• Aucun résultat trouvé

2. Éléments linguistiques et extralinguistiques

2.3. La communication non verbale

La version française de Wikipedia17 donne la définition suivante de la communication non verbale : « La communication non verbale (ou langage du corps) désigne tout échange n’ayant pas recours à la parole. ». En d’autres termes, les gestes corporels, les expressions faciales, les postures, les indices auditifs, etc., sont tous les signes que nous laissons échapper possédant une valeur de transmission de l’information vers le monde extérieur, tout comme le langage.

L’anthropologiste Ray Birdwhistell estime que 65 % - 70 % de la communication humaine sont réalisées sous forme de communication non verbale (cité dans Gibson, 2014 :47). Du cô-té linguistique, Hélène Trocmé-Fabre affirme également l’importance de ce moyen de trans-mission non verbal en admettant que l’étude actuelle de la langue a plus ou moins délaissé cet aspect :

« On attache, dans l’étude de la langue, une place prépondérante au lexique et à la syntaxe alors qu’une très grande partie du message est transmise au moyen de procédés dits non verbaux, la voix, l’intonation, le rythme, le tempo, et les relations des divers paramètres auditifs, spatiaux, temporels. » (1987 :204)

Pour elle, la mélodie, l’intonation, le rythme, la hauteur et le tempo de la langue sont tous des facteurs qui transmettent des émotions humaines. Dans la comédie musicale, ces indices auditifs sont bien démontrés dans les dialogues interpersonnels grâce à l’exagération théâtrale à tout moment. Par exemple, dans Le Roi Soleil, la reine accentue les mots caisses et vides dans la phrase suivante, en laissant une petite pause devant vides. Par cette mise en relief, sa colère contre le cardinal est illustrée.

Mais les caisses de l’État sont ( ) vides.

Puis dans cette phrase qui conclut le discours, son intonation monte sur le mot Monsieur

17 https://fr.wikipedia.org/wiki/Communication_non_verbale#cite_note-1

afin de désigner sa sévérité, et elle diminue à la fin pour souligner la nature d’un ordre. Les changements d’intonation sont illustrés par les flèches suivantes :

Monsieur le Cardinal, il nous faut la paix.

À part les dialogues, la chanson peut aussi démontrer l’aspect auditif de la communication non verbale. La musique de fond et la façon dont les acteurs chantent les paroles peuvent re-présenter le monde interne du personnage.

Et m’apercevoir qu’en retour tout reste à faire Et en arriver là

Au point de se complaire À croire ce que l’on voit Le centre de l’univers

Dans cet extrait de « Pour arriver à moi » de Le Roi Soleil, en chantant la fin du premier vers, l’acteur baisse consciemment l’intonation pour montrer la fermeté. Puis, depuis « Et en arriver là », il élève de nouveau le ton pour représenter l’orgueil du personnage après sa réus-site. Tout au long de ce processus, la musique de fond et l’intonation de l’acteur s’harmo-nisent.

Ensuite, du côté des gestes corporels, il est évident qu’ils prennent des sens très différents dans des cultures diverses. Prenons l’exemple du geste qui signifie « moi » en français18 : les Français indiquent leurs épaules des deux index et touchent leur corps. Pourtant, pour les Chi-nois, ce geste ne comporte aucun sens. Pour dire « moi » en chiChi-nois, ils indiquent leur corps du pouce droit en remuant la main deux ou trois fois. Par conséquent, si les apprenants chinois veulent comprendre ce genre de représentations gestuelles, ils auront besoin d’une explication supplémentaire.

Pourtant, l’apprentissage des connaissances dans ce domaine est souvent dévalorisé dans l’enseignement du FLE. Face à ce problème, le sociologue Dane Archer souligne l’importance de ce moyen de communication particulier dans son article Unspoken Diversity : Cultural Dif-ferences in Gestures (1997). Il propose d’utiliser des vidéos au lieu d’enseigner en décrivant verbalement des gestes abstraits. Il juge cette méthode insuffisante pour transmettre

correcte-18 https://www.francaisavecpierre.com/gestes-et-expressions-indispensables-en-francais/

ment les gestes aux apprenants d’autres cultures (1997 :83). De plus, les photos prises avec une vitesse d’obturation lente ne sont pas non plus idéales, vu qu’elles ne contiennent pas cer-tains facteurs nécessaires pour reproduire les gestes, tels que la vitesse, les répétitions et le contexte de la production (1887 :84). Ces éléments sont tous bien démontrés dans le support vidéo (1997 :84).

Dans cette situation, la comédie musicale avec l’enregistrement vidéo est un support par-fait : elle comprend non seulement des dialogues, des duos et des trios où les apprenants trou-veront des gestes utiles à l’interaction sociale, mais aussi des solos pendant lesquels les ac-teurs font des gestes qui représentent leurs émotions personnelles. Le premier type de geste possède plus de valeur pédagogique du côté culturel et communicatif, alors que le deuxième rejoint d’autres types de communication non verbale et contribue à l’analyse du monde in-terne du personnage.

Pourtant, en ce qui concerne les six émotions essentielles de l’être humain (la joie, la tris-tesse, la colère, la surprise, le dégoût et la peur), d’après Paul Ekman et Wallance V. Friesen (1971), l’universalité est la norme à travers les différentes cultures. Pour justifier cela, ils ont lancé une expérimentation en Nouvelle-Guinée. Ils ont raconté à la population locale des his-toires qui transmettaient les émotions mentionnées aux sujets d’expériences diverses, sans qu’ils n’aient aucunes connaissances préalables par rapport au monde occidental. Puis, ils leur ont demandé de choisir l’expression faciale adéquate parmi trois photos, et la plupart de leurs choix correspondait bien à l’expression faciale logique d’après les Occidentaux. De ce fait, ils ont déterminé la transculturalité des expressions faciales.

Sur la base de cette conclusion, l’expression faciale des Français n’est pas un objectif d’apprentissage pour les apprenants en matière de communication. Cependant, cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas de place dans les cours de FLE. Dans la vie quotidienne, il suffit de 1/5 - 1/25 de seconde pour réaliser une micro-expression (Ekman et Friesen, 1975 :151). En si peu de temps, l’apprenant a du mal à les reconnaître et à leur donner une interprétation cor-recte. Pourtant, dans la comédie musicale, les acteurs sur scène prolongent ces représentations émotionnelles. Ils les exagèrent même à un certain degré pour que les spectateurs puissent les ressentir aisément. Dans ce cas, les apprenants peuvent mieux percevoir ces messages émo-tionnels transmis par l’acteur à l’égard du monde interne du personnage. Cela leur facilite la compréhension des dialogues et des chansons et rend les péripéties de l’histoire et le caractère du personnage plus clairs. D’ailleurs, cette emphase de l’expression faciale peut aussi être

uti-lisée pour approfondir l’analyse théâtrale destinée aux apprenants de plus hauts niveaux.

Enfin, la danse peut aussi mettre en relief des éléments de la communication non verbale.

En réalité, elle renforce l’effet de l’émotion transmise en la représentant par des actions vi-sibles. Néanmoins, vu que la danse se rattache plus à l’aspect scénique, j’analyserai ce sujet plus tard.