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La  clustérine  et  les  maladies  neurologiques

2.4     Fonctions  physiologiques

2.5.3     La  clustérine  et  les  maladies  neurologiques

Une surexpression de l’ARNm de la clustérine a été détectée dans une grande variété de maladies neurodégénératives, comme la maladie de Pick, la démence à corps de Lewy (42) et la maladie d’Alzheimer (38, 59, 60), l’épilepsie (58), la sclérose multiple (62), la rétinite pigmentaire (64), le gliome (61), la tremblante du mouton (57), l’encéphalopathie HIV (63) ou dans des modèles d’ischémie cérébrale.

2.5.3.1.     La  Clustérine  et  la  maladie  d’Alzheimer    

La maladie d’Alzheimer est maladie neurodégénérative du tissu cérébral qui entraîne la perte progressive et irréversible des fonctions mentales et notamment de la mémoire.

Principale cause de démence chez les personnes âgées, elle touche environ 26 millions de personnes dans le monde. Généralement diagnostiquée à partir de l'âge de 65 ans, les premiers signes de la maladie d'Alzheimer sont souvent confondus avec les aspects normaux de la sénescence ou d'autres pathologies neurologiques comme la démence vasculaire. Elle est aujourd'hui reconnue comme l'une des maladies les plus coûteuses aux économies des pays développés.

Le diagnostic de la maladie repose essentiellement sur des tests neuropsychologiques et sur la mise en évidence d'une atrophie corticale qui touche d'abord le lobe temporal interne et notamment l'hippocampe, régions importantes pour la mémoire.

Étant donné la prévalence de la maladie, un important effort est mené par l'industrie pharmaceutique pour découvrir un médicament qui permettrait de stopper le processus neurodégénératif. La principale piste de recherche vise à s'attaquer aux plaques amyloïdes qui se forment entre les neurones au cours de la maladie et aux agrégats de protéines tau formant les dégénérescences neurofibrillaires à l'intérieur des neurones.

La propriété de la clustérine de lier le peptide β-amyloïde a généré une intense recherche sur son rôle dans la maladie d’Alzheimer. En effet, à travers son action chaperone, elle régule la formation et l’élimination de ce peptide (65).

Confirmant le lien entre la clustérine et la maladie d’Alzheimer, des études plus anciennes montraient déjà la présence de clustérine dans les neurites dystrophiques des dépôts amyloïdes (plaques séniles), et, plus rarement dans les lésions neurofibrillaires.

De plus, le taux d’expression des ARNm de la clustérine semble augmenté dans les neurones pyramidaux de l’hippocampe, du cortex entorhinal et probablement dans des astrocytes de la couche moléculaire et du gyrus dentatus, régions prioritairement touchées dans la maladie d’Alzheimer.

Une étude récente combinant une approche protéomique et de neuroimagerie (66) a mis en évidence une association entre la concentration plasmatique de clustérine, la pathologie in vivo (atrophie du lobe temporal médian et de l’hippocampe), la sévérité clinique de la maladie et l’évolution (rapidité du déclin cognitif) des patients présentant une démence d’Alzheimer. Les auteurs ont également évalué la concentration sanguine de clustérine chez des patients présentant une détérioration cognitive modérée (mild cognitive impairment). Ils ont constaté qu’une augmentation de la concentration sanguine de clustérine pouvait être décelée bien avant que la présence de dépôts de β-amyloïde fibrillaire ne puisse être mis en évidence, suggérant un possible rôle étiopathogénique.

Finalement, plusieurs études d’association sur tout le génome ont récemment mis en évidence que des mutations ponctuelles du gène codant pour la clustérine constituent un facteur de risque pour la maladie d’Alzheimer (dans ces études qui comparent le génome de sujets atteints de maladie d’Alzheimer et de contrôles, certains polymorphismes du gène de la clustérine sont plus fréquemment retrouvés chez les sujets atteints que chez les contrôles), en faisant ré-entrer le peptide β-amyloïde dans le cerveau à travers la barrière hémato-encéphalique, peptide exporté du cerveau vers le sang par l’apolipoprotéine E. Une ré-entrée excessive pourrait augmenter les taux de β-amyloïde dans le cerveau et en compromettre son élimination (67).

2.5.3.2.     La  Clustérine  et  l’ischémie  cérébrale    

Une littérature fournie et controversée questionne le rôle de la clustérine dans l’ischémie cérébrale.

Hybridation in situ de l’ARNm de la clustérine 24h après une électrocoagulation de l’artère cérébrale moyenne d’une souris « sauvage » (wt). Les agrandissements mettent en évidence l’expression astrocytaire de la clustérine (à droite) et des neurones (à gauche). (I : zone nécrotique du core de l’ischémie ; flèches : pénombre ; II, III : neurones des couches corticales ; CA : corne d’Ammon de l’hippocampe ; AD : noyaux thalamiques, chp : plexus choroïde, fi : fimbria., image effectuée par Yves Charnay, 2006.

Plusieurs études montrent une augmentation de l’ARNm de la clustérine dans la zone péri-infarcie et le thalamus ipsilatéral après ischémie cérébrale transitoire globale du cerveau prosencéphalique (forebrain) chez le rat de 3 à 7 jours (30, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74).

De plus une immunoréacivité intense pour la clustérine est exprimée dans les cellules de Purkinje ischémiques chez l’homme (75).

L’expression de l’ARNm de la clustérine semble être d’origine gliale et être liée à des altération neuronales retardées (70, 71).

Bien que la clustérine s’accumule dans les neurones marqués par la méthode TUNEL ("Terminal deoxyribonucleotidyl transferase-mediated dUTP nick end labeling", marqueur de l’apoptose, cf. p. 10), il existe plusieurs arguments en défaveur d’un rôle neurotoxique de la clustérine : D’abord, le décours temporel relatif de la fragmentation de l’ADN et de l’immunoréactivité de la clustérine montre que la production de clustérine survient après le mort neuronale retardée. Cet élément suggère que la clustérine est incorporée par les neurones lésés (71). De plus, l’induction de la clustérine survient principalement dans les astrocytes et de manière moindre dans les populations neuronales affectées par l’ischémie (73, 74).

Deux articles publiés en 2001 ont confirmé la controverse entre les tenants de la clustérine comme facteur neuroprotecteur contre ceux de la clustérine comme facteur neurotoxique dans les modèles d’ischémie cérébrale :

- Dans un article publié par Nature Medicine, Han et coll. (76) rapportaient que, dans un modèle de culture cellulaire de neurones, la clustérine secrétée augmentait les lésions