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La présentation des procédures de saisine respectives pourra démontrer plusieurs concordances mais aussi des divergences entre les deux systèmes.

1. Similarités quant à l’auto-saisine

Une large concordance entre le Défenseur des droits et le Médiateur européen peut être constaté sur le plan de la saisine d’office. Le Médiateur peut se saisir lui-même s’il l’estime justifié, afin de clarifier tout cas éventuel de mauvaise administration dans l’action des institutions et organes communautaires (art. 3 par. 1 Statut). Le Défenseur peut faire de même dans de cadre de sa compétence territoriale selon l’art. 8 LO. Mais son régime est plus encadré.

Tandis que le Défenseur des droits a généralement besoin de l’accord préalable de la personne dont les droits seraient mis en défaut ou doit attendre l’expiration de délais avant de pouvoir agir (art. 2 Décret), le Médiateur européen ne connaît pas ces conditions d’exercice difficiles et peut même extraire son pouvoir

136 Cf. figure 1.7 du Rapport annuel 2012 de Diamandouros, p. 25.

137 58, soit 12,5% des « autres » concernaient des agences de l’UE ; ibid.

138 Diamandouros, Rapport annuel, p. 26 ; les autres allégations de mauvaise administration étaient : demandes d’accès public aux documents, obligation de motiver les décisions et d’indiquer les voies de recours, absence de discrimination et devoir de sollicitude.

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d’auto-saisine d’une plainte irrecevable.139 Toutefois, le Défenseur peut se saisir sans délais dans des cas lui paraissant mettre en cause l'intérêt supérieur d'un enfant ainsi que pour les cas relatifs à des personnes qui ne sont pas identifiées ou dont il ne peut recueillir l'accord.

2. La saisine par l’intermédiaire d’un parlementaire

Les régimes de la saisine directe des deux institutions par les citoyens convergent largement. Pour le Dé-fenseur des droits comme pour le Médiateur européen l’intermédiation n’est plus impérative, art. 5 LO, et art. 2 par. 2 Statut. La seule différence est liée au fait que les missions du Défenseur sont plus vastes, ainsi en cas de nécessité en matière de protection des enfants ou de discrimination il existe un droit pour des associa-tions ou des représentants légaux de saisir le Défenseur.

Il en va de même pour la saisine par l’intermédiaire d’un parlementaire. La seule différence réside dans le fait de savoir quel élu, de quelle assemblée, a le droit de saisir. Ainsi, le Statut du Médiateur admet la sai-sine directe « ou par le biais d’un membre du Parlement européen » (art. 2 par. 2 Statut). Le cadre normatif du Défenseur quant à la saisine par l’intermédiaire d’un député est plus complexe : c’est une survivance de la procédure de saisine très sophistiquée de l‘ancien Médiateur de la République française.140 L’art. 7 LO admet les saisines des députés, sénateurs et des représentants français au PE. Mais l’article permet aussi ex-pressément que les membres du Parlement français puissent, de leur propre initiative, saisir le Défenseur d’une question qui leur paraît appeler son attention. Ainsi, les conditions de grief ou de préjudice allégué donnant intérêt à agir et celles d’une liaison nécessaire à une personne lésée sont facilitées.141 De fait, la sai-sine du Défenseur par un parlementaire est très proche du Statut du Médiateur et chacun peut y recourir afin d’avoir un effet à l’égard des tiers.

3. Particularités normatives concernant les démarches préalables à une saisine

L’art. 2 al. 4 Statut prévoit explicitement que chaque saisine du Médiateur européen soit précédée par des démarches administratives appropriées auprès des institutions et organes concernés.

Le Défenseur des droits distingue de façon plus souple. Auprès de lui une saisine doit être précédée de dé-marches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause s’il s’agit d’un dysfonc-tionnement administratif des administrations incluses dans le champ de compétence de l’ancien Médiateur de la République. Mais en cas de défense des droits de l’enfant, de lutte contre les discriminations (ancienne Halde) et du respect de la déontologie l’art. 6 al. 2 LO prévoit des exceptions pour les saisines.

