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Dans sa résolution 687 (1991), le Conseil déclara.que l'Irak est tenu responsable en vertu du droit international, de toutes 1es pertes, de tous les dommages et de tous les préjudices directement imputables à l'invasion et à l'occupation illicites du Koweït. Il considéra que l'exécution de la responsabilité devait se faire par un mécanisme institutionnel institué au sein des Nations Unies et créa à cette fin en vertu du Chapitre VII, un fonds pour le financement des paiements dus aux victimes et une Conunission d'indemnisation ayant pour vocation d'administrer les demandes en réparation.?o

Les dommages résultant de la conduite des hostilités relèvent du mandat de ceUe Commission et c'est là un apport non négligeable à la mise en œuvre du droit humanitaire. La question de la responsabilité étatique et de l'indemnisation à verser aux victimes directes d'un fait illicite, obligation coutumière, reprise en l'article 91 du Protocole additionnel I, trouve ainsi un prolongement institutionnel. Même si la Commission a limité les demandes en réparation aux dommages subis par les prisonniers de guerre à la suite des traitements infligés en violation du droit international humanitaire à la suite de l'agression irakienne71 , ce mécanisme n'ell donne pas moins un éclairage sur les possibilités de mise en cause de la

69 Articles 51, 52, BI et 143 des Conventions de Genève

70 F.H. Paolillo, «Nature et caractérisliques de la procédure devant la Commission d'indemnisation des Nations Unies», Le développemelJt du rôle du Conseil de sécurité, Peace-keeping alJd Peace-building, Académie de droit international de la Haye. Colloque, La Haye, 21-23 juillet 1992, Martinus Nijhoff Publishers, 1993, pp. 287-302.

71 Décision Il du Conseil d'administration de la Commission d'indemnisation des Nations Unies du 26 juin 1992, doc. N.U. S/AC.26/1992111. Il est ainsi précisé que «Le Conseil d'admirûstration décide que les membres des forces années de la Coalition alliée ne peuvent faire valoir de droit à réparation pour perte ou préjudice imputable à leur participation aux opérations militaires de la Coalition contre l'Iraq, si ce n'cst dans les cas les trois conditions suivantes sont réunies :

a) la réparation est accordée confomlémenl aux critères généraux déjà adoptés;

Les Nations Unies et l'élaboration du droit international humanitaire ]7]

responsabilité d'un Etat auquel seraient imputables des manquements au droit humanitaire. Le problème sera toutefois celui de savoir si la Commission de compensation devrait seule être compétente pour décider de l'étendue des violations de droit humanitaire ou si elle devrait faire appel pour l'accomplissement de cette tâche à une institution telle le Cooùté international de la Croix-Rouge.

Cette possibilité institutionnelle de demande cn réparation ne se limite bien évidemment pas aux violations de droit humanitaire. Elle couvre beaucoup d'autres dommages, notamment dans le domaine du traitement des étrangers et de la protection des investissements. En outre, l'établissement de la Commission d'indemnisation s'inscrit dans un contexte plus large, prévoyant la oùse en œuvre d'une vaste série de conséquences découlant de l'invasion du Koweït et administrées sur la base du Chapitre VII.

La place faite au droit humanitaire au sein de cette construction, aussi marginale qu'elle puisse être, n'en témoigne pas moins de l'intégrntiol1 du droit humanitaire au droit des Nations Unies, de même qu'au droit international général, ainsi que des possibilités de coopération institutionnelle qui peuvent être mises en place pour faire respecter le droit humanitaire.

On retrouve néanmoins une fragiHté inhérente à loute construction de ce type: l'administration de la justice est étroitement imbriquée dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, dans un cadre juridique qui réserve au Conseil de sécurité des pouvoirs très larges. C'est un organe créé par ce dernier qui a pour tâche de décider des questions d'indemnisation. On fait là une nouvelle fois face au problème général de la légitimité de la compétence du Conseil de sécurité à instituer en vertu du Chapitre VII, des organes à vocation judiciaire ou quasi-judiciaire.?2 Il faut donc s'assurer que les valeurs humanitaires ne fassent en aucun lieu l'objet de transactions politiques.

b) les intéressés ont été failS prisonniers en raison de leur panicipation aux opérations militaires engagées par la Coalition contre J'Iraq, en réaction à son invasion el à son occupation iUicites du Koweit;

c) la perte ou le préjudice est imputable à de mauvais traitements infligés en violation du droit humanitaire international (notamment des Conventions de Genève de 1949)>>.

