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Analyse des données perceptives : illustration avec une tâche

1.3 Compléments d'analyses (1/2) : théorie de détection du signal

1.3.3 Analyse des données perceptives : illustration avec une tâche

Tâche. La tâche Oui/Non classique consiste à présenter aléatoirement et sur un grand nombre d'essais, soit du bruit seul, soit du bruit auquel s'ajoute un signal cible. A chaque essai, la tâche du participant est de répondre "Oui" ou "Non" (ou, de façon équivalente, choisir la classe du stimulus dans le cas d'une tâche 2-AFC ; Macmillan & Creelman, 2005), selon qu'il pense avoir perçu la cible ou non. Répartition des données correctes et incorrectes. S'il s'agit de discriminer une cible dans du bruit à du bruit seul, on parle de détection, tandis que s'il n'y a jamais de stimulus de bruit seul, on parle de reconnaissance. Mais dans les deux cas les méthodes d'analyses sont les mêmes.

Dans un premier temps, on répartit dans un tableau à double entrée les ré-ponses des participants en fonction de la présence réelle, ou de l'absence, du signal cible à chaque essai (Tableau 3). Quatre variables sont présentées dans ce tableau, mais en réalité seules deux susent pour représenter les données complètes du par-ticipant (une valeur pour les stimuli cibles et une valeur pour les stimuli de bruit), dès lors que les nombres de stimuli cibles et de bruits sont xés. Ces deux valeurs indépendantes sont susantes pour comprendre l'ensemble des données percep-tives dans ce type de procédures, en revanche les deux sont nécessaires. En eet, si l'on s'intéresse seulement à l'une des deux valeurs, l'interprétation sera faussée. Par exemple, si un participant répond à tous les essais qu'il perçoit la cible, son taux de détections correctes sera maximal, et pourtant il n'aura pas eectué la tâche correctement. Il faut donc tenir compte des deux valeurs.

Stimulus

Cible + bruit Bruit seul

Réponses Oui Détections correctes :P (s|S) Fausses alarmes :P (s|B)

Non Omissions : P (b|S) Rejets corrects : P (b|B) Total Ptot = P (s|S) + P (b|S) Ptot = 1 Ptot0 = P (s|B) + P (b|B) Ptot0 = 1

Tableau 3  Répartition des réponses du participant en fonction des stimuli. La lettre 's' indique 'signal', tandis que la lettre 'b' indique 'bruit', avec une minuscule en référence à la réponse du participant, et une majuscule en référence au stimulus physique.

Proportion de réponses correctes. La proportion de réponses correctes donne une première information globale sur les performances du participant. Elle corres-pond à la proportion de détections et rejets corrects :

p(c) = etections correctes + rejets corrects

nombre total d0essais . (1)

D'après cette mesure, plus le participant détecte correctement la cible tout en limitant les fausses alarmes, plus la proportion de réponses correctes augmente. Cependant, cette mesure seule est insusante pour conclure sur les mécanismes perceptifs impliqués dans la prise de décision. Par exemple, si un participant répond qu'il perçoit tout le temps la cible, ou si au contraire il répond qu'il ne la perçoit jamais, les proportions de réponses correctes seront identiques, et pourtant les comportements sont opposés. La TDS vient combler ces lacunes en posant des hypothèses sur l'intensité perceptive produite par les stimuli et en reconstruisant deux valeurs indépendantes plus interprétables que des taux de réponses bruts. Sensibilité et biais. L'hypothèse principale de la TDS permettant de calculer la sensibilité et le biais consiste à assimiler chaque état d'observation des dié-rentes classes de stimuli à une distribution gaussienne de même variance le long

d'un axe correspondant à l'intensité de l'excitation13(Figure 22). Ces distributions

reètent la variabilité de la décision due aux stimuli présentés et à des facteurs

13. Il existe des mesures non-paramétriques de sensibilité et de biais dans les cas où l'on ne suivrait pas cette hypothèse (cf. Stanislaw & Todorov, 1999).

Figure 22  Calcul de la mesure de sensibilité d' : la distance normalisée entre les moyennes des deux distributions, d'après la TDS. Le critère du participant pour répondre "Oui" ou "Non" si le signal est présent ou non génère les taux de détections correctes et de fausses alarmes à partir des distributions, posées comme normales, de la perception du signal dans du bruit et du bruit seul le long du continuum sensoriel. Source : Yost (2015).

internes comme le bruit cérébral ou l'attention. A chaque essai, les stimuli de chaque classe produiront une excitation variable répertoriée par sa distribution correspondante.

La distance entre les deux distributions quantie la sensibilité du participant. Quant au critère de réponse, c'est-à-dire le biais, il est supposé xe. Si l'excitation dépasse ce critère, alors le participant répond que la cible était présente dans le stimulus, sinon il répond qu'elle ne l'était pas. L'aire sous la distribution de la cible à partir du critère de réponse (en rouge sur la Figure 22) correspond au taux de détections correctes, tandis que l'aire sous la distribution du bruit à partir du critère de réponse (en bleu sur la Figure 22) correspond au taux de fausses alarmes. Les portions d'aires restantes correspondent aux taux d'omissions et de rejets corrects.

Ces deux indicateurs, la sensibilité et le biais, apportent des informations plus interprétables que les taux de détections correctes et de fausses alarmes en les

combinant tous les deux. En eet, la sensibilité d0 quantie la capacité du

partici-pant à discriminer la cible du bruit seul. Par exemple, dans le cas de performances parfaites, le participant présenterait un taux de détections correctes de 1 et un taux de fausses alarmes de 0. Tandis que le cas d'un participant ne pouvant

dis-tinguer la cible du bruit et répondant au hasard se traduit par le recouvrement des deux distributions, c'est-à-dire les deux taux mentionnés égaux à 0.5.

Le biais permet quant à lui de quantier le fait qu'un participant est plutôt libéral (critère décalé vers la gauche) ou plutôt conservateur (critère décalé vers la droite). Si le participant est plutôt libéral, alors il répond souvent qu'il perçoit la cible, et ses taux de détections correctes et de fausses alarmes sont élevés. Dans le cas d'un participant plutôt conservateur, c'est l'inverse. Cette mesure complète

celle de sensibilité d0 en indiquant si un biais dans le processus décisionnel (et non

plus perceptif), interne au participant ou expérimental, l'incitait à donner plus souvent une réponse plutôt que l'autre.

Comme pour les taux de réponses correctes, pour lesquels deux taux indépen-dants sont nécessaires pour décrire complètement les données, les deux mesures de sensibilité et de biais décrivent complètement les données tout en permettant de les interpréter plus explicitement. Elles permettent également de comparer les données de diérents participants, et même pour des tâches avec davantage d'al-ternatives. Par exemple, pour un 2-AFC, si un participant répond au hasard, son taux de proportion correcte sera de 0.5, alors qu'il sera de 0.33 pour un 3-AFC,

etc. Tandis que le niveau de chance en terme de d0 sera toujours de 0. Green &

Swets (1966) ont montré que cette correspondance pour diérents nombres d'al-ternatives est validée expérimentalement. Un exemple est représenté sur la Figure 23, correspondant à une expérience de perception auditive où le nombre d'alter-natives varie de deux à huit. La sensibilité est calculée pour chaque cas à l'aide de la table d'Elliot (1964) supposant un biais nul.

1.3.4 Méthodes de calcul de la sensibilité et du biais pour une tâche