• Aucun résultat trouvé

1.3 Caractériser des sons naturels et complexes par le timbre

1.3.3 Clusters et intervalles de timbres

On présente sur la Figure 7 un exemple typique de solution d'espace multi-dimensionnel. Dans ce type d'espaces, la répartition des sons perçus permet de révéler des relations entre eux potentiellement informatives sur la signication du timbre (McAdams et al., 1995). Qualitativement, on peut observer à la fois des regroupements de sons (clusters) et des espacements (intervalles) qui nous permettent de mieux saisir la notion de timbre à l'aide d'un espace multidimen-sionnel.

Clusters de timbres. Une représentation multidimensionnelle du timbre per-met d'observer la présence de groupes de sons, ou clusters, dans lesquels les sons sont plus proches les uns des autres par rapport aux sons d'autres clusters (cf. Figure 7). Des auteurs ont fait le rapprochement entre les clusters et les familles instrumentales (e.g. Wessel, 1973 ; Grey, 1977 ; Grey & Gordon, 1978), bien que les auteurs relèvent généralement des exceptions à ces familles. D'autres auteurs remettent directement en cause de tels regroupements (Wedin & Goude, 1972). En eet, la comparaison du timbre de diérents instruments n'est pas toujours pertinente, puisque ceux-ci peuvent présenter des timbres variables en fonction du registre, du niveau sonore, et des modes de jeu employés (cf. Iverson & Krumhansl, 1993).

Toutefois, le fait de constater que des instruments ont pu être séparés de leur famille originale laisse au moins penser que les jugements de dissemblance sont bien basés sur la perception de caractéristiques auditives, plutôt que sur leur reconnaissance catégorielle. Autrement dit, les participants ne cherchent pas à

Figure 7  Exemple de solution spatiale générée par un programme de MDS. Une ana-lyse de clustering hiérarchique est représentée par des lignes connectant les instruments entre eux, dans l'ordre d'importance : lignes continues, tirets, pointillés. Des projections en deux dimensions apparaissent sur la face de gauche et du bas. Abréviations des ins-truments : O1, O2 = hautbois ; C1, C2 = clarinettes ; X1, X2, X3 = saxophones ; EH = cor anglais ; FH = cor ; S1, S2, S3 = violons ; TP = trompette ; TM = trombone ; FL = ûte ; BN = basson. Source : Grey (1977).

analyser et regrouper les sons suivant la facture instrumentale dont ils sont issus, mais eectuent bien un jugement de dissemblance uniquement sur la perception auditive du timbre.

Intervalles de timbres. En cherchant à tirer parti de la représentation multi-dimensionnelle et continue du timbre, Ehresman & Wessel (1978) ont mesuré la capacité des auditeurs à percevoir des relations abstraites d'analogies entre dié-rents timbres. Il s'agissait d'évaluer si un intervalle de timbres peut être transposé, comme on transpose un intervalle de hauteurs par exemple. Krumhansl (1989) nuance cependant l'analogie entre des intervalles de hauteurs et de timbres, étant donné que le timbre est un attribut multidimensionnel, chaque dimension pouvant prendre plus ou moins d'importance de façon indépendante.

Pour réaliser cette évaluation, Ehresman & Wessel (1978) ont utilisé la repré-sentation géométrique de l'espace de Grey (1977). Les participants eectuent une tâche d'analogie sur le modèle du parallélogramme : ils doivent déterminer le son D parmi {D1, D2, D3, D4} qui, par rapport au son C, donne un vecteur équi-valent à un vecteur de référence AB (Figure 8). Les résultats ne se sont pas avérés très probants, sans doute car les calculs étaient eectués à partir de leur solution d'espace de timbre à deux dimensions d'une part, et que seule l'amplitude du vec-teur était testée d'autre part, et pas sa direction. Cependant, comme l'ont noté McAdams & Cunible (1992), la notion d'intervalle de timbre était formalisée sous la forme de transpositions continues dans un espace perceptif multidimensionnel. Par la suite, Wessel (1979) a montré dans un espace perceptif à deux di-mensions (établi par l'auteur lui-même) que de telles propriétés géométriques de l'espace de timbre peuvent tout de même permettre de faire des prédictions sur les patterns de perception. Dans son expérience, les participants doivent ranger les quatre propositions {D1, D2, D3, D4}, couplées au son C, dans l'ordre du plus au moins équivalent par rapport à une référence AB (Figure 8). Les résultats des relations perceptives entre ces timbres montrent une tendance pour un classement cohérent avec les intervalles de timbres testés.

McAdams & Cunible (1992) ont également repris la notion d'intervalle de timbre pour la tester en amplitude et en direction dans l'espace obtenu par Krum-hansl (1989). Ils présentent quatre séquences sonores correspondant à quatre

com-Figure 8  Modèle du parallélogramme pour les analogies de timbres. Le vecteur AB représente un changement de timbre donné ; le vecteur CD représente l'analogie de timbre théorique, avec C donné. Le point D est la solution idéale. D1, D2, D3, et D4 sont les solutions proposées aux auditeurs. Source : Wessel (1979).

binaisons de normes et de directions de vecteurs de timbres, correctes ou fausses, en comparaison à un vecteur de timbre de référence (cf. Figure 8). La norme fausse correspond à une norme augmentée, tandis que la direction fausse correspond à la direction directement opposée à la direction correcte. Les résultats sont conformes à l'hypothèse faite sur le modèle du parallélogramme, avec une préférence pour une norme et une direction correctes. Cependant, cette préférence n'est pas plus forte que celle obtenue lorsque la norme ou la direction est fausse, sans prédomi-nance de la norme ou de la direction. En général, les timbres proches du point idéal prédit par le modèle sont préférés de ceux situés à une plus grande distance. Néanmoins, ce modèle semble peu généralisable, d'autant moins pour des vecteurs de normes importantes, ou des petits vecteurs très espacés.