72 Voir B. Graefrath, «lraqi Reparations and the Security Couneil», Zeitschrift fUr Ausliindisches Offenrliches Recht und VOlkerrech/ (1995), n° l, pp. 1-68.

172 Les Nations Unies et le droit international humanitaire

Conclusion

Les transfonnations récentes de la société internationale ont donné un nouvel essor aux activités du Conseil de sécurité. Les interventions de cet organe sont nombreuses et variées, el eUes sont animées pour l'essentiel par le souci de contribuer à la mise en œuvre du droit international humanitaire. Pour ce faire, le Conseil identifie les nonnes humanitaires applicables et les inletprète pour en évaluer la portée pratique. Décidant de l'application de certaines normes et non d'autres, il évalue leur statut en droit international général, il participe à leur consécration coutumière, ou encore contribue à leur transformation en droit international général.

De manière générale, on peut dire que les membres du Conseil de sécurité interprètent les normes et les développent de manière confonne à l'espril des instruments de Genève. TI faut toutefois évoquer un problème de cohérence qui risque de nuire à l'apport du Conseil de sécurité au droit international humanitaire, En effet, les .Înterventions de cet organe reposent en grande partÎe sur des actions au coup-par-coup qui favorisent une approche trop sélective. 1\ est question de l'application de certaines normes et non d'autres, qui pourtant devraient aussi être respectées. C'est la protection d'un groupe de personnes qui retient l'attention du Conseil, alors que d'autres composantes de la population devraient aussi jouir de la protection du droit humanitaire. C'est encore certaines actions qui sont condamnées au nom du droit humanitaire, et non d'autres alors qu'elles relèvent aussi de la conduite des hostilités. Au risque de perdre son intégrité, le droit humanitaire doit être appliqué de manière systématique et inconditionnelle,

En outre, l'un des pans importants de la contribution du Conseil de sécurité au droit humanitaire tient aux mécanismes qu'il a mis en place pour en assurer Je respect. Les Tribunaux pénaux. internationaux.

sur l'ex-Yougoslavie et le Rwanda sont là pour témoigner de cet apport.

la jurisprudence de ces juridictions pennettra d'étoffer el développer ce droit en quête, tout à la fois, d'évolution permanente ainsi que de précision.

A la lumière de ces nombreux développements, on doit néanmoins se demander si l'intérêt accru que porte le Conseil au droit humanitaire ne risque pas de rendre ce droit otage des intérêts politiques et diplomatiques.

L'application de ce droit ne peut à aucun moment pallier la non recherche d'une solution politique à un conflit, il peut simplement accompagner cette recherche en offrant une protection minimale aux personnes et biens exposés aux effets des hostilités. Il ne peut pas non plus servir d'alibi à un Conseil qui ne serait pas en mesure de décider d'autres questions de droit international. L'interdiction de la modification des frontières par la force ou encore Je principe de l'autodétermination sont des

Les Nations Unies et l'élaboralion du droit international humanitaire 173

principes qui lient le Conseil dans la conduite de ses activités et qui devraient guider son action. tout comme ceux de droit international humanitaire.

S'il est un domaine où l'on peut considérer que le Conseil a pu laisser libre cours à sa créativité73, c'est bien celui du droit international humanitaire. Un tel mouvement doit toutefois se garder de toute surenchère, en même (emps que de toute séleclivité, au risque sinon de perdre de vue l'objectif recherché, à savoir celui du respect du droit international humanitaire en (outes circonstances.

73 Selon l'eltpression du Secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali, dans sa préface au livre du Président de la Cour internationale de Justic:e. Mohanuned BCdjaoui, Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Cotlseil de sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 7.

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