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5 Communication de J. Enloe

Habitats et peuplements tardiglaciaires du Bassin parisien Compte-rendu de la journée thématique du PCR "Acquisition et exploitation du gibier au Tardiglaciaire dans le Bassin parisien"

deuxième temps », le système économique changerait en réponse à l’évolution climatique, pour une exploitation à l’année du cheval et du renne.

- un modèle dit « synchronique » ou de « complémentarité fonctionnelle » postule une exploitation saisonnière complémentaire des ressources s’inscrivant dans une cycle d’activités annuel durant toute la séquence. Dans ce modèle, on pose la coexistence possible des cultures Magdalénienne et Azilienne, favorisée notamment par la présence à l’année de grandes populations de chevaux, et ce durant toute la séquence 13000-12000 BP (les dates C14 sur os de chevaux prélevés sur différents sites s’échelonnant sur cette séquence).

On le constate, la question du poids des changements environnementaux dans la transformation des stratégies de prédation, reste aiguë encore aujourd’hui, tant le traitement de cette question requiert de mettre en oeuvre une mosaïque d’échelles de résolution et un dialogue interdisciplinaire. Que nous disent alors d’autres types de données environnementales ? Deux présentation ont émargé sur ce thème.

L’évolution de la végétation au Tardiglaciaire7 est fondée sur l’analyse de14 séquences

localisées en fond de vallée. En termes d’évolution du paysage, on retient que leBølling se caractérise par une colonisation progressive des sols par les végétaux. Au début, ce sont principalement des herbacées et des plantes d’eau dans les fonds de vallée qui ressemblent à des paysages de prairies humides. Cette couverture végétale évolue vers une couverture steppique à armoise, encore discontinue, sur laquelle s’implantent les colonisateurs de lumière que sont le genévrier puis le bouleau.

Cette végétation reste cependant fragile durant la suite du Tardiglaciaire. Elle semble réagir

rapidement aux refroidissements du Dryas moyen et du Dryas récent, ce qui se traduit par des phases

de réouverture du milieu avec extension des armoises.

Le retour des conditions tempérées de l’Allerød correspond au développement d’un sol accompagné d’une sédimentation tourbeuse dans certains chenaux de vallées principales et secondaires. L’expansion du couvert forestier s’opère en deux phases, bouleau puis à pin. Le caractère des boisements est cependant encore largement discontinu, comme l’indique la présence significative d’herbacées steppiques et de graminées.

Les prélèvements resserrés (pas de 2cm) ont permis de mettre en évidence de nouvelles oscillations et donc de subdiviser davantage les zonations polliniques (comme dans le Jura). En revanche, le calage chronologique par le C14 de ces séquences du Bassin parisien est encore insuffisant. En particulier dater «des pulsations polliniques» permettraient de préciser les temps de réponses de la végétation, que l’on peut présumer d’ores et déjà «rapides», au vu des corrélations avec les réponses sédimentaires ou encore avec les enregistrements isotopiques. On pourrait également mieux définir ces phases successives de re-colonisation, qui semblent bien caractériser toute cette séquence du Tardiglaciaire.

On peut s’intéresser également à la faune dans une perspective environnementale, dans la mesure où c’est une autre composante biotique de ces milieux en profonde transformation durant le Tardiglaciaire et l’Holocène ancien . La recherche menée dans le cadre de programmes interdisciplinaires s’inscrit dans la perspective de contribuer à restituer un scénario d’évolution

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rupicole (lièvre variable, marmotte et bouquetin) et à l’Holocène ancien la part importance du sanglier et des petites espèces de forêt. L’évolution des signatures isotopiques (13C, 15N et 18 O) enregistrent la fermeture du milieu durant le Préboréal ainsi que la variation des températures (refroidissement du Dryas récent et réchauffement à partir du Préboréal). Ainsi les cerfs chassés durant l’Azilien, broutaient des plantes de milieux ouverts tandis que ceux du Mésolithique et du Néolithique ancien et moyen sont des cerfs évoluant dans des milieux forestiers à canopée développée. En parallèle de ces observations les analyses ostéométriques montrent une diminution significative de la taille des os de cerfs entre l’Azilien ancien et le Néolithique moyen. Les premiers résultats pour le Bassin parisien permettent d’ores et déjà d’initier quelques éléments de comparaison, là aussi la phase de recomposition faunique enregistrée peu avant 12000 BP précède de quelques millénaires C14 l’enregistrement de la fermeture du milieu dans les paléorégimes alimentaires des herbivores dont les niches écologiques se recomposent au cours du temps.

