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Mais quand commence la maladie d’Alzheimer ? 1-Evolution des lésions les unes par rapport aux autres

I NTRODUCTION GÉNÉRALE

IV- Mais quand commence la maladie d’Alzheimer ? 1-Evolution des lésions les unes par rapport aux autres

La chronologie d’apparition des lésions les unes par rapport aux autres, ainsi que leur évolution relative sont aujourd’hui mieux connues, contrairement à la vitesse avec laquelle elles se forment (cette vitesse est en effet impossible à apprécier).

Quelle est la lésion initiale, le dépôt amyloïde ou l’accumulation intracellulaire de protéine tau ? La réponse est encore discutée. Des dépôts de Aβ ont été observés en l’absence de DNF, dans le cortex de patients trisomiques 21 décédés à un âge précoce, et chez des patients porteurs de mutations responsables de la forme familiale de la maladie d’Alzheimer avant l’apparition des premiers symptômes.

La détection systématique chez un grand nombre de sujets des dépôts d’Aβ et de la protéine tau en fonction de l’âge a établi la constatation suivante : dans une proportion significative de la population, des DNF étaient présentes en l’absence de dépôts d’Aβ. Les résultats issus de l’observation d’un nombre défini et limité d’échantillons sont ensuite extrapolés aux régions non examinées. Cependant, la précession des DNF sur l’accumulation du peptide amyloïde dans les formes sporadiques de la MA n’est pas prévue par l’hypothèse de la cascade amyloïde selon laquelle la perturbation du métabolisme du peptide Aβ est à l’origine de l’ensemble des lésions. En fait, il semblerait que le « vieillissement cérébral » explique l’apparition des DNF, alors que la perturbation du métabolisme d’Aβ serait propre à la maladie. L’interaction entre les DNF et les dépôts d’Aβ permettrait seule l’extension des lésions. L’hypothèse suivante peut donc être envisagée : la pathologie tau est stimulée par le dysfonctionnement de l’APP conduisant à la propagation hiérarchisée de la DNF à l’ensemble du cerveau. Ceci a pu être vérifié dans un certain nombre de modèles animaux dans lesquels la combinaison de pathologies tau et amyloïde accélère le processus neurodégénératif (Gotz et coll., 2004 ; Roberson et coll., 2007). La neurodégénérescence ne serait pas une conséquence directe de la neurotoxicité d’Aβ, mais il y aurait un effet synergique de la perturbation des fonctions de l’APP sur la propagation de la « pathologie tau » à l’ensemble des neurones (Delacourte et coll., 2002).

Une fois constituées, les DNF subsistent longtemps dans les neurones puis, une fois le neurone mort, dans le milieu extracellulaire sous forme de DNF « fantômes ». Non résorbées par l’organisme, elles apparaissent successivement dans différentes aires du cortex cérébral.

Pour l’heure, nous ne disposons pas encore d’une vision dynamique des lésions : progressent-elles toutes en même temps ? Peuvent-progressent-elles rester stables pendant des années ?

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elles parfois ? Il faudra attendre la visualisation in vivo des lésions, ou l’apparition de marqueurs biologiques sensibles et spécifiques pour mieux comprendre l’évolution des lésions. Sur le plan clinique, on ne peut pas dire que la maladie apparaît dès lors que l’on est en mesure de visualiser in vivo (par des techniques d’imagerie que nous aborderons en seconde partie) telle ou telle lésion cérébrale. La nuance est plus complexe car les troubles cognitifs sont présents bien des années avant l’établissement du diagnostic de la maladie.

En somme, le « début » de la maladie est très difficile voire impossible à déterminer. La MA est une pathologie insidieuse qui évolue à bas bruit pendant de nombreuses années. C’est l’association de plusieurs examens (cliniques, neuropathologiques) qui permet d’orienter le diagnostic de MA et son stade.

2- Eléments de diagnostic de la maladie d’Alzheimer

Selon les recommandations européennes, le diagnostic de la MA ne peut être proposé qu’à partir du stade de la démence. Ainsi, le délai entre l’apparition des premiers symptômes de la maladie et l’établissement du diagnostic peut atteindre plusieurs années (jusque 20 ans) (rapport OPEPS n° 2454).

Dans l’idéal, le diagnostic de la MA doit se faire dès l’apparition des premiers symptômes. Il nécessite une évaluation cognitive approfondie, réalisée de préférence dans le cadre d’une consultation mémoire spécialisée. Il est recommandé d’utiliser les critères diagnostiques de la MA selon le DSM-IV (manuel diagnostique et statistique) et le NINCDS-ADRDA (voir annexes). L’évaluation initiale du patient nécessite un entretien avec celui-ci et si possible, avec un de ses proches ou aidants, capable de donner des informations fiables. Lors de cet entretien, il sera recherché la présence d’antécédents médicaux personnels et familiaux, les traitements actuels et antérieurs, le niveau d’éducation, l’activité professionnelle, l’histoire de la maladie, le changement de comportement et le retentissement des troubles sur les activités quotidiennes. Une évaluation cognitive globale est réalisée grâce au MMSE et le retentissement des troubles cognitifs sur les activités du quotidien peut être appréciée par différentes échelles comme l’IADL par exemple (Instrumental Activities of Daily Living). L’examen clinique devra aussi évaluer l’état général et cardiovasculaire du patient et son degré de vigilance. Enfin, le clinicien cherchera toute autre comorbidité (dépression anxiété, dénutrition, …).