En réalité la différence n’est pas si grande puisque le Médiateur européen connaît également des ex-ceptions dues à une interprétation très large du terme « démarches appropriées ». Mais aussi parce qu’au moment où le Médiateur estime avoir été saisi en l’espèce d’une plainte présentée dans l’intérêt général

139 Cf. II. A. 1. b) pour le Défenseur des droits et III. A. 1. c) pour le Médiateur européen.

140 Cf. art. 6 Loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République.

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tion populaire), il estime qu’il s’agit de circonstances dans lesquelles des démarches administratives préa-lables ne sont pas forcément appropriées.142

4. Divergences dans le droit de recours aux Ombudsmans respectifs

Une autre différence très intéressante c’est la possibilité pour les requérants d’assurer une actio

popu-laris auprès du Médiateur européen. En aucun cas le Statut ne prévoit que c’est le demandeur lui-même qui

doit s’estimer lésé dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’Union pour pouvoir être le plaignant.

Cependant c’est exactement cela que requiert l’art. 5 al. 1 n° 1 LO pour toute personne qui invoque-rait un dysfonctionnement administratif auprès du Défenseur des droits français. Dans ce cas une actio

popu-laris introduite par quelqu’un d’autre qu’un député ou qu’un homologue européen (art. 7 LO) est impossible,

quand bien même le Défenseur reconnaît les requêtes introduites par une association ou un tiers qui veillerait au respect des droits des enfants ou des personnes discriminées et malgré sa capacité d’auto-saisine. Ces re-quêtes existent également auprès du Médiateur européen ; il en résulte que l’accès à l’Ombudsman européen est en quelque sorte plus simple que celui de son homologue français.

Le traitement d’une saisine par les agents publics diffère également. Les textes LO et Statut se rejoi-gnent dans leur réticence quant à ces demandes. L’art. 2 par. 8 Statut statue clairement que le Médiateur ne peut être saisi d’une plainte ayant trait aux rapports de travail entre les institutions européennes et leurs agents sauf en cas d’épuisement des procédures prévues dans le statut des fonctionnaires et après expiration des délais de réponse de l’autorité saisie. Mais l’art. 9 LO se montre encore plus restrictif pour le Défenseur qui ne peut être saisi qu’en cas de discrimination ; sinon il est incompétent.143

5. Différences quant au délai d’introduction d’une plainte

Concernant le délai durant lequel une plainte peut être introduite il existe un décalage entre les deux institutions. Le Défenseur peut être saisi à tout moment. Ni la loi organique ni les autres statuts n’imposent qu’il soit saisi dans un certain délai après la date de la commission des faits qui font l’objet de la saisine.

Contrairement à la législation française qui ne prescrit aucune limite temporelle, la possibilité d’introduire une réclamation devant le Médiateur européen est limitée à un délai de deux ans à compter de la date où les faits qui motivent la plainte ont été portés à la connaissance du plaignant.144 L’Art. 2 al. 4 du Sta-tut du Médiateur contient ainsi une différence remarquable par rapport au cadre normatif qui régit l’activité du Défenseur des droits français.

142 Cf. Décision sur la plainte 619/98/(IJH)/GG contre la Commission européenne, Pénalités au titre du régime communautaire du marché.

143 Cf. II.B.1 c).

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6. Convergence de la non-interruption des délais de prescription

Le cadre normatif des deux institutions convergent quant à l’absence d‘interruption des délais de re-cours dans les procédures juridictionnelles ou administratives.

Les dispositions relatives à la saisine du Médiateur européen (art. 2 al. 6) ou du Défenseur des Droits (art. 6 al. 3 LO) ne prévoient pas d'interruption ou de suspension des délais de prescription déjà en cours. C’est seulement l'art. 6 al. 3 LO qui entre plus dans les détails en exprimant que la saisine du Défenseur n’interrompt ni ne suspend par elle-même les délais de prescription des actions en matière civile, administra-tive ou pénale ; ni ceux relatifs à l’exercice de recours administratifs ou contentieux. Tandis que l’art. 2 al. 6 Statut est plus clair en indiquant que « les plaintes présentées au Médiateur n'interrompent pas les délais de recours dans les procédures juridictionnelles ou administratives. » Toutefois, sur le fond il n’y a aucune dif-férence quant aux délais de prescription.

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