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Chacune de ces expériences a impliqué un suivi régulier des variations des paramètres physico-chimiques (T°C et chimie de l’eau) dans les différents milieux de vie ; la fréquence des contrôles allant du mois dans le cas du suivi des 8 rivières, à tous les 15 jours dans le cas des larves élevées à Medous et à toutes les semaines pour le chenal de Lapitxuri.

Le chenal du Lapitxuri est alimenté par une petite rivière (module voisin de 0,5 m3.s-1) que nous avons échantillonné 18 fois au cours de l’expérience (Toutes les semaines). Les biefs contenaient des galets calibrés de 1 à 8 cm comme dans le milieu naturel. L’apport de nourriture pour les juvéniles de saumon s’est fait de façon naturel.

Figure 21 : Localisation et vue du chenal de Lapitxuri mis en œuvre par la station Hydrobiologique de l’INRA de St-Pée-Sur-Nivelle.

Le 25 janvier 2011, les larves ont été marquées à l’Alizarine Red S (C14H7O7SNa, Sigma-Aldrich Corporation, Saint Quentin Fallavier, France) juste après l’absorption du sac vitellin, selon le protocole décrit dans (Caudron and Champigneulle 2009). Le but était d’introduire une marque fluorescente sur les otolithes avant le transfert des poissons dans le chenal expérimental de Lapitxuri. Pendant l’expérience, une crue soudaine est arrivée le 23 février et a modifié la chimie de l’eau dans le chenal pendant 25 jours. Dans le but d’analyser les variations et les cinétiques d’incorporation du Sr et du Ba dans l’otolithe après cet événement, un second marquage Alizarine a eu lieu le 15 mars, soit 49 jours après le départ de l’expérience.

Figure 22 : Marquages Alizarine (A) au départ de l’expérimentation et (B) après la crue A

B

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Suite à ce deuxième marquage, les juvéniles ont été relâchés et maintenus dans le chenal jusqu’à la date de leur prélèvement final. Les juvéniles ont été élevés pendant 127 jours dans le chenal après le premier marquage et 24 individus ont été sélectionnés pour l’analyse de leurs otolithes (âge 0+, LF: 52.92 ± 8.78 mm).

Les résultats montrent que les rapports Sr:Ca mesurés dans le primordium des larves nées dans le chenal de Lapitxuri (de mère anadrome) sont comparables ceux des larves récoltées dans les rivières non alevinées (mère anadrome), et sont 3 fois plus élevés que ceux ou élevées à Cauterets (origine piscicole). Cela confirme que les ratios Sr:Ca mesurés avant la marque de résorption du sac vitellin dans les otolithes de juvéniles de saumon sont a priori le reflet indirect du lieu de maturation des femelles, en relation avec le temps de résidence en eau douce de ces dernières avant la ponte. Après la phase larvaire, l’incorporation du Sr:Ca dans l’otolithe, pour l’ensemble de nos individus (rivières natales, écloserie de Médous ou chenal de Lapitxuri), reste stable temporellement, malgré des variations de température et de Sr:Ca dans l’eau qui laisse penser que la température ne joue pas un rôle important et que l’otolithe tamponne d’éventuelles variations saisonnières dans le rapport Sr :Ca des eaux. Par contre, encore une fois on vérifie que le niveau de ce rapport est en relation étroite avec celui des eaux de vie.

De nombreux auteurs ont observé l’existence de corrélations positives entre le rapport Ba:Ca dans l’otolithe et celui mesuré dans l’eau du milieu de vie (Gillanders 2005b).

Toutefois, la physiologie du poisson pourrait avoir une influence significative dans l’incorporation des éléments traces et celle du Ba en particulier (De Pontual et al. 2003).

L’examen des profils continus du rapport Ba:Ca des différentes larves étudiées montre l’existence d’un ou plusieurs pics qui ne sont pas en relation directe avec une augmentation de ce même rapport dans l’eau. Un premier pic, situé au moment de la marque de résorption du sac vitellin, est observé pour toutes les larves, qu’elles soient élevées en milieu contrôlé ou dans le milieu naturel (Figure 23). Ce pic apparaît moins prononcé sur les larves nées à Cauterets. Un « choc physiologique », au moment de la transition entre les réserves contenues dans le vitellus et le milieu extérieur, serait peut être à l’origine de ce pic de Ba.

Un autre pic significatif est présent plus tardivement au cours du développement de certains juvéniles, en particulier pour les larves élevées à Cauterets puis relâchées dans le milieu naturel (Figure 24) ainsi que pour les larves élevées dans le chenal de Lapitxuri (Figure 25). Dans le premier cas, les larves nées à Cauterets et élevées à Médous (faible rapport Ba:Ca dans l’eau), puis relâchées dans le milieu naturel (Ba:Ca plus élevé), présentent un pic maximum de Ba:Ca qui coïncide exactement avec le moment où le poisson a été transféré dans la rivière. La valeur moyenne de ce pic de Ba dans l’otolithe n’est pas en lien direct avec la composition élémentaire de l’eau des rivières. Il faut attendre plusieurs jours avant que l’équilibre entre la chimie de l’otolithe et celle de la rivière ne se fasse (phase de décroissance du pic de Ba:Ca jusqu’à la stabilité).

