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Nous aimerions bien comprendre d'où provient un tel paradoxe ? Com- ment est-il possible de s'imaginer qu'il est possible de découper une boule d'une certaine manière de telle sorte qu'en la recomposant on obtienne deux fois la même boule ? Les mathématiciens sont-ils fous à ce point pour ima- giner de tels résultats ? Les mathématiciens étaient-ils sous l'inuence de lobbies qui leur demandaient de découvrir une méthode pour gagner beau- coup d'argent et donc les mathématiciens auraient rééchi à une méthode

pour dupliquer de l'or ? Eh bien non ! Rien de tout ça, les mathématiciens ne sont pas fous (enn pas tous) et non pas été sous l'inuence de lobbies. En fait, les paradoxes de Hausdor, Banach et Tarski sont nés des eorts d'assimilation des notions de mesure et intégrale, et s'enracinent dans les premiers travaux de Lebesgue. Pour n ≥ 1, il existe un ensemble B(Rn) de sous-ensembles de Rn dits mesurables au sens de Lebesgue, contenant les produits d'intervalles, et une application λn: B(Rn) → [0; +∞]dite mesure de Lebesgue. Cette application vérie :

(M1) λn(t+∞i=1Xi) =Pi=1+∞λn(Xi), pour Xi ∈ B(Rn) disjoints deux `a deux (M2) λn(g(X)) = λn(X), pour tout X ∈ B(Rn) et toute isom´etrie g de Rn (M3) λn([0, 1]n) = 1

Il est bien dicile d'exhiber un sous-ensemble X ⊂ Rn qui ne soit pas mesurable au sens de Lebesgue. Une première question naturelle consiste donc à demander s'il existe un prolongement de λn à l'ensemble de toutes les parties de Rn qui possède encore les propriétés (M1), (M2) et (M3). Or, un argument dû à Vitali montre que c'est impossible pour tout n ≥ 1.

La propriété (M1) est un ingrédient essentiel de la notion de mesure. Il en existe une variante faible :

(M1 − f) λn(tki=1Xi) = Pi=1k λn(Xi), pour des ensembles X1, ..., Xk de B(Rn) disjoints deux `a deux

qui caractérise les mesures niment additives. Une seconde question natu- relle consiste à demander s'il existe une prolongement de λnà l'ensemble de toutes les parties de Rn qui possède les propriétés (M1 - f), (M2) et (M3) ; le théorème de Banach nous fournit une réponse positive pour n ≤ 2 et le paradoxe de Banach-Tarski (à l'aide de Hausdor), fournit une réponse né- gative si n ≥ 3.

Précisons ce que nous venons de dire :

Dénition 2.5.1. Dans toute la suite, nous appelerons mesure toute appli- cation µ de P(X) l'ensemble des parties de X dans [0; +∞] qui satisfait à l'une des conditions suivante :

(SA) Si A1, ..., An, ... est une suite innie de parties de X deux à deux dis- jointes, on a : µ(∪+∞i=1Ai) = +∞ X i=1 µ(Ai)

(FA) Si A1, ..., An est une suite nie de parties de X deux à deux disjointes, on a : µ(∪ni=1Ai) = n X i=1 µ(Ai)

Dans le premier cas, on dit que la mesure est σ-additive, et dans le second qu'elle est niment-additive.

Bien sûr, habituellement nous parlons de mesure dénie sur une tribu, ici nous considérons uniquement la tribu particulière de l'ensemble des parties de X. Ces mesures particulières sont dites exhaustives.

Dans la suite, µ désignera une mesure exhaustive.

Dénition 2.5.2. Si G est un groupe opérant sur X, on dit que µ est une mesure invariante sous l'action de G ou G-invariante, si pour tout sous- ensemble A de X, et pour tout g dans G, on a µ(gA) = µ(A).

Proposition 2.5.3. Soit G un groupe opérant sur un ensemble X. Si µ est une mesure exhaustive sur X, niment additive et G-invariante, alors µ(A) = 0ou µ(A) = +∞ pour toute partie paradoxale A de X.

Démonstration. Tout d'abord, montrons que si A ∼GB alors µ(A) = µ(B). En eet, si A ∼G B, alors il existe une partition (Ai)1≤i≤nde A, une partition (Bi)1≤i≤n de B et n éléments g1, ..., gn de G tels que

A = ∪ni=1Ai, B = ∪ni=1Bi et pour tout 1 ≤ i ≤ n Bi = giAi donc, µ(B) = µ(∪ni=1Bi) = n X i=1 µ(Bi)(µ finiment−additive) = n X i=1 µ(giAi) = n X i=1 µ(Ai) (µ G−invariante) = µ(∪ni=1Ai) = µ(A)

Ensuite, soit A ⊂ X. Supposons A paradoxale, alors il existe deux sous- ensembles E et F de A tels que E ∩ F = ∅ et tels que E ∼G Aet F ∼G A.

D'après ce que nous venons de montrer, nous avons alors : 2µ(A) = µ(E) + µ(F ) = µ(E t F ) ≤ µ(A) Ce qui n'est possible que si µ(A) = 0 ou µ(A) = +∞.

