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Coût annuel de la réglementation par employé selon la taille de l’entreprise au Canada (en dollars de 2017)

100 ou plus 50 à 99

20 à 49 5 à 19

Moins de 5 6 744

3 489

2 549

1 711

1 253

Source : FCEI (2018), La réglementation excessive pèse lourd sur les entreprises canadiennes.

Le fardeau de la réglementation et des formalités administratives connexes constitue l’un des principaux enjeux pour les petites et moyennes entreprises du Québec. Les propriétaires de ces entreprises sont large-ment préoccupés par la question de la paperasserie, en raison de la quantité de temps et d’argent qu’ils consacrent au respect de la réglementation. Le respect des lois et des règlements ainsi que le temps alloué aux formalités administratives engendrent des coûts pour les entreprises et accaparent des ressources humaines qui pourraient être utilisées à des fins plus productives. Un récent sondage effectué durant la pandémie de COVID-19 classe la réduction de la paperasserie au 4e rang des préoccupations des entreprises8. Le fardeau cumulatif peut ainsi entraîner des effets défavorables, notamment sur la croissance économique, la création d’emploi, l’investissement, la productivité, l’innovation et la compétitivité des entreprises.

8. La réduction de la paperasserie a été évoquée par 53 % des répondants en réponse à la question suivante, relative au Discours du Trône,

« Sur quel thème aimeriez-vous que le gouvernement fédéral se concentre ? ». La réduction de la paperasserie n’était devancée que par la fiscalité, la reprise économique et le contrôle des dépenses sur la vingtaine d’options soumises. Cette question était posée dans le cadre du 20e sondage en ligne « La COVID-19 et votre entreprise » effectué par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et dont les résultats ont été livrés le 2 septembre 2020.

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1.3. De moins à mieux réglementer

1.3.1. Les grands courants de réforme réglementaire

Au cours des années 1970, l’augmentation du poids de la réglementation étatique s’accélère au point où, au Canada, plus de lois fédérales sont adoptées durant cette décennie qu’au cours des trente années précé-dentes9. Cette tendance subit un déclin marqué sous la pression des réformes réglementaires10. Les politiques favorables à la levée des obstacles réglementaires visent d’abord, au cours des années 1980, la déréglementa-tion11 et l’assouplissement de la réglementation dans des secteurs d’utilité publique notamment l’aviation commerciale, les télécommunications, le transport et la télévision12. Les critiques formulées à l’endroit de cette approche et la reconnaissance de la nécessité de la réglementation pour pallier et corriger les déficiences du marché incitent les autorités gouvernementales à privilégier l’allègement réglementaire13 au cours des années 1990. Cette option permet d’éliminer les exigences non essentielles à l’atteinte des résultats visés tout en maintenant la contrainte juridique. Puis, à la faveur du développement des technologies de l’information, l’allègement administratif14 complète cette réforme en mettant l’accent sur la réduction du fardeau des forma-lités administratives inutiles, aussi appelées paperasserie15 ou bureaucratie16, imposées aux entreprises et pouvant entraver la concurrence économique et l’innovation. Au début des années  2000, le mouvement visant à mieux réglementer entraine l’apparition d’une nouvelle stratégie, la réglementation intelligente qui se veut explicite, mesurable, accessible, réaliste et opportune17. Cette stratégie est aussitôt adoptée par le Canada18.

Au lendemain de la crise financière mondiale de 2007-2008, le besoin de cadres réglementaires de qualité suscite l’adoption d’une nouvelle approche systémique, la gouvernance réglementaire, qui englobe les politiques, le cadre institutionnel et les instruments réglementaires, et tient compte de leur interdépendance19.

9. Ces lois concernent principalement la protection de l’environnement, la santé, la sécurité et la protection du consommateur. Source : W.T.

Stanbury (2006), « Économie, réglementation de l’économie », L’encyclopédie canadienne, modifié en juin 2015.

