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Pour interagir avec son environnement direct, les abeilles partagent les informations nécessaires à la survie de la colonie au moyen de la communication. Chez l’abeille, le terme de communication sociale fait référence aux échanges de signaux entre individus d’une même colonie pour faire un bilan des réserves disponibles dans les rayons, des besoins de la colonie et de la production de nectar ou de pollen (Wilson 1971). Le mode de communication des abeilles peut être classé en trois, le premier reposant sur les signaux chimiques (les phéromones), le deuxième repose sur les signaux vibratoires (les danses, les émissions sonores) et le troisième a lieu lors des interactions trophallactiques (Dechaume-Moncharmont 2003).

I. La communication chimique

Les abeilles sont capables de répondre à différents signaux chimiques, dont l’odeur florale complexe (Laloi et al. 1999) et de s’orienter par rapport à ces indices olfactifs (Wilson 1971). De plus, l’odeur des fleurs peut être véhiculée par la cuticule cireuse des ouvrières travaillant sur les mêmes espèces florales et leur permet de se reconnaitre à l’intérieur de la ruche (Von Frisch 1967, Gil and Farina 2003). Le possible recrutement d’abeille inactive et la communication de l’existence d’une source de nectar par le simple moyen des odeurs florales que les ouvrières véhiculent sont démontrés par certains auteurs (Wenner et al. 1969, Wenner and Wells 1990). Mais la communication chimique la plus courante chez les abeilles est celle reposant sur les signaux phéromonaux. Les glandes productrices des phéromones sont nombreuses, parmi lesquelles on peut citer les glandes mandibulaires, tarsales, tergales, de Koschevnikov.

Figure 20. Localisation de glandes à phéromones chez l’abeille Apis mellifera. Modifié d’après Tanzarella (2005). Figure 21. Communication

par la danse en huit chez l’abeille. [a] Quandla source

est éloignée, la danse prend une forme de faucille et enfin acquiert une structure typique

en huit, adaptée d’après Von Frisch (1967). [b] Communication tactile et auditive entre une danseuse et

quatre suiveuses à l’intérieur de la colonie sur les cadres verticaux (Badiou-Bénéteau et al. 2013). [c] Le codage de la

direction, adapté d’après (Schmid-Hempel et al. 1985). L’angle entre l’axe du huit et la verticale lors de la danse, correspond à l’angle entre la

direction de la source et l’azimut du soleil. Source :

Dechaume-Moncharmont (2003).

14 Les phéromones sont de nature chimique souvent complexe et peuvent comporter plusieurs dizaines de composés et ceci en réponse à la diversité des activités sociales chez l’abeille. La reine par exemple exerce un contrôle très puissant sur les ouvrières, et ses signaux jouent souvent un rôle inhibiteur comme dans le développement ovarien ou l’essaimage. Au contraire, les phéromones émises par les ouvrières sont de nature incitatrice et agissent lors de l’orientation et de la défense (Dechaume-Moncharmont 2003, Howard and Blomquist 2005). L’une des phéromones les plus importantes est celle impliquée dans le butinage ou phéromone de Nassonov. Cette dernière est sécrétée par une glande située au niveau de la membrane intersegmentaire, entre le sixième et le septième segment abdominal des ouvrières (Figure 20). Elle est composée essentiellement des terpénoïdes volatils, géraniol, acide géranique et citral (Boch and Shearer 1962, Cassier and Lensky 1994). Cette phéromone est absente chez les mâles et la reine (Ribbands 1955). La phéromone de Nassanov oriente les butineuses vers une source de nourriture de bonne profitabilité et stimule leur atterrissage sur la fleur (Free 1995). L’antagoniste de cette phéromone est la phéromone de marque répulsive ou 2-heptanone qui permet aux butineuses de reconnaître et d’éviter les fleurs récemment visitées. Ce marquage leur évite de revenir sur une fleur peu profitable et limite les coûts en énergie et en temps associés à la visite de cette fleur (Free and Williams 1983, Lughadha and Proença 1996, Météo- France 2015). Cette phéromone est produite par les glandes mandibulaires (Salguero‐Faría and Ackerman 1999, Mitchell et al. 2017).

II. La danse frétillante et les interactions trophallactiques

Ce mode de communication est largement compris et son mécanisme a été décrit par les travaux de Von Frisch (1967) (Figure 21). La danse frétillante renseigne ses congénères sur la direction, la distance et la qualité de la ressource (Von Frisch 1967, Seeley 1992, Waddington et al. 1998, Afik et al. 2008). La présence d’une source de nourriture (nectar, pollen) proche de la ruche est indiquée par la danse en rond ou « round dance » effectuée à l’intérieur de la ruche sur les rayons de cire. La danse dite « en huit » ou frétillante est réalisée lorsque les ressources sont plus éloignées. Cette danse est orientée (barre du huit) en fonction de l’angle construit par rapport à un axe qualifié d’origine reliant la ruche au soleil et un axe reliant la ruche à la position de la ressource butinée (Von Frisch 1967).