Par conséquent, le paradoxe de Banach-Tarski permet de conclure qu'il n'existe pas de prolongement de λ3 à l'ensemble de toutes les parties de R3 qui possède les propriétés (M1 - f), (M2), et (M3). Pour (M3), on montre que le cube unité de R3 est équidécomposable à la sphère unité S

2 de R3 et par conséquente, µ([0, 1]3) ne peut pas être égal à 1.

Ce résultat s'étend à toutes les dimensions supérieures à 3.

Pour nir, constatons que le théorème de Banach-Tarski nous permet d'exhiber des ensembles de R3 non mesurables pour la mesure de Lebesgue. En eet, reprenons les notations du théorème 2.4.13 et les ensembles A1 et A2 de la démonstration. Dire que A1 ∼ B3 pour le groupe des isométries de R3 implique que λ3(A1) = λ3(B3) donc cela implique que λ3(A2) = 0 puisque B3 = A1t A2 et de ce fait λ3(B3) = λ3(A1) + λ3(A2). Mais nous avons par ailleurs, A2 ∼ B3, donc λ3(A2) = λ3(B3) = 43π ce qui interdit à λ3(A2)de valoir 0. D'où le fait que A2n'est pas mesurable (et de même pour A1).

Les ensembles de Cantor

Dans ce chapitre, nous parlerons des ensembles de Cantor et de leurs surprenantes conséquences en analyse qui dérouteraient à coup sûr n'importe quel novice en la matière, sans oublier de glisser quelques mots sur le génie à l'origine de ces découvertes.

Dans un premier temps, nous introduirons la géométrie fractale. Ensuite, après avoir précisé quelques dénitions, nous expliciterons la construction des ensembles de Cantor ainsi que la fonction issue de cette construction appelée parfois  escalier du diable . Et pour nir, nous tirerons les conséquences de l'existence de ces objets pathologiques.

Ma principale source d'inspiration est [GEL]. Pour des informations com- plémentaires sur les fractals, consultez [CHA] et [MAN].

Dans tout le chapitre, nous nous plaçons dans (R, |.|) où |.| désigne la valeur absolue.

3.1 Présentation

 Pour les étudier [objets de la nature], j'ai conçu, mis au point et lar- gement utilisé une nouvelle géométrie de la nature. La notion qui lui sert de l conducteur sera désignée par l'un des deux néologismes synonymes,  objet fractal  et  fractale , termes que je viens de former, pour les be- soins de ce livre, à partir de l'adjectif latin fractus, qui signie  irrégulier ou brisé .  [MAN]

Avant que Benoit Mandelbrot ne détermine, dans les années 1970, le concept de  fractale , certains mathématiciens travaillaient déjà sur ce concept sans pour autant le nommer. Georg Cantor faisait partie de ces mathématiciens avec notamment la découverte de son ensemble triadique, aujourd'hui l'une des fractale les plus connues. Nous développerons cet en- semble dans ce chapitre, qui ore d'étonnants contre-exemples en analyse. Avant d'expliciter cet ensemble, faisons une brève introduction à la géométrie fractale.

Jusqu'à présent, la géométrie euclidienne nous conduisait à simplier la réalité en formes lisses et simples : lignes droites, carrés, cercles, etc. Or, si nous regardons d'un peu plus près, la nature présente des lignes dentelées, des structures accidentées, apparemment désordonnées.

Basée sur la reproduction d'un même motif à des échelles de plus en plus petites, la géométrie fractale permet d'étudier des objets jusqu'alors mal compris du fait de la complexité de leur structure et surtout de mieux appréhender cette réalité. Elle s'applique à de nombreux domaines tels la physique, la chimie, la nance, la médecine, etc. Les fractales séduisent par leur caractère esthétique. Nous les trouvons à l'état naturel dans la forme des choux-eurs, des fougères, des poumons, etc.

Benoit Mandelbrot, mathématicien français, cherche dans les années 1970 à construire des modèles géométriques décrivant les formes naturelles, par exemple le contour d'une côte maritime avec la très célèbre question :  Com- bien mesure la côte de la Bretagne ?  [MAN]. Il explique :  J'ai découvert et développé une nouvelle géométrie de la nature, que j'ai appliquée à un certain nombre de champs. Elle décrit maintes formes irrégulières et fragmentaires de notre environnement et aboutit à des théories pleinement développées en identiant une famille de formes que j'appelle des fractales  [MAN].

Dans la géométrie classique, les courbes et les surfaces sont lisses. Elles changent d'aspect avec l'echelle d'observation. Par exemple, si nous obser- vons de très près une courbe, nous voyons un segment et non plus une courbe. Dans la géométrie fractale, les courbes sont accidentées et les surfaces sont rugueuses. L'aspect est inchangé si nous diminuons l'échelle. Si nous obser- vons de très près une courbe fractale, nous voyons toujours cet aspect visuel accidenté et rugueux. Cette propriété des fractales va permettre de caracté- riser et modéliser ce type de formes.

La géométrie fractale est basée sur la reproduction d'un même motif de plus en plus petit. En faisant un zoom sur un objet, nous observons toujours exactement la même structure, quelle que soit l'échelle à laquelle nous nous trouvons. Nous appelons cette propriété l'auto-similarité.  Une fractale est un objet tel que chacun des morceaux reproduit, en plus petit, la structure du tout  [MAN].

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