Ensuite, un bilan neuropsychologique doit être réalisé afin d’évaluer chacune des fonctions cognitives, en particulier la mémoire épisodique, la mémoire sémantique, les fonctions exécutives, l’attention et les fonctions instrumentales (langage, praxie, gnosie, calcul).

Les examens para cliniques comportent des examens biologiques afin de rechercher toute autre cause aux troubles cognitifs et pour éventuellement dépister une comorbidité : dosage de la thyréostimuline, de la glycémie, de l’albuminémie, réalisation d’un hémogramme, d’un

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ionogramme sanguin, bilan rénal. Une imagerie cérébrale est recommandée pour toute démence d’apparition récente : l’IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) permet de visualiser au mieux l’hippocampe. Enfin, l’analyse du liquide céphalo-rachidien est également recommandée. Elle nécessite une ponction lombaire, geste pouvant s’avérer dangereux mais nécessaire pour rechercher l’existence des marqueurs de la MA (HAS, 2008).

La neuropathologie de la maladie d’Alzheimer est loin d’avoir livré tous ses secrets. Ses progrès au cours des vingt dernières années ont été spectaculaires : identification du peptide Aβ et de la protéine tau au sein des lésions. Si l’examen du tissu humain post-mortem est la seule ressource dont dispose la neuropathologie aujourd’hui, l’analyse de modèles dynamiques comme ceux obtenus chez des souris transgéniques à déjà modifié la compréhension de la maladie. Le problème est qu’à l’heure actuelle, un seul type de lésions peut être reproduit chez l’animal, mais on ignore toujours s’il s’agit de la bonne hypothèse physiopathologique. Demain, la visualisation des lésions in vivo pourrait permettre de mieux appréhender l’évolution de la maladie.

V- Génétique

La MA regroupe des formes familiales (1% des cas environ) et des formes sporadiques dont la cause est encore indéterminée. Certaines formes familiales agressives à début précoce sont clairement d’origine génétique, comme en atteste l’identification des loci des gènes situés sur les chromosomes 21, 14 et 1 (Mullan et Crawford, 1993 ; Rogaev et coll., 1995). Des mutations génétiques ont d’ailleurs été mises en évidence dans des formes familiales. La première qui fut décrite fut celle de la mutation du gène de l’APP. Des mutations des gènes de la préséniline 1 (PS1) et de la PS2 ont aussi été mises en évidence dans certaines formes familiales de la MA (Schellenberg, 1995 ; Gatz et coll., 2006). Ces mutations du gène des PS ne sont responsables que d’environ 5% des formes familiales de la MA, mais représentent les formes les plus sévères de la maladie. La PS1 participe, avec d’autres protéines, à la formation d’Aβ par coupure de l’APP. De plus, le gène de l’apolipoprotéine E (ApoE) intervient quant à lui dans la MA sporadique. Il existe 3 allèles du gène de l’ApoE : E2, E3 et E4. La fréquence de l’allèle E4 est plus importante chez les patients atteints de MA sporadique, ce qui suggère que l’ApoE4 interviendrait comme un facteur de risque de développement de la maladie. Néanmoins, tous les individus porteurs de l’ApoE4 ne seront pas atteints de la MA, et des individus qui ne portent pas cet allèle pourront la développer. Enfin, un nouveau gène SORL 1 (neuronal sortilin related receptor) a été identifié comme associé aux formes sporadiques de la MA (Rogaeva et coll., 2007).

Les formes familiales autosomiques dominantes de la MA sont quant à elles caractérisées par une démence de type frontal avec un syndrome parkinsonien. Elles sont généralement dépourvues de substance amyloïde, mais de nombreux neurones comportant des DNF et des dépôts fibrillaires sont néanmoins présents, avec comme constituants majeurs des protéines tau hyperphosphorylées. Les mutations retrouvées sur le gène de tau sont à proximité des

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séquences codant les domaines de liaison aux microtubules (régions 3R et 4R). La plupart de ces mutations conduisent à la surexpression des isoformes 4R et leur agrégation en filaments. Ainsi, l’équilibre entre les formes 3R et 4R de tau est fondamental pour la physiologie neuronale. Si un changement survient dans la balance des isoformes de tau, cela conduit à des profils électro-phorétiques particuliers en fonction des isoformes impliquées. La pathologie est cependant modulée par de nombreux facteurs innés ou acquis.

Les protéines tau seraient ainsi directement impliquées dans le processus pathologique conduisant à la mort cellulaire et aux signes cliniques.

Certaines modifications génétiques et impliquant des protéines qui participent aux lésions cérébrales sont en rapport avec les formes familiales de la MA. Enfin, de nombreux gènes et leurs polymorphismes ont été associés aux formes sporadiques, mais il n’existe pour l’heure pas de consensus sur les spécificités des liens entre génétique et MA.