERK (Potein

kinase RNA-like Endoplasmic Reticulum Kinase), IRE-1 (Inositol Requiring Enzyme 1) et

ATF6 (Activating Transcription Factor 6). Ce sont leurs interactions avec la chaperonne BiP/GRP78 qui les maintiennent inactives.

iii.1 PERK PERK est une protéine kinase transmembranaire membre de la famille des PEK située dans la membrane du RE. Un stress induit la dimérisation de son domaine N-terminal provoquant l’autophosphorylation de son domaine kinase C-terminal, augmentant ainsi son activité. Suite à cette activation, PERK est capable de fixer et de phosphoryler la sous-unité α du facteur 2 d’initiation de la traduction eIF2 (Eukaryotic Initiation Factor 2) requise dans l’initiation de la traduction. Cela induit son inactivation et donc un blocage rapide de la synthèse protéique globale, réduisant ainsi la quantité de protéines mal repliées dans le RE [213, 214].

iii.2 ATF6 ATF6 est un facteur de transcription membre de la famille des ATF aty-piques car il est synthétisé sous forme d’une protéine transmembranaire intégrée dans le RE. ATF6 fonctionne comme un senseur de stress du RE. Après sa réduction, ATF6 est transporté dans l’appareil de Golgi où il est soumis à une protéolyse par les protéases S1-P et S2-P (Site-1 Protease et Site-2 Protease). Le domaine N-terminal est libéré, se dimérise et migre vers le noyau où il fonctionne comme un facteur de transcription nucléaire classique. À ce niveau, il va se fixer grâce à son domaine bZIP (Basic Leucine Zipper) sur les séquences appelées ERSE (Endoplasmic Reticulum Stress

response Element) des promoteurs de gènes codants pour les chaperonnes du RE. Ces

dernières aident les protéines nouvellement synthétisées à se replier correctement [215–217].

iii.3 IRE-1 IRE1 est une sérine/thréonine kinase qui possède une activité endoribo-nucléase (RNase). Elle possède un domaine kinase N-terminal situé dans la lumière du RE et un domaine ribonucléase C-terminal situé dans le RE. Il existe deux isoformes de IRE-1 : IRE-1α et IRE-1β qui sont codées par deux gènes différents localisés sur le chromosome 17 pour IRE-1α et 16 pour IRE-1β. Elle a été identifiée en 1990 chez

Saccharomyces cerevisiae et il a été observé que son activité est liée à une baisse de

concentration en inositol [218]. Depuis peu il a été montré que IRE-1, à l’aide de son domaine N-terminal, détecte et peut interagir directement dans la lumière du RE avec les protéines mal repliées. Lors d’un stress RE, IRE-1 s’homodimérise, ce qui va conduit à son autophosphorylation et au déclenchement de son activité RNase [219].

Suite à son activation, IRE-1 active de multiples voies de signalisations, telles que la voie JNK, et participe donc à la régulation des processus d’apoptose, soit par l’épissage alternatif du facteur de transcription Xbp-1 (X-box binding protein 1) qui possède un domaine bZIP de liaison aux ERSE, soit par des modifications post-transcriptionnelles de divers substrats. L’activation de la voie de signalisation IRE1/XBP induit l’expression des gènes codants pour des chaperonnes et des protéines de l’ERAD [220]. IRE-1 est aussi capable de dégrader les microARN anti-Casp2 afin d’initier la mort cellulaire, faisant de lui le régulateur de la balance entre l’apoptose et la protection cellulaire, et représente ainsi la protéine clé de la réponse UPR [220] (Figure5.5).

Figure 5.5:Schémas générale de la réponse UPR (d’après [220])

Il a été observé dans des cellules d’épithélium pulmonaire que l’activation de l’UPR par un stress RE est suivie d’une diminution significative du niveau d’ARN messager de CFTR et par une prise en charge par les ERAD réduisant ainsi sa concentration [206]. De plus, un niveau de stress du RE, de l’UPR et de la signalisation MAPK a été observé dans les cellules CF. Cette activation de l’UPR est associée à une hyper-inflammation des cellules mucoviscidosiques qui ne parviennent plus à résoudre le stress ER. Ceci a pour conséquence de rendre les cellules épithéliales pulmonaires malades très sensibles avec des réponses, par exemple à l’infection microbienne, très

de l’épithélium bronchique humain et l’activation de la voie IRE-1/Xbp-1 [221]. Des cellules d’épithélium bronchique fraîchement isolées à partir de poumons de patients mucoviscidosiques infectés et enflammés présentent un niveau élevé d’Xbp-1 par rapport à des cellules normales non infectées et non enflammées [221]. De plus, l’exposition de cultures primaires d’épithélium bronchique normal au mucus provenant de patients mucoviscidosiques favorise l’augmentation d’Xbp-1 et l’accumulation du calcium dans le RE provoquant une augmentation de la production d’IL8 et montrant que le milieu des voies respiratoires mucoviscidosiques est capable de déclencher l’UPR par l’intermédiaire de Xbp-1 [221–224].

En plus de ces éléments de réponse au stress UPR, le RE contient dans sa lumière des chaperonnes liées au calcium (Ca2+), dont la fonction principale est de replier les protéines et de réguler le stockage et la libération du Ca2+[225]. Alors que CFTR n’est pas un canal dépendant du Ca2+, plusieurs études ont été consacrées au rôle du Ca2+ du RE dans le trafic cellulaire de CFTR et plus particulièrement celui de CFTR-delF508. Il a été observé que CFTR-delF508 est séquestré dans le RE par des interactions avec des protéines chaperonnes, dont une, la calnexine, qui utilise le Ca2+comme cofacteur, est une protéine résidente du RE [226]. Il a été montré que le Ca2+est important dans la séquestration de CFTR-delF508 dans le RE en maintenant, notamment, son interaction avec la calnexine [221]. Cette accumulation dans le RE induit un stress oxydatif (UPR) et une inflammation. Cela suggère que l’un des facteurs contribuant à l’état inflammatoire des voies aériennes des patients mucoviscidosiques serait l’augmentation de la production de cytokines épithéliales des voies respiratoires des patients due au stress lié à l’accumulation en Ca2+et donc de CFTR-delF508 dans du RE [223]. L’épithélium des voies aériennes des patients mucoviscidosiques joue un rôle central dans la réponse inflammatoire [214, 223, 227, 228].

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