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Figure 23 : variabilité temporelle du Ba :Ca des otolithes de saumons prélevés dans les rivières non-alevinées.

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Figure 24 : présence d’un double pic de Ba :Ca dans le cas des alevins issus de pisciculture et alevinés dans l’Ouzom. Les variations du rapport dans les eaux et de la température ne peuvent pas expliquer les variations dans l’otolithe.

Dans le cas des juvéniles se développant de façon naturelle dans le chenal de Lapitxuri, les larves n’ont pas subi de changement de milieu. En revanche, une crue soudaine a modifié la chimie de l’eau (notamment le rapport Ba:Ca) dans le chenal pendant 25 jours. D’autre part, ces larves ont été marquées à l’Alizarine Red S, dès leur introduction dans le chenal, ainsi que 49j après le début de l’expérience; c'est-à-dire, juste après la crue.

Suite à ce deuxième marquage, les juvéniles ont été relâchés et maintenus dans le chenal jusqu’à la date de leur prélèvement final. Ces marquages ont permis d’analyser les variations et les cinétiques d’incorporation du Ba dans l’otolithe avant et après cet événement. La seule

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27-Jan-10 11-Mar-10 02-Apr-10 27-Apr-10 21-May-10 24-Jun-10 22-Jul-10 30-Aug-10 Water sampling

27-Jan-10 11-Mar-10 02-Apr-10 27-Apr-10 21-May-10 24-Jun-10 22-Jul-10 30-Aug-10 Water sampling

April 15th: stocking release date in the Ouzom River

a)

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explication logique du second pic de Ba:Ca dans l’otolithe serait l’enregistrement de l’épisode de crue qui a modifié la composition chimique de l’eau pendant 25j. Néanmoins, nos résultats indiquent également l’existence d’un délai d’incorporation de l’ordre de 20j entre le changement du rapport Ba:Ca dans l’eau et celui mesuré dans l’otolithe ; la valeur du pic de Ba:Ca dans l’otolithe étant en relation avec la moyenne du Ba:Ca mesurée dans l’eau pendant 25j.

Figure 25 : variabilité temporelle du Ba :Ca et de la température des eaux et évolution du Ba :Ca des otolithes de saumons au cours de l’expérimentation. Présence de deux pics, le premier d’origine physiologique (résorption du sac vitellin) et le deuxième en réponse à une crue (en relation avec la chimie de l’eau).

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Ces expériences ont permis de ne pas prendre en compte les pics de Ba attribués à des processus physiologiques lors de changements de milieu (sac vitellin—milieu extérieur ou pisciculture—rivière) dans le calcul des signatures représentatives de chaque rivière de développement. Au-delà de ce résultat singulier, toutes ces observations concernant l’incorporation du Ba dans l’otolithe mettent l’accent sur l’ambigüité qui peut exister dans l’interprétation des mouvements des poissons entre différents milieu de vie. Bien que ces expériences ne s’appliquent qu’au saumon Atlantique, on peut imaginer que pour d’autres espèces migratrices qui changent de milieu (passage mer/estuaire ou estuaire/rivière), l’incorporation du Ba ne soit pas toujours en rapport avec la chimie ambiante. Si tel est le cas, l’utilisation du Ba pour interpréter l’histoire de vie des poissons pourrait devenir plus complexe que prévu.

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5 - PERSPECTIVES

Les premiers résultats obtenus (OTOLITHES 2009-2012) avaient montré qu’un outil innovant, la microchimie des otolithes basée sur des technologies de pointe en chimie analytique, était capable d’apporter des réponses sur l’origine natale (naissance en rivière ou à la pisciculture) et la rivière de développement des saumons adultes de retour pour se reproduire dans le bassin de l’Adour.

Dans le cadre d’HIVISABA (CG64-2011-2013), nous avons confirmé ces résultats préliminaires et affiné l’outil qui a été appliqué avec succès à un plus grand nombre de saumons de retour (180 au total). Nous avons ainsi pu évaluer qu’environ 10% de ces saumons sont issus d’alevinage (Pau en majorité), que 62% sont originaires du bassin du gave d’Oloron, que 9% sont natifs du bassin des Nives et que 10% environ auraient une origine extra-bassin de l’Adour.

