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CHAPITRE IV L’ARC DES MARIANNES

IV.4. Source et origine des anomalies négatives en Ce des laves par une étude combinée des

IV.4.3. a. Modélisation de l’anomalie en Ce

1. Comparaison des arcs

 

1. Comparaison des arcs



 

Les rapports isotopiques 138Ce/142Ce obtenus sur les laves de la Martinique corrèlent avec ceux du Nd. L’analyse de 5 sédiments du site DSDP 144, en amont de la fosse des Petites Antilles, sur le plateau de Demerara, nous a permis de déterminer la composition isotopique en Ce de ces sédiments recyclés d’origine principalement terrigène. L’épaisseur et la courbure des laves de la Martinique dans un diagramme εNd vs εCe nous ont amenés à tester différents modèles de mélange. Notamment l’hypothèse d’un pôle enrichi de nature authigène et/ou biogène à la source des laves a été modélisée par mélange binaire. Ce modèle permet d’expliquer un partie des échantillons de la Martinique, cependant leurs compositions isotopiques en Ce et Nd reflètent principalement un mélange binaire entre le manteau appauvri et les sédiments du site 144. L’hétérogénéité des sédiments, combinée au fractionnement Ce/Nd lors des processus de fusion partielle du matériel sédimentaire permet d’expliquer les compositions isotopiques des laves. Néanmoins, les proportions atteignent 25%, ce qui est important en comparaison des proportions déterminées par l’étude d’autres systèmes isotopiques (Pb, Sr, Hf, Labanieh et al., 2010). La modélisation des anomalies en Ce, en tenant compte des proportions sédimentaires déterminées par les courbes de mélange εCeNd, ne permet pas de reproduire les valeurs des anomalies en Ce mesurées dans les laves. La participation de sédiments dans la genèse des laves ne peut expliquer à lui seul les variations en LREE dans les laves de la Martinique. Les terres rares doivent être fractionnées par des processus magmatiques, comme très certainement la cristallisation fractionnée.

Pour notre deuxième cas d’étude nous avons analysé 12 laves provenant de la province centrale des Mariannes, ainsi que 10 sédiments des sites ODP 801 et 802 forés en face de la fosse des Mariannes. Les compositions isotopiques en Ce et Nd des laves sont très homogènes. Les laves ont toutes des εCe négatifs et des εNd positifs, et sont très proches des compositions des MORB en 138Ce/142Ce. Plusieurs mélanges binaires ont été calculés en considérant différents pôles enrichis : 1) sédiments volcaniclastiques, 2) sédiments biosiliceux et 3) sédiments chimiques (authigène/biogène). Il n’a pas été possible de différencier la nature des sédiments participant à la source des laves uniquement par des mélanges binaires solide-solide ou solide-solide-fluide. Malgré cela, nous avons pu déterminer que les sédiments impliqués dans la genèse des laves des Mariannes sont principalement des sédiments biosiliceux, grâce à



 

la modélisation des anomalies en Ce couplée aux modèles isotopiques de mélanges binaires solide-fluide. En effet, la modélisation des anomalies en Ce, par mélange à la source des laves, de 1.5% à 7% de fluides issus de la fusion partielle des sédiments biosiliceux du site 801 avec le coin manteau, permet de reproduire les anomalies en Ce des laves.

Les deux arcs intra-océaniques étudiés ici présentent des contextes géodynamiques contrastés. L’âge de la lithosphère plongeante varie du simple au double (95 Ma pour les Petites Antilles vs 170 Ma pour les Mariannes), les sédiments échantillonnés dans les domaines avant-arcs sont soit d’origine continentale soit d’origine océanique, l’épaisseur de la croûte de l’arc varie fortement et l’âge du volcanisme est aussi sensiblement différent (entre 24.8 Ma et aujourd’hui pour la Martinique et un volcanisme actuel aux Mariannes). Cependant, les conditions de pression et de température à l’aplomb des 2 arcs sont assez similaires et sont favorables à la fusion partielle des sédiments. Dans la figure 1, sont représentés dans un diagramme εNd vs εCe, tous les résultats obtenus sur les deux arcs ainsi que sur les différentes piles sédimentaires et les 11 MORB provenant des trois océans. Les résultats obtenus au cours de ce travail sur les deux arcs, les différentes piles sédimentaires et les MORB Atlantique, Pacifique et Indien sont reportés dans le diagramme εNd vs εCe (figure