10. L’expression « réforme réglementaire » désigne les modifications qui tendent à rehausser la qualité de la réglementation, c’est-à-dire à en améliorer les résultats et à réduire ou à maintenir son coût à l’essentiel. Elle peut signifier l’élimination des réglementations et des formalités obsolètes ou inefficaces, la rationalisation et la simplification de celles qui sont nécessaires, l’utilisation d’incitatifs et d’approches réglementaires plus souples et l’amélioration des processus et de la gestion réglementaires.

11. La déréglementation consiste à abolir les exigences réglementaires dans un secteur pour imposer la concurrence et améliorer la performance économique. Toutefois, ses excès qui nuisent souvent à l’intérêt général au profit de certaines firmes et causent de l’instabilité économique et des crises, et le fait que l’abolition d’un monopole public exige parfois l’augmentation de la réglementation dans cette branche, lui ont valu de nombreuses critiques.

12. Source : W.T. Stanbury (2006), « Économie, réglementation de l’économie », L’encyclopédie canadienne modifié en juin 2015.

13. L’allègement réglementaire consiste à maintenir une contrainte juridique, mais en retirant des exigences non essentielles à l’atteinte des résultats recherchés (ex. : en éliminant les normes inutiles et tatillonnes et en adoptant des normes axées sur les résultats plutôt que sur les moyens).

14. L’allègement administratif vise à diminuer le fardeau des formalités administratives inutiles imposées aux entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, et à les aider à se conformer aux exigences réglementaires (ex. : accès plus facile à l’information, simplification des formulaires, réduction des délais de réponse, etc.).

15. La FCEI associe le terme « paperasserie » aux innombrables règlements et formulaires gouvernementaux. Remplir des formulaires ou demander des autorisations et des permis, constituent des tâches lourdes qui entraînent des charges superflues risquant d’entraver la performance des entreprises.

16. La bureaucratie est un terme qui décrit les lois, règlements et politiques mal conçus, les règles obsolètes, et les procédures, systèmes administratifs et services gouvernementaux inefficaces qui n’atteignent pas les objectifs. Elle produit des résultats sous-optimaux et indésirables qui génèrent des coûts financiers et de la frustration et affectent l’environnement des affaires. Elle émerge à mesure qu’une organisation grandit, change et évolue. Les interprétations incohérentes, les difficultés d’application, les longs délais, les rôles et responsabilités peu clairs, le manque d’informations et de transparence et un service client médiocre et incohérent sont des symptômes typiques de la bureaucratie. Le processus d’acquisition d’un permis, par exemple, peut être coûteux en temps. Plus la quantité de paperasse est importante, plus le processus est long et plus il faut de temps et d’effort. Source : Laura Jones (2015), Cutting Red tape in Canada : A Regulatory Reform Model for the United States ? et Mattia Wegmann et Shawn Cunnigham (2010) Cape Town Conference, Reducing Red Tape – A facilitation and management manual.

17. Les lettre formant le nom de cette approche, en anglais, SMART Regulation, renvoient aux concepts centraux de la réglementation intelligente : S : specific (précis, explicite), M : measurable (mesurable), A : attainable (accessible), R : realistic (réaliste) et T : timely (opportun).

18. Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente (2004), La réglementation intelligente : une stratégie réglementaire pour le Canada (rapport Gaetan Lussier).

19. L’OCDE approuve, le 22 mars 2012, la Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires.

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1.3.2. Le chemin parcouru par le Québec

L’action du gouvernement du Québec en matière d’allègement réglementaire et administratif fait écho aux préoccupations des entreprises, qui déplorent que la réglementation excessive et une bureaucratie envahis-sante freinent leur croissance et menacent leur capacité concurrentielle.

Après avoir adopté une approche consultative de 1998 à 2003, avec la mise sur pied des groupes conseils Lemaire (rapports déposés en 1998, 2000 et 2001) et Dutil (rapport déposé en 2003), et la mise en œuvre de bon nombre de recommandations de ces groupes conseils20, le gouvernement adopte un premier plan d’action en matière d’allègement réglementaire et administratif couvrant la période de 2004 à 2007, intitulé, Simplifier la vie des entreprises pour créer plus d’emplois et de richesse.

