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Chapitre I : L'action du collectif du 29 Juin en faveur de la cohésion sociale à Villiers-le-Bel

Section 3 Le collectif du 29 Juin comme acteur de la réorganisation locale de la régulation

Le collectif du 29 Juin étant une instance de participation coproductive, il apparaît selon l'échelle de la participation des citoyens de Sherry Arnstein que le niveau coproductif permet un certain « empowerment » des participants et bénéficiaires de la participation.

Ainsi, concernant les membres du collectif, il semble que leur engagement leur ait permis d'acquérir des connaissances, de rencontrer de nombreuses personnes et professionnels ou encore de développer un sentiment d'utilité sociale.

Une membre fondateur assure ainsi que sa participation au collectif lui a permis de se sentir davantage utile, de relativiser ses soucis, elle témoigne aussi que « c'est un enrichissement, ça permet de connaître de nouvelles personnes, et puis il y a des trucs que je ne savais pas que ça existait avant de m'engager dans le collectif...Ça a changé ma vision de plein de choses ».

Une autre membre insiste sur le caractère intégrateur de cet engagement « je suis contente de trouver dans ce collectif un endroit d'accueil ou on peut parler...Ça crée du lien et ça me permet d'être mieux intégrée dans ma ville, de mieux la connaître ».

Enfin, les membres du collectif reviennent aussi sur l'importance que revêt selon elles l'engagement citoyen : « on se rencontre autour d'un objet qui nous tient beaucoup à cœur, qui est la mise en valeur de la citoyenneté. Sans le collectif, je crois que je n'aurais pas su employer le mot citoyen de la même façon ». Une membre fondateur part d'ailleurs de son histoire personnelle : « avant mon engagement associatif et puis dans le collectif, je faisais ma petite vie, je ne m'occupais pas de ces problèmes, tu vois. Mais je me suis demandée : est-ce qu'être citoyen c'est juste payer ses impôts, aller voter et puis fermer ma bouche ?...Il faut que les gens d'ici comprennent que temps qu'on ne prend pas sa pleine place citoyenne, on ne sera pas grand chose ».

D'autre part, le collectif du 29 Juin apparaît bien comme un acteur de la réorganisation locale de la régulation sociale, en ce qu'il émerge comme un nouvel outil face aux insuffisances des instances traditionnelles de production de la cohésion sociale dans les quartiers d'habitat social. Une membre fondateur du collectif évoque ainsi qu'elle « découvre avec étonnement qu'on est considéré comme un baromètre de la pression des quartiers », tandis qu'une autre membre moins engagée dans le collectif estime qu' « on sent bien que l'avenir des banlieues est dans ce type d'actions...Elles sont des interprètes, des avocates et puis elles ont un langage tellement différent de celui des politiques ou des technocrates habituels. D'ailleurs je pense que certains journaux ne s'y trompent pas parce que leurs interventions sont suivies par les journalistes ».

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étant une nouvelle fois entendue comme reposant sur la double nécessité d'intégration sociale et de contrôle social et se matérialisant par les processus de régulation sociale.

Au demeurant, en matière de contrôle social informel, les membres du collectif pensent que leur actions ont permis une évolution des mentalités, une participante déclarant « qu'on a un peu d'évolutions des mentalités. Avant tout les gens subissaient...Depuis que le collectif existe, je crois que ça fait réagir, j'espère que ça a fait réagir...On est interpellé par les gens, et les gens font davantage leur devoir de citoyen et c'était jusque ce qu'on demandait ».

Si cette évolution semble bien difficile à mesurer et comme nous l'avons fait remarquer, que d'autres facteurs doivent être pris en compte, il peut tout de même être pensé que les actions même du collectif, par exemple celles de médiation, participent d'un renforcement du contrôle social informel. De plus, le fait que les actions du collectif soient mobilisées par les institutions telles que la mairie de Villiers-le-Bel ou la police nationale face à leurs propres insuffisances laisse à penser que le collectif permet un plus fort contrôle social. De surcroit, la participation au CLSPD ou les rencontres entre police et population rappellent ce que l'on peut retrouver dans les expériences de « community policing ».