1) et comparés aux deux seules études disponibles dans la littérature concernant les isotopes

du Ce dans les laves d’arc (Tanaka et al., 1987; Shimizu et al., 1992), à savoir 13 échantillons des îles Salomon (Shortland Island et New Georgia) et 3 laves du Japon (volcan Fuji, île Oki et île Oshima). Les laves des îles Salomon, ont des compositions isotopiques en Ce plus radiogéniques que les laves des Mariannes et des Antilles (excepté un échantillon qui est beaucoup moins radiogénique). En 143Nd/144Nd, ces laves ont des compositions radiogéniques et proches de celles des Mariannes. Il n’est pas possible d’expliquer les compositions isotopiques de ces laves par mélange binaire entre un manteau appauvri et un composant sédimentaire ou de croûte océanique ; la courbure de l’hyperbole de mélange nécessiterait un rapport Ce/Nd de la source trop élevé et/ou un pôle enrichi plus radiogénique que les sédiments que nous présentons ici.



 

Figure 1 : Diagramme εNd vs εCe pour toutes les données obtenues au cours de ce travail sur des laves d’arc, des MORB et des sédiments ainsi que les données de la littérature en 138Ce/142Ce. Les échantillons des îles Solomon sont normalisés avec le standard JMC-304 mesuré au cours de l’étude de Shimizu et al. (1992) et de cette étude. Les échantillons de laves du Japon ainsi que les MORB quant à eux, sont normalisés avec le standard BCR-1 (Tanaka et al., 1987; Makishima et Masuda, 1994) et BCR-2 (cette étude).

Shimizu et al. (1992) suggèrent qu’il existe une source de ces laves ayant des εCe et εNd positifs et des anomalies négatives en Ce. Nos échantillons de laves provenant des Mariannes ont eux aussi une source ayant des anomalies négatives en Ce. Or, leurs compositions isotopiques en Ce ne sont pas les mêmes que celles des laves de Salomon puisque leurs εCe sont négatifs. Le contexte de l’arc des îles Salomon est particulier puisqu’un fragment du plateau océanique Ontong-Java est présent sous l’arc, et le coin de manteau, « piégé » sous l’arc par le changement de régime tectonique, est de nature Indienne. De plus les isotopes du Hf-Nd-Sr et Pb excluent la participation d’une grande quantité de sédiments pélagiques

-20 -18 -16 -14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12 -2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 Epsilon Nd Epsilon Ce Laves Japon MORB MORB Laves de la Martinique Laves des Mariannes Laves des îles Salomon

Sédiments du site DSDP 144 Sédiments des sites ODP 801 et 802

Données de cette étude Données de la littérature



 

(authigène/biogène) à la source de ces laves (Schuth et al., 2009). Les trois échantillons de laves provenant des îles du Japon présentent des compositions isotopiques en Ce et Nd bien distinctes. Celui provenant de l’île Oshima se trouve dans le champ des MORB, l’échantillon du Mont Fuji est similaire aux laves des Mariannes tandis que celui de l’île Oki est plus radiogénique en Ce et moins radiogénique en Nd, similaire à certaine laves récentes de la Martinique. Ce gradient de compositions isotopiques entre l’est et l’ouest de la péninsule japonaise peut traduire des changements de conditions du slab (conditions P, T) et/ou de changements dans la nature des sédiments pouvant participer à la source des laves.