La variabilité inter-annuelle n’a été cependant que très peu abordée pour le moment par manque d’échantillon représentatif sur une durée pluri-annuelle. De quel ordre est-elle ? De plus, alors que les saumons âgés d’un hiver de mer (1HM=castillons) représentent en général plus de la moitié des retours (MIGRADOUR, 2011), notre source principale d’échantillons (la pêche professionnelle et accessoirement amateur) nous a permis de récupérer en grande majorité des plusieurs hiver de mer (PHM). La rivière de développement et l’origine natale des castillons sont-elles les mêmes que celles des PHM ? Le rôle du gave d’Ossau est-il en déclin ? Quel est le rôle des autres rivières du bassin du gave d’Oloron ? Enfin, trop peu de saumons ont pu être récupérés morts sur l’axe gave de Pau pour le moment pour espérer évaluer la contribution de l’alevinage au retour dans le gave de Pau. D’où proviennent les 400 saumons comptés chaque année à Artix, alevinage ? Une autre question importante repose sur l’origine des saumons non identifiés, d’où proviennent-ils ? Quelle est leur proportion dans l’alimentation du bassin de l’Adour ?

D’autre part, cet outil a le potentiel d’être appliqué à d’autres espèces migratrices comme les truites de mer et l’Alose. L’alose n’a été quant à elle que très peu étudiée malgré une chute importante de ses effectifs ; des informations sur les contributions respectives des différents sous-bassins (Oloron, Pau, Adour, Nives, Nivelle) sont requises pour une meilleure connaissance de la dynamique de cette espèce. Enfin, la truite de mer représente une espèce importante mais les connaissances sur sa dynamique restent très fragmentaires.

Dans ce contexte, ce travail a fait l’objet de deux demandes pour tenter d’aller plus loin dans la connaissance des trois espèces migratrices, saumon atlantique, grande alose et truite fario (sédentaire et mer).

Une de ces demandes est portée par l’UMR ECOBIOP de l’UPPA et porte sur la truite fario. Elle est à ce jour financé par le CG64 (2012-2014) et porte sur la génétique et la microchimie (Relation entre phylogénie et diversité éco-comportementale : conséquence pour le renouvellement des populations de truites du fond du Golfe de Gascogne, 2012-2014).

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L’autre demande porte quant à elle sur le saumon atlantique et la grande alose (Contribution de l’Alevinage et des Rivières pyrénéennes au retour de POissons Migrateurs (saumon, alose) dans le Bassin de l’Adour et la Nivelle : application et amélioration de l’outil microchimie des otolithes CARPOMIBA 20013-2017) et est financée par l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et le CG64.

Ces deux projets s’inscrivent donc dans la continuité des projets Otolithes et Hivisaba.

Les objectifs principaux sont les suivants:

PROJET CARPOMIBA (2013-2017)

(1) Application de l’outil microchimie des otolithes au saumon atlantique (SAT) et à l’alose afin d’évaluer a) la variabilité inter-annuelle des rivières de développement et de l’origine natale des SAT à l’échelle du bassin de l’Adour, b) l’origine natale des SAT remontant dans le sous-bassin gave de Pau (part de l’alevinage/rivière), et c) la variabilité inter-annuelle des rivières de développement des aloses du bassin de l’Adour et de la Nivelle.

Ces objectifs vont demander un gros effort de récupération d’otolithes sur des poissons morts dans les sous-bassins et l’estuaire. Les otolithes seront récupérés sous la conduite de MIGRADOUR grâce à un réseau de collecte post-mortem dans les rivières et l’estuaire du bassin de l’Adour et de la Nivelle.

(2) Rôle des bassins adjacents à l’Adour et recherches de nouveaux marqueurs : il s’agira de a) caractériser les signatures des otolithes de quelques SAT (et des eaux) de bassins adjacents à l’Adour (Nivelle, Bidassoa, Garonne-Dordogne, …), b) de tester l’utilité de traceurs complémentaires (isotopes stables 13C et 18O) pour différencier des rivières de géochimie très proche (Pau/Nives par exemple) et c) de tester la pertinence des rayons de nageoires (approche non-létale) comme analogue des otolithes.

(3) Amélioration des connaissances sur la dynamique d'incorporation des éléments dans les otolithes afin d’en déduire la signification pour une utilisation en gestion : cet objectif sera basé sur des expérimentations en milieux contrôlés avec l’UMR 1224 ECOBIOP (UPPA-INRA) à Saint-Pée-sur-Nivelle, ainsi que sur la combinaison de plusieurs approches sur la Nivelle (microchimie des otolithes, affiliation parentale par génétique, suivi des géniteurs par radiopistage). En particuliers, le rôle de la nourriture, du temps d’intégration associé à des changements d’habitats, et du temps de résidence en eau douce des génitrices sur les signatures enregistrées dans les otolithes et leur variabilité seront abordés.

PROJET TRUITES FARIO (2012-2014)

(1) Déterminer l’origine sauvage ou domestique des truites de mer remontant dans l’estuaire de l’Adour et, dans le cas d’une origine sauvage,

(2) Quantifier la contribution des quatre sous-bassins de l’Adour (Adour, Oloron, Pau, Nives) et d’identifier des échanges interbassins (Nivelle).

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(3) Préciser l’origine sauvage ou domestique des truites de grandes taille colonisant la partie aval des grands bassins (Gave d’Oloron, Gave de Pau, petits affluents aval de l’Adour) et leur histoire de vie (truite native, truite dévalante, truite de mer sédentarisée).

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