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Chapitre 3 Effet de la vitesse de filage sur l’orientation moléculaire

3.3 Résultats

3.3.3 Comparaison des spectres Raman de la soie native et supercontractée

Le Tableau 2, montre l’effet de la SC sur l’orientation moléculaire. On observe que peu importe la vitesse de filage, le paramètre R’’ devient plus élevé pour la soie SC. Ceci indique que la SC induit une perte d’orientation moléculaire au sein d’une fibre de soie d’araignée. Outre le fait que la SC augmente avec la vitesse de filage, les fibres SC ne semblent pas démontrer de tendance selon la vitesse de filage.

Cependant, la SC induit un phénomène particulier. On remarque que la position de la bande amide I de la soie SC augmente par rapport à la soie native (Figure 26). On remarque également que la bande amide I est plus étroite pour la soie SC, sauf à 0,5 cm/s (Tableau 3). Le rétrécissement est observable du côté des hauts nombres d’ondes (Figures 25 et 26). Or, la largeur de la bande amide est représentative de sa composition en structures secondaires. Plus cette bande est étroite, plus la structure secondaire est homogène et dominée par les feuillets b. Le rétrécissement observé lors de la SC indique, paradoxalement en apparence, que la structure secondaire est plus homogène, et ce malgré la perte d’orientation et le gain en entropie (donc malgré l’augmentation du désordre).

Ce phénomène spectroscopique pourrait être dû à une densification (ou contraction) des feuillets b induite par l’eau. De nombreuses études ont en effet montré que les cristaux de feuillets b ne sont pas « mouillés » par l’eau lors de la SC. Nos résultats suggèrent que, du fait de leur hydrophobicité (ils sont surtout constitués de

Poly-A), les feuillets b subiraient un léger effondrement interne (ou contraction) en présence d'eau51. Les

feuillets b pourraient par le fait même intégrer quelques AA adjacents, ce qui expliquerait la faible augmentation de la proportion de feuillets b. Ce phénomène aurait aussi pour conséquences de renforcer les liaisons hydrogène interchaines au sein des feuillets, ce qui a pour conséquence de diminuer la fréquence de la bande amide I, un phénomène bien connu en spectroscopie de vibration. Cet effet est effectivement observé (Figure 26) avec une diminution du nombre d’ondes du maximum de la bande amide I de ~1 cm-1

pour la soie SC par rapport à la soie native.

À une vitesse de filage de 0,5 cm/s il n’y a pratiquement aucun changement au niveau de la largeur entre la soie native et SC (Figure 27). Ceci indique qu’à « basse » vitesse, la SC n’affecte quasiment pas la largeur de la bande amide I. La composition en structures secondaires de la soie subit donc peu de changement, malgré une contraction de 22 %. Pas ou peu de nouveaux AA semblent impliqués dans les feuillets b par la SC. On constate cependant un décalage vers les bas nombres d’ondes de la bande amide I indiquant un renforcement des liaisons hydrogène par la présence d’eau. On n’observe pas non plus de différence dans la largeur de la bande amide I de la soie SC à 1 et 2 cm/s, ce qui suggère que l’eau n’induit pas plus de changement au-delà d’une vitesse de 1,0 cm/s. Comme d’autres études l’ont mentionné, il semblerait qu’à la vitesse de filage « naturelle » de l’araignée, un équilibre soit atteint3, 24.

Figure 27 Graphique de la largeur à mi-hauteur de la bande amide I en fonction de la vitesse de filage et de la supercontraction pour la soie ampullacée majeure d’Araneus diadematus.

L’évolution de la largeur de la bande amide I de la soie native avec la vitesse de filage est instructive. De manière remarquablement similaire au paramètre R’’ (Tableau 2), la largeur est maximale à 0,7-1,0 cm/s. Il

31 33 35 37 39 41 43 45 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 La rg eur à m i-ha ut eur de la ba nde a m ide I e n X X (cm -1) Vitesse de filage (cm/s) Native SC

semble donc bien y avoir une vitesse, ou une petite gamme de vitesses, pour lesquelles les caractéristiques de la soie Am soient particulières. Ici, la plus grande largeur de la bande amide I indique une structure secondaire moins homogène, c’est-à-dire moins riche en feuillets b (et plus riche en d’autres types de structures comme des coudes, des hélices 31 ou des segments désordonnés). Or, la quantité de feuillets b est

caractéristique de la cristallinité de la soie, donc aussi de son caractère plus ou moins cassant et solide. Une soie très cristalline est moins extensible, mais a un module de Young plus élevé. Ainsi, il semble qu’une vitesse de filage intermédiaire (ou « naturelle ») autour de ~0,7-1,0 cm/s favorise une fibre plus extensible, plus « molle » autrement dit. Les avantages biologiques de fibres de soie Am ayant de telles propriétés restent à déterminer.

On note également que, de manière tout à fait similaire à la soie native, que la position de la bande amide I de la soie SC augmente pour les fibres filées plus rapidement (Figure 26). Donc, les liaisons hydrogène qui maintiennent les feuillets b sont plus faibles pour de plus hautes vitesses de filage. Ceci montre que la SC (c’est-à-dire l’exposition à l’eau) n’annule pas l’effet observé d’une vitesse de filage plus ou moins élevée sur la cohésion des feuillets b et a le même effet de contraction.

Il est enfin à noter que des résultats préliminaires réalisés sur la soie de l’araignée NC semblent indiquer les mêmes tendances que pour la soie de l’espèce AD, mais elles sont moins claires. Ceci est probablement dû au fait que la soie Am de NC a des amplitudes de SC plus faibles que AD (typiquement ~20 % contre ~40 %).

Chapitre 4 Étude de la dynamique des chaînes

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