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DISCUSSION GENERALE

III.5 Communication, soins parentaux et succès reproducteur

Si la communication acoustique joue un rôle dans l’organisation des soins biparentaux alors elle devrait avoir un impact sur le succès reproducteur des couples. Les femelles qui incubent seules peuvent être en partie nourries par leur partenaire. Dans ce cas, plusieurs études ont montré que les femelles pouvaient indiquer leurs besoins au mâle en utilisant des cris de quémandes comme le font les oiseaux juvéniles (Tobias & Seddon, 2002; Otter, Atherton, & van Oort, 2007; Moore & Rohwer, 2012; Cantarero et al., 2014). L’apport en nourriture des mâles peut permettre aux femelles de passer plus de temps sur les œufs (Lyon & Montgomerie, 1985; Lifjeld & Slagsvold, 1986; Hałupka, 1994; Klatt, Stutchbury, & Evans, 2008; Lloyd et al., 2009; Stein, Oh, & Badyaev, 2009; Matysioková, Cockburn, & Remeš, 2011; Moore & Rohwer, 2012). Or on sait que le pourcentage de temps passé à incuber a un impact sur le succès reproducteur des oiseaux puisqu’il influence le taux d’éclosion (Carey, 1980; Lyon & Montgomerie, 1985; Reid, Monaghan, & Ruxton, 2002) et la condition des juvéniles à l’envol (Reid et al., 2002). De plus, une plus grande proportion de temps passé à incuber permet de diminuer la durée de la période d’incubation et donc de limiter l’exposition aux prédateurs (Magrath, 1988; Martin, Scott, & Menge, 2000; Martin, 2002). Une communication

153 Figure 13. A) Ensemble des œufs trouvés dans un nid à la station de recherche de Fowlers Gap (Australie) en 2012. Les petits œufs blancs unis sont des œufs de diamants mandarins tandis que les plus gros et tachetés sont des œufs de gérygones blanchâtres. B) Extrait d’un échange vocal entre deux gérygones blanchâtres, une se trouvant dans le nid (N) et l’autre à l’extérieur (E).

154 efficace du couple permettant un approvisionnement optimum en nourriture pour la femelle devrait donc permettre aux couples d’améliorer leur succès reproducteur.

Lorsque mâle et femelle partagent les mêmes tâches, la communication acoustique peut leur permettre de se coordonner (Chapitre 1 et 2). La coordination entre le mâle et la femelle est très importante pendant l’incubation puisqu’un oiseau mettant trop de temps à revenir pour relever son partenaire ou une relève manquée pourraient avoir comme conséquences de laisser les œufs seuls anormalement longtemps (Ball & Silver, 1983; Chaurand & Weimerskirch, 1994). Après l’arrivée des poussins les adultes de certaines espèces à soins biparentaux ou à reproduction coopérative se coordonnent en se rendant ensemble au nid pour nourrir la nichée. Les nids ayant le meilleur succès reproducteur sont alors ceux des oiseaux les mieux coordonnés (Raihani et al., 2010; Shen et al., 2010; Mariette & Griffith, 2012). En effet, le fait que les adultes se rendent au nid ensemble pourrait permettre une distribution plus équitable de la nourriture entre les poussins (Shen et al., 2010), et/ou de limiter l’activité autour du nid de façon à limiter les risques qu’il soit détecté par un prédateur (Martin et al., 2000; Raihani et al., 2010).

Durant ma thèse, j’ai mesuré le succès reproducteur des couples dans toutes mes études en prenant des paramètres tels que le nombre d’œufs, le nombre de poussins à l’éclosion, le nombre de poussins à l’envol et certaines mesures évaluant la condition des poussins. J’ai également prélevé du sang sur les adultes et leurs poussins et commencé à analyser l’ADN de façon à mesurer les taux de paternité extra-couple. L’analyse future de ces données permettra de déterminer si les couples qui ont un meilleur succès de reproduction, et/ou un taux de paternité extra-couple plus faible, présentent des particularités au niveau de leur communication acoustique. De plus, chez le diamant mandarin, j’ai fait une étude permettant de lier communication, coordination, expérience du couple et succès de reproduction. J’ai pour cela observé des couples de diamants mandarins sur deux reproductions successives. A chaque fois, j’ai enregistré les temps passés dans le nid par le mâle et par la femelle tout au long de l’incubation grâce à des transpondeurs implantés sur les oiseaux (Trovan ID100A) et détectés grâce à des antennes dans les nids (Fig. 14). J’ai également enregistré quatre duos de relève pour chaque couple et pris différentes mesures du succès de reproduction (voir plus haut). Un premier objectif de cette étude est de déterminer si la communication acoustique, l’organisation de l’incubation et le succès reproducteur sont liés. Mon hypothèse étant que les parents qui ont une communication plus efficace pourraient être plus coordonnés dans l’organisation de l’incubation (même temps passé dans le nid par le mâle et la femelle, peu de variabilité dans le temps qu’un oiseau passe dans le nid lors d’une session d’incubation etc.) et avoir un meilleur succès reproducteur. Le deuxième objectif de cette étude est de déterminer si les couples qui ont déjà une première expérience de reproduction ensemble sont plus efficaces que des oiseaux ayant déjà une première expérience mais avec un autre partenaire. En effet, les individus qui restent avec le même partenaire vont pouvoir bénéficier de leur expérience commune pour mieux ajuster leur comportement l’un à l’autre et donc être mieux coordonnés dans les activités partagées (« mate familiarity effect » ; Ball & Silver, 1983; Black, 1996). De plus, ils vont aussi pouvoir évoluer dans leur communication (Marshall-Ball et al., 2006). Dans mon étude j’ai utilisé des oiseaux ayant tous le même âge (environ 1 an) et n’ayant encore aucune expérience de reproduction. Une moitié des oiseaux s’est reproduite deux fois avec le même partenaire tandis que la deuxième s’est également reproduite deux fois mais avec des partenaires différents. Cette étude va permettre de savoir si les couples de diamants mandarins bénéficient de leur expérience commune pour améliorer leur communication, leur coordination et leur succès reproducteur.

155 Figure 14. A) Transpondeur implanté au niveau du ventre d’un oiseau et, B) antenne placée autour des œufs et reliée à un décodeur permettant d’enregistrer en continu la présence des oiseaux dans le nid.

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