Sa mise en œuvre donne notamment lieu à la création du Portail gouvernemental de services-Espace Entreprises. Le gouvernement priorise, de plus, la simplification et la réduction du coût des formalités exigées aux entreprises dans le cadre de sa stratégie de développement économique intitulée L’Avantage québécois (2005).

Au seuil des années 2010, le gouvernement qui désire renouveler son action crée le Groupe de travail sur la simplification réglementaire et administrative, présidé par M.  Michel Audet, ex-ministre des Finances du gouvernement du Québec. L’adoption par le gouvernement des recommandations du rapport Audet (2011)21 donne notamment lieu, en 2014, à une réforme majeure de la politique gouvernementale sur l’allègement réglementaire et administratif. La nouvelle politique qui résulte de cette réforme, vise à réduire à l’essentiel requis le coût pour les entreprises lié à l’adoption de lois ou de règlements, à mettre en application les principes basés sur les meilleures pratiques réglementaires, et à mettre en place, dans chaque ministère et organisme concerné, un mécanisme de révision des lois et règlementsen vigueur touchant les entreprises.

De plus, des analyses d’impact réglementaire doivent être réalisées systématiquement pour chaque projet de loi et de règlement et rendues publiques, alors qu’auparavant une telle analyse n’était exigée que pour les projets représentant un coût de 10 M $ pour les entreprises et demeurait confidentielle.

En 2014, le gouvernement procède à l’établissement sur une base permanente du Comité-conseil sur l’allège-ment réglel’allège-mentaire et administratif, coprésidé par le ministre responsable en cette matière et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et composé de hauts dirigeants de grandes associations nationales d’affaires ainsi que de hauts fonctionnaires (voir annexe 5).Aussitôt formé,le Comité-conseilentreprend une vaste consultation auprès des milieux d’affaires.

Les irritants recensés et les suggestions recueillies alimenteront l’élaboration du Plan d’action gouverne-mental  2016-2018 en matière d’allègement réglementaire et administratif. Le plan comprend les premiers chantiers sectoriels de modernisation réglementaire et administrative22.

Parmi les mesures réalisées du plan d’action se trouve la formation du Groupe de travail sur la simplification administrative de l’écoconditionnalitédont les travaux ont mené à la mise en place du Comité interministériel sur la simplification administrative de l’écoconditionnalité chargé de mettre en œuvre les mesures retenues.

20. Ministère du Conseil exécutif (2008), Rapport sur la mise en œuvre des mesures gouvernementales d’allègement réglementaire et administratif.

21. Michel Audet (2011), Rapport du groupe de travail sur la simplification réglementaire et administrative.

22. Ces chantiers concernent les domaines du travail, de l’environnement et de l’écoconditionnalité, de la vente d’alcool, de la fiscalité, des ressources naturelles, des transporteurs et des producteurs agricoles, et de la prestation électronique de services.

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Par ailleurs, l’intérêt suscité par les résultats de la consultation de 2015 obtenus auprès de détaillants entraîne, en 2017, la mise sur pied d’un chantier sur le commerce de détail et le dévoilement, quelques mois plus tard, du Plan d’action gouvernemental 2018-2021 en matière d’allègement réglementaire et administratif dans le secteur du commerce de détail.

Résultat d’une seconde réforme, la Politique gouvernementale sur l’allègement réglementaire et administratif – Pour une réglementation intelligente (décret 1166-2017 ; ci-après, la « Politique ») est adoptée en septembre 2017. Cette réforme s’inspire du concept de réglementation intelligente qui renvoie au postulat selon lequel une réglementation de qualité23 – moderne, opportune, responsable, réaliste, accessible, mesurable, basée sur les résultats, transparente, claire, précise et explicite – contribue à créer un environnement économique qui favorise la performance économique tout en protégeant l’intérêt public.

La Politique précise, par ailleurs, que l’élaboration des règles de tout projet réglementaire doit s’inspirer des principes de bonne réglementation. (voir l’encadré suivant).