Enfin, la faune chassée constitue également un lien synergique essentiel avec le domaine technique. L’animal est une source de matière première utilisée notamment pour l’équipement de chasse : le bois de renne au Magdalénien et l’os (pour la fabrication de pointes) dans l’azilien ancien du Closeau. En retour, outillages et armements (en os, bois ou silex) visent à répondre à des besoins particuliers. Trois communications ont émargé sur ce thème.

L’analyse de la documentation du Bassin parisien montre qu’au Magdalénien la diversité et l’inventivité était la règle en matière d’armement9. L’analyse des 22 fragments de pointes de

projectiles en matière dure animale connues dans le magdalénien le Bassin Parisien montre trois groupes de modules, des pièces à biseau simple ou double, des pièces à rainure simple ou double10. En

revanche à l’Azilien ancien on observe une restriction très nette marquée par la disparition des pointes en os et des microlithes rectangulaires au profit de pointes en silex de gabarit moyen. L’hypothèse d’un changement de l’armement de chasse (l’arc remplaçant le propulseur à sagaies) conjointement ou en réponse à des changements dans les pratiques de chasse est aujourd’hui reprise et alimentée par d’autres témoignages indirects : la différence de types de percuteur utilisés par ces deux groupes culturels, percuteurs utilisés pour la fabrication des éléments composites des armes de chasse. Cependant, la variété des systèmes d’emmanchement et des modules (petit module) des pointes en bois de renne pose la question de la présence de l’arc dans certaines séries du Magdalénien. Tout ceci pourrait participer de cette réorganisation du système de prédation dont on n’a pas encore toutes les clés. L’un des aspects qui mériterait d’être précisément discuté étant l’approvisionnement en bois de renne et le lieu de fabrication des outillages au Magdalénien.

Cependant, on l’a bien compris, durant cette journée, qu’il reste encore beaucoup à faire pour proposer des modèles11 qui prennent en compte la dissociation dans le temps et l’espace des ces

différentes activités comme par ex. l’acquisition des ressources animales et de la matière première, bois de renne notamment, le traitement des carcasses et la fabrication des outils et des armes, la redistribution et consommation/ utilisation des produits etc.….), etc.…S’y ajoute la complexité d’envisager et d’expliciter les liens entre les déplacements des Hommes et des Animaux, non plus comme des entités globales, mais en les déclinant selon des entités sociales argumentées : hommes, femmes, enfants, mâles, femelles, juvéniles, et ce au gré des saisons et d’en comprendre les intentions et les finalités.

Je conclurai en insistant sur le fait qu’aujourd’hui chacun des différents domaines de recherches a généré beaucoup de données, déclinant des indicateurs multiples. C’est une opportunité très stimulante. Cela suppose un énorme travail de réflexion sur les échelles d’analyse. Il faut encore et toujours interroger ces données dans une perspective interactive, sans faire l’économie de retourner aux données et de s’interroger sur leur validité. Cette journée l’a bien démontré, à ce niveau de discussion interdisciplinaire, on ne peut faire l’économie de points méthodologiques et d’«ouvrir nos cuisines», tant les concepts et les objets d’étude ont toujours besoin d’être définis précisément et

9 Communications de P. Bodu et B. Valentin et de G. Debout. 10 Communication d’A. Averbouh et M. Julien.

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compris de tous pour être discutés. Cela suppose une attitude ouverte, on l’aura bien compris, pour le bénéfice des résultats. Les PCR remplissent leur rôle dès lors qu’il y a la possibilité d’interroger et d’échanger en interdisciplinarité. Je remercie personnellement tous ceux qui ont participé à cette journée et espère qu’elle leur a été fructueuse.