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Compétition entre l’Al et le Sc pour l’internalisation chez C reinhardtii

PARTIE I : SYNTHÈSE

4 RÉSULTATS ET DISCUSSION

4.3 Tests de l’analogie entre l’Al et le Sc

4.3.1 Compétition entre l’Al et le Sc pour l’internalisation chez C reinhardtii

En raison de pertes variables en Sc dissous par adsorption sur les parois des fioles, les valeurs de [ScT] variaient entre 3,7 et 7,3 nM (moyenne de [ScT] = 5,7 ± 1,1 nM, n = 15) dans les solutions d’exposition préparées pour cette expérience. Le Sc était à ~ 20 % sous sa forme libre dans ces milieux de pH 5,00 (cf. figure 7). Ces valeurs correspondaient à une variation de [Sc3+] entre 0,74 et 1,5 nM (moyenne de [Sc3+] = 1,1 ± 0,22 nM, n = 15). Pour s’affranchir au maximum de cette variabilité expérimentale dans notre interprétation des résultats, l’effet de l’Al a été observé sur les valeurs de Jint normalisées par la valeur de [Sc3+] calculée dans chaque milieu

d’exposition (Jint* = Jint/[Sc3+]). Cette normalisation était justifiée car, dans l’étroite gamme de valeurs de [Sc3+] observées, les valeurs de J

int correspondantes se situaient dans une partie quasi-linéaire de la courbe Jint = f([Sc3+]) (cf. figure 8b). Contrairement aux concentrations en Sc, les concentrations en Al étaient relativement élevées et très proches de leurs valeurs nominales (écart < 10%) dans les milieux d’exposition. Dans ces solutions, l’Al était à ~ 50 % sous sa forme libre (voir le tableau 2 de l’article 2).

Nous n’avons pas observé de tendance significative entre les valeurs de Jint* et [AlT], la seule différence significative étant observée entre les valeurs de Jint* à [AlT] = 670 et 2820 nM (figure 17). [AlT] (nM) 0 380 670 1500 2820 Jint * (nmol . m -2. h -1. nM -1 ) 0 20 40 60 80 100 ab ab ab b a

Figure 17 : Effet de la concentration en Al sur les flux d’internalisation du Sc normalisés (par la concentration en Sc3+) chez C. reinhardtii à pH 5,00 et [Sc

T] = 5,7 ± 1,1 nM. Moyennes ± écarts types (n = 3). Les moyennes ne partageant pas de lettres communes sont significativement différentes (Tukey, p < 0,05).

Pour exprimer ces résultats dans le langage du MLB, nous avons décrit la compétition de l’Al sur les flux d’internalisation du Sc avec l’équation 25, où KAl-Rint est la constante d’affinité de l’Al pour le transporteur membranaire du Sc. La compétition de H+ dans cette équation a été

indirectement prise en compte, en y intégrant la constante apparente KSc-Rint déterminée à pH 5,00. ] [Al K ] [Sc K 1 ] [Sc K J J 3 Rint Al 3 Rint Sc 3 Rint Sc max int             éq. (25)

Selon l’équation 25, l’absence d’inhibition de l’Al sur les flux d’internalisation du Sc signifie que le terme 1+ KSc-Rint · [Sc3+] était très supérieur au terme KAl-Rint · [Al3+]. Les expositions à court terme présentées plus haut ont montré que la constante apparente KSc-Rint était ≈  108,5 M-1 à pH 5,00 et [F-] = 0 M (cf. tableaux 5 et 6). Ainsi, avec [Sc3+] = 1,1 nM, le terme 1+ KSc-Rint · [Sc3+] était ≈ 1,4. En posant ensuite [Al3+] = 1400 nM (concentration testée la plus élevée), on obtenait une valeur de KAl-Rint << 105,9 M-1. Worms et Wilkinson (2007) ont estimé une constante d’affinité de l’Al de 108 M-1 pour le transporteur du nickel à pH 5,00 chez C. reinhardtii. Ainsi, même si nous ne pouvons pas exclure totalement la possibilité que l’Al emprunte aussi le transporteur membranaire du Sc chez C. reinhardtii, cette voie d’entrée ne contribuerait très probablement qu’à une proportion insignifiante du transport de l’Al dans cette algue. Cette expérience a été reproduite à pH 7,00 pour des concentrations en Al3+ jusqu’à 170 fois plus élevées que celles en Sc3+ et aucune inhibition de l’internalisation du Sc n’a non plus été observée (voir la figure SI.1 de l’article 2). Précisons qu’il n’a pas été possible de mesurer l’internalisation de l’Al dans ces différentes expositions à court terme en raison des limites de détection trop élevées avec l’ICP- AES.

Il est reconnu que les transporteurs membranaires sont rarement spécifiques à un seul métal. Par exemple, il a été démontré que l’Al inhibait la prise en charge de plusieurs métaux, comme celle du Co chez la levure (MacDiarmid et Gardner, 1998) ou celle du Mg chez les plantes supérieures (Li et al., 2001). Notons que ces expériences d’inhibition ne permettent pas à elles seules de conclure que le métal compétiteur emprunte le transporteur étudié. En effet, elles permettent uniquement de démontrer que le métal se lie au transporteur et bloque ainsi son accès aux autres cations en solution. La spécificité des transporteurs membranaires pour les cations dépend des propriétés physico-chimiques de ces derniers. Dans le but de modéliser et donc de prédire l’accumulation et la toxicité des métaux chez les organismes, quelques études se sont intéressées à d’identifier ces propriétés clés (p. ex. la charge, la taille et la configuration électronique du cation) (Wolterbeek et Verburg, 2001), mais ces liens demeurent à ce jour

Co2+, Mg2+ ou Ni2+, mais pas celle de Sc3+ avec qui il partage à première vue plus de caractéristiques physico-chimiques communes. Malgré le statut d’analogues chimiques souvent attribué à Sc3+ et à Al3+, ces deux cations présentent des différences qui pourraient expliquer leurs voies d’entrées séparées chez C. reinhardtii (cf. tableau 1). Par exemple, les ions Al3+ et Sc3+ possèdent des tailles assez différentes, surtout en considérant un numéro de coordination de 8 pour le Sc3+, comme les dernières études sur cet élément le suggèrent (rAl3+ = 0,535 Å et rSc3+= 0,870 Å). De plus, du fait de leurs différents numéros de coordination, leurs cations hydratés possèdent des structures distinctes : Al(H2O)63+ a une conformation octaédrique tandis que Sc(H2O)83+ a une conformation prismatique trigonale à trois sommets. Or, comme mentionné plus haut (section 4.2.4), il a été suggéré que l’Al se liait au transporteur du Mg chez les plantes supérieures à cause de la grande analogie entre Al(H2O)63+ (4,89 Å) et Mg(H2O)62+ (4,28 Å). Ces différences entre Al(H2O)63+ et Sc(H2O)83+ se retrouvent dans les hydroxo- complexes de ces deux métaux, présents dans nos solutions d’exposition à pH 5,00. Ainsi, même si l’on postule l’internalisation de ces espèces chez C. reinhardtii, il est probable que leur différence de tailles les a amenés à se lier à des sites de transport différents à la surface de l’algue. En conclusion, l’absence de compétition entre l’Al et le Sc pour l’internalisation chez C.

reinhardtii met en évidence leur analogie limitée pour la complexation avec des transporteurs

métalliques. En revanche, ces expériences n’excluent pas que ces deux métaux trivalents soient internalisés selon des mécanismes communs, comme le supporte les études ayant rapporté la prise en charge de complexes d’Al chez les organismes aquatiques et les plantes supérieures (Gallon et al., 2004; Stevens et al., 1997; Wilkinson et al., 1990; Xie et al., 2001).