Les mesures des paramètres géographiques et sensoriels des ressources disponibles dans l’aire de butinage des abeilles sont nécessaires à leurs activités de butinage.

Tableau 1. Les 28 sous-espèces d’Apis mellifera décrites et valides sur la base de critères morphologiques et indication de leur appartenance à une lignée évolutive (A : africaines, M et C :

européennes et O : orientale) ou sous-groupe Z (sous-lignée A) sur la base d’analyses morphométriques, de l’ADN mitochondrial ou du génome. Source : Techer (2015) (selon Ruttner (1988), Engel (1999), Sheppard and Meixner (2003), Ilyasov et al. (2011) et Meixner et al. (2011)).

Descripteur Morphologie ADNmt SNPs

Afrique tropicale

A. m. andansonii (Latreille, 1804) A A A

A. m. capensisi (Eschscholtz, 1822) A A A

A. m. jemenitica (Ruttner, 1976) A A/Y/Z -

A. m. lamarckii (Cockerell, 1906) A Z A

A. m. litorea (Smith, 1961) A A A

A. m. monticola (Smith, 1961) A A -

A. m. scutellata (Lepeletier de Saint Fargeau, 1836) A A -

A. m. unicolor (Latreille, 1804) A A A

Afrique du Nord-Est

A. m. intermissa (Maa, 1953) M A A

A. m. sahariensis (Baldensperger, 1932) M/A A -

A. m. sinensis (Meixner et al., 2011) A A/Y -

Ouest de la Méditérannée

A. m. iberiensis (Skorikov, 1929; renamed by Engel 1999) M M/A M

A. m. mellifera (Linnaeus, 1758) M M M

Méditérannée centrale – Europe du Sud-Ouest

A. m. carnica (Pollmann, 1879) C C C

A. m. carpatica (Foti et al., 1965) - - -

A. m. cecropia (Kiesenwetter, 1860) C C -

A. m. ligustica (Spinola, 1806) C C/M C

A. m. macedonia (Ruttner, 1988) C C -

A. m. ruttneri (Sheppard et al., 1997) M/A A -

A. m. siciliana (Grassi, 1881) C/A A -

Moyen-Orient

A. m. adami (Ruttner, 1975) C/O C -

A. m. anatoliaca (Maa, 1953) O C/Z O

A. m. caucasia (Pollmann, 1889) O C O

A. m. cypria (Pollmann, 1879) C C/Z -

A. m. meda (Skorikov, 1929) O Z -

A. m. remipes (Gerstäcker, 1862) O - -

A. m. syriaca (Skorikov, 1929) A/O Z O

Asie Centrale

15 La ration énergétique nécessaire à la récolte d’une ressource ciblée, telle que la manipulation sur les fleurs, au vol de fleurs en fleurs, et le retour chargé à la ruche, est estimé à l’avance par l’abeille butineuse avant de recruter d’autre abeille inactive (Marden and Waddington 1981, Seeley et al. 1991, Waddington et al. 1994). Ainsi la découverte de ressources d’intérêt pour la colonie à un coût énergétique raisonnable régule les stratégies de butinage des abeilles. La butineuse peut donc parcourir une distance pouvant varier de quelques mètres à plusieurs kilomètres en fonction du type de ressources recherchées, de la saison et du paysage (Visscher

et al. 1996, Beekman and Ratnieks 2000, Steffan-Dewenter and Kuhn 2003) (Tableau 2).

Des études ont démontré que les informations transmises dans la ruche, par les communications par les danses, concernent presque exclusivement des sources hautement profitables (Seeley and Towne 1992, Seeley 2014). Les sources de nourriture de qualité intermédiaire sont transmises dans les ruches par une communication « non-dansée » résultant de l’interaction des abeilles par trophallaxie. La trophallaxie est un échange direct de nourriture de "bouche-à- bouche" entre ouvrières, ou entre une ouvrière et la reine (Korst and Velthuis 1982, Farina and Grüter 2009). Ces interactions trophallactiques permettent à des butineuses encore inactives et en attente d’informations sur une source de nourriture potentielle de goûter au nectar ramené par une abeille ayant butiné (Michelsen et al. 1986), et permets d’améliorer la coordination entre les ouvrières (Farina 1996, Farina 2000, Hart and Ratnieks 2001).

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