• Aucun résultat trouvé

A. L’ACCOMPAGNEMENT DE LA FONCTION MANAGERIALE

3. Du commandement au leadership

Dans une organisation mécaniste, le pouvoir managérial se trouve étroitement lié à la notion de subordination telle que retenue dans le code du travail19. La coopération transverse conduit donc à une remise en cause partielle d’un management directif largement bâti sur le pouvoir hiérarchique et la prescription. Cette différence entre les deux types de management a été identifiée par différents auteurs, qui ont affirmé que « le manager d’équipe est gestionnaire

d’un groupe sur lequel il dispose d’un pouvoir hiérarchique, le manager transversal n’a pas ce pouvoir » (Lemonnier 2015, 535). « Ce dernier, faute de disposer de ce fameux pouvoir hiérarchique, doit convaincre, justifier, concerter, négocier… » (Lemonnier 2015, 542).

Le développement de la coopération transversale conduit donc à une évolution des relations entre les différentes équipes ou personnes agissant au sein de l’entreprise. S’il est retenu que le pouvoir « implique toujours la possibilité pour certains individus ou groupes d’agir sur

d’autres individus ou groupes » (Crozier et Friedberg 1977, 65), il apparaît alors que les formes

de pouvoir s’exerçant dans une équipe de travail seront de nature différentes selon qu’elles sont mobilisées par le manager hiérarchique ou bien par le manager fonctionnel. Ce dernier devra mobiliser des compétences relevant du leadership c’est-à-dire de la jonction de la compétence reconnue et de l’engagement au service du bien commun (Frimouse s. d., 172), bien plus que du commandement qui ne disparaît pas pour autant des missions du manager hiérarchique (Charbonnier 2006, 13). Conscientes de cette évolution, certaines entreprises ont développé des programmes spécifiques à destination de leurs managers intitulés « leading without authority » (E4).

Ce changement de posture managériale justifiera un rôle actif de la DRH qui devra positionner en situation de management des salariés disposant de compétences non seulement techniques mais aussi comportementales spécifiques. Dans un modèle voulant favoriser la coopération transversale plus que dans tout autre modèle, la promotion à des fonctions de management de collaborateurs disposant de seules compétences techniques devra être remise en cause alors que cette pratique est encore courante dans bon nombre d’organisations faute de savoir valoriser la compétence technique par rapport à la compétence managériale et d’associer des perspectives de développement de carrière satisfaisante pour l’ensemble des collaborateurs. Certains

19« Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. » Cass. Soc. 13 novembre 1996, n°94-13187, BC V, n°386

61

directeurs des ressources humaines interrogés ont souligné « l’importance de recruter des

managers câblés pour l’organisation responsabilisante, dotés des soft skills nécessaires à la coopération » (E2). En précisant que l’intelligence artificielle pourra remplacer les hard skills

mais pas les soft skills.

La DRH devra accompagner les managers confrontés à ce type d’organisation en leur permettant de disposer de nouvelles aptitudes et de nouveaux outils distincts qui leur permettront de se dégager d’un management reposant majoritairement sur le seul travail prescrit. Cette transition managériale sera aussi conditionnée par une bonne connaissance par l’ensemble des managers, qu’ils soient fonctionnels ou hiérarchiques, des modes d’organisation déployés. Ainsi, il serait vain de tenter de déployer un management agile ou en mode projet sans s’assurer que l’ensemble des intéressés en connaissent les rouages. Pour ce faire, des actions de formation pourront être intégrées dans le plan d’accompagnement élaboré par la direction des ressources humaines.

Outre ces actions de formation visant les aspects organisationnels, la direction des ressources humaines veillera à ce que la politique et les processus dont elle a la responsabilité et qu’elle devra adapter dans ce nouveau cadre, comme nous le verrons plus loin, fasse aussi l’objet de formations spécifiques. Cette action nous semble particulièrement nécessaire dans une perspective d’alignement de l’organisation et des conventions ressources humaines.

Si les entreprises de taille importante avec des organisations RH structurées telles qu’un éditeur de logiciels l’ont mis en place des dispositifs d’accompagnement des managers ainsi que cela a pu être évoqué lors des entretiens réalisés à l’occasion de ce mémoire (E4), les PME semblent ne pas toutes avoir intégré la nécessité de se doter de pratiques de gestion des ressources humaines suffisamment robustes en ce domaine (Payre 2017, 36). C’est à n’en pas douter un axe d’amélioration qui pourrait être développé.

Préconisations

• S’assurer que le sommet hiérarchique a la volonté de promouvoir la transversalité dans l’organisation ;

• Réaffirmer l’importance et le rôle de la ligne managériale dans cette évolution organisationnelle ;

• Redéfinir avec précision la mission et les moyens des managers ;

• Lors de la mise en œuvre d’une nouvelle organisation favorisant la coopération transversale, la DRH devra réaliser une étude d’impact sur le management visant à identifier ceux qui seraient susceptibles de voir les modalités d’exercice de leurs fonctions affectées ;

• Un plan d’accompagnement des managers concernés par cette transformation doit être élaboré par la DRH. Ce plan comporte plusieurs volets :

o Communication aux managers les éléments de contexte (concurrentiels, économiques, techniques) justifiant l’évolution vers plus de coopération transversale ;

o Actions de communication visant à préciser les attendus de cette nouvelle organisation, mais aussi la place du manager ainsi que la posture managériale attendue ;

62

o Actions de formation permettant d’appréhender le fonctionnement des organisations mises en place (agile, projet …) pour assurer la bonne compréhension par le manager des modalités de réalisation du travail des salariés ;

o Actions de formation en direction des managers visant à développer leur capacité à déléguer et à soutenir leur collaborateurs mais aussi à développer la subsidiarité ; o Actions de formation aux processus ressources humaines repensés dans ce nouveau

design organisationnel (évaluation, gestion des compétences et rémunération notamment) ;

o Repositionnement éventuel des managers en place ne pouvant être projetés dans cette nouvelle organisation laquelle peut conduire dans certains cas à la rupture des liens contractuels avec l'entreprise.

Documents relatifs