D'autre part, concernant l'intégration sociale, le rôle du collectif semble ici davantage symbolique à travers des discours dénonçant les violences institutionnelles et sociales et la volonté de restaurer le vivre ensemble à l'échelle de la ville, rejoignant alors la stratégie politique de la mairie via son plan de renouvellement urbain. Pour autant, l'action concrète du collectif en faveur d'une amélioration de l'offre de transports en commun sur la ville témoigne bien de cette volonté de favoriser l'intégration urbaine, économique et sociale des habitants de Villiers-le-Bel.

Au reste, l'influence du collectif en matière de cohésion sociale et de vivre ensemble pourrait peut- être se mesurer aux suites d'un accident s'étant produit le 9 Juin 2012 et qui rappèle celui du 25 Novembre 2007, à l'origine des violentes échauffourées qu'a connues la ville.

En effet, suite à ce récent accident entre une voiture de police de la Brigade Anti Criminalité (BAC) et deux jeunes hommes circulant en scooter, le collectif du 29 Juin a alors publié quatre jours plus tard un communiqué de presse intitulé « Pourquoi s’étonner que Villiers-le-Bel soit calme après l’accident ? ».

Il apparaît bien maladroit d'établir l'influence du collectif dans ce genre de situation, tandis que là encore bien d'autres facteurs sont évidemment à prendre en compte, tels qu'un contexte différent, le fait que les deux jeunes hommes aient été blessés dont un gravement mais ne soient heureusement pas décédés, ou bien encore la grande prudence des institutions et la visite du nouveau ministre de

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l'Intérieur aux policiers comme au jeune homme gravement blessé.

Pour autant, l'hypothèse peut être faite que les multiples appels au calme et le fait qu'ils aient été entendus, sont aussi, en partie, le résultat des actions du collectif du 29 Juin.

Dans son communiqué de presse, le collectif apporte tout d'abord son soutien aux proches du jeune homme gravement blessé avant de critiquer une nouvelle fois les penchants sensationnalistes de certains médias, et de rappeler avec fierté l'engagement citoyen et la responsabilité des beauvillésois-e-s.

Les membres du collectif déclare en outre que « de fait, Villiers-le-Bel ne brûle pas. Tous les réseaux citoyens actifs de la ville œuvrent quotidiennement pour éviter que d’autres évènements malheureux ne fragilisent la ville...Nous, habitants et acteurs de terrain, savons trop bien que derrière ces évènements règnent la douleur et la souffrance d’habitants, de jeunes, d’enfants et de parents inquiets pour la jeunesse et l’unité d’une ville ».

De plus, fidèle à ses missions de contrôle social et de dénonciation de toutes les formes de violence, le collectif invite premièrement à s'interroger sur la pratique dangereuse du deux-roues pour ses utilisateurs comme pour les habitants, et une nouvelle fois, sur le partage de l'espace public « par tous et toutes ».

Deuxièmement, le collectif souhaite s'interroger sur le cadre des interventions de la police dans les quartiers et assure qu'il fera une nouvelle fois preuve de vigilance citoyenne quant au travail de la justice sur cet accident.

Enfin, témoignant du caractère coproductif de cette instance de participation, le collectif demande aux institutions concernées l'organisation d'une réunion du CLSPD « au début de l'été », où ces points auront été abordés.

De surcroit, au-delà des ces actions en partenariat avec les institutions, le collectif du 29 Juin a aussi participé au développement de la cohésion sociale et du vivre ensemble à l'échelle de la ville toute entière, par d'autres actions telles que des « marches contre la violence », un hommage au jeune homme assassiné le 26 Juin 2010, l'encadrement d'un concert de rap, des sit-in devant les établissements scolaires ou bien même des distributions de tracts sur le marché, aux arrêts de bus et à la gare.

Toutes ces actions sont pensées pour intensifier la confiance entre habitants et le sentiment d'appartenance à la ville au delà de ses différents quartiers, mais aussi pour permettre une réappropriation de l'espace public.

Au demeurant, nous allons voir à présent que cette réappropriation de l'espace public témoigne aussi de l'influence de l'action du collectif du 29 Juin sur les rapports sociaux de sexe locaux.

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Chapitre II : Les incidences de l'action du collectif du 29 Juin sur les