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Tout d’abord nous allons parler de l’impact des activités d’éveil aux langues sur le développement de la compétence métalinguistique. Parmi les expériences que nous analysons, cet aspect est particulièrement présent dans les recherches de Dahm (2017) et de de Pietro (1999), en effet, ceci était explicitement les objectifs de ces expérimentations : « nous essaierons donc de montrer en quoi une telle approche des phénomènes grammaticaux, voire des phénomènes langagiers dans leur ensemble, permet d’atteindre certains des objectifs qu’on assigne [...] à la grammaire » (de Pietro, 1999 : 180) – « Notre étude à petite échelle abordée dans cet article ne concerne pas l’enseignement d’une langue, mais aborde comment sensibiliser les élèves à leurs compétences métalinguistiques »52 (Dahm, 2017 : 524, notre traduction).

Chez Dahm (2017), l’impact des sessions d’APLI est le plus visible dans le cadre de l’avant- dernière séance de la dernière langue abordée (le finnois), soit l’avant-dernière de l’expérimentation. Cette séance-là était dédiée à un travail métasyntaxique, c’est à dire que les élèves devaient créer des phrases dans la langue abordée, en s’appuyant sur celles du texte étudié. Dahm a analysé de manière quantitative les résultats de cette séance, elle a calculé le pourcentage de prise de risque, c’est à dire combien d’élèves ont tenté de créer une phrase dans la langue inconnue abordée avec pour seule aide le texte travaillé en amont. Cette séance a le plus haut taux de prise de risque et le plus faible taux d’absence de prise de risque ; les chiffres de la première séance de travail métasyntaxique 36% de prise de risque contre 45% d’absence vs la dernière séance avec 50% de prise de risque contre 14% d’absence. Ci-dessous un tableau récapitulatif pour un peu plus de clarté :

% de prise de risque % d’absence de prise de risque

Première séance 36% 45%

Dernière séance 50% 14%

Dahm conclut, que ceci est la preuve que les élèves avaient plus de facilité et de confiance pour manipuler la langue (en tant qu’objet). Le finnois n’étant pas une langue indo-européenne nous pouvons exclure l’hypothèse que cette facilité serait due à la proximité syntaxique des langues, au contraire cette langue n’a rien en commun avec la langue de l’école et l’anglais

52 « The small-scale study discussed in this article was not about teaching a language, but about helping students become aware of their metalinguistic skills ».

hormis l’alphabet latin, ce qui nous montre bien que c’est la répétition de l’exercice qui a permis aux élèves de développer un mécanisme métalinguistique pour créer leurs propres phrases avec plus de confiance. Dahm ajoute que c’est le reflet de leurs stratégies d’apprentissage qui se sont étoffées au fil des séances. De faire un travail de réflexion sur une langue inconnue a permis aux élèves de travailler leur compétence métalinguistique en se détachant des langues connues pour aborder ces langues d’un point de vue langagier et non intuitif. Bien que nous n’ayons pas les résultats qualitatifs, la prise de risque est un facteur qui nous montre aussi l’impact de ces séances d’APLI, qui peut se rapporter aux ressources suivantes du CARAP :

- A 3.2 « Curiosité envers la découverte et le fonctionnement °des langues / des cultures° (/ la (les) sienne(s) / les autres/) » (CARAP, 2012 : 39) ;

- A 4.2.1 « Accepter qu’une autre langue peut organiser la construction du sens sur des °distinctions phonologiques et sémantiques / constructions syntaxiques° différentes de celles de sa propre langue » (ibid. : 40) (cette ressource se rapporte aussi à l’ensemble des tâches d’APLI : métasémantique, métasyntaxique et métaphonologique) ;

- S 7.3 « Savoir tirer profit, pour l’apprentissage, d’acquis préalables relatifs aux langues et cultures » (ibid. : 56) ;

- S 7.7.7.3 « °Savoir tirer profit d’expériences d’apprentissage antérieures lors de nouvelles occasions d’apprentissage [Savoir effectuer des transferts d’apprentissage]° » (ibid. : 57).

Lors de la première étape des séances d’APLI, la séance à objectif métasémantique, où les élèves doivent essayer de déchiffrer le texte, Dahm remarque le progrès des élèves au fil des séances ainsi que leur engagement pour l’exercice. Bien que Dahm n’ait pas vérifié l’exactitude de leur réponse (à nouveau elle cherchait des résultats quantitatifs), cet engagement ainsi que certains dialogues transcrits pour l’article laissent paraître une réflexion sur la langue certaine de la part des élèves :

(Dahm, 2017 : 534). De plus, ces séances d’APLI ont permis aux élèves de l’expérimentation d’être sensibilisés à la diversité linguistique. Même si cet aspect n’était pas l’objectif des séances, il en reste un aspect irréfutable à partir du moment où la langue est introduite et travaillée en classe dans le cadre d’activités didactisées.

De Pietro (1999) donne à ses élèves (environ 10 ans, francophones) un exercice de segmentation, c’est à dire que les élèves doivent distinguer les unités syntaxiques, dans une

langue inconnue (italien et espagnol). Cependant de Pietro remarque qu’après avoir écouté les conversations des élèves, il ne parvient pas à discerner comment ils sont parvenus aux découpages. Il est vraisemblable que ce soit le fruit du hasard ou de l’intuition (due à la proximité linguistique des trois langues). Néanmoins, nous suggérons que cette activité aurait plus de pertinence dans une perspective d’intercompréhension entre langues parentes où plus d’activités de cette approche seraient faites. En effet, de Pietro remarque que les élèves s’appuient sur le français. Il retient de cet exercice que « cela ne prouve toutefois pas qu’ils appliquent des procédures d’observation et d’analyse systématiques ni qu’ils procèdent aux comparaisons de façon contrôlée » (ibid. : 187). Néanmoins de Pietro souligne que cet exercice permet tout de même aux élèves de se détourner du français qui est intuitif pour eux, il explique : « l’intuition et le recours immédiat au sens ne permettent plus de contourner les obstacles – autrement dit de travailler avec d’autres langues que le français. » (ibid. : 188), ils ne peuvent plus se permettre de faire la segmentation selon le sens de la phrase. De Pietro fait aussi mention d’une autre expérimentation, cette fois-ci de repérage et de comparaisons des genres en plusieurs langues pour sensibiliser les élèves à l’arbitraire du genre. Le dialogue suivant (vraisemblablement recueilli à la fin de l’activité au moment de la mise en commun) nous montre le travail cognitif fait par l’élève pour se distancer de sa L1 (le français, comme vu plus haut) grâce à l’activité mettant en parallèle 4 langues romanes (ibid. :193)

Nous voyons là que l’élève Joachim commence à percevoir la langue comme un objet non comme quelque chose d’intuitif, d’inné quand il dit « c’est pas tout le temps ». De la même façon, lorsque les élèves listent dans quelle autre langue c’est aussi masculin, cela nous montre leur capacité d’élèves à identifier les caractéristiques de détermination des langues. Grâce aux déterminants et aux terminaisons on voit que les élèves sont en cours d’acquisition de ressources du CARAP suivantes :

- S 3 « Savoir comparer les phénomènes °linguistiques / culturels° de °langues /cultures° différentes [...] » (CARAP, 2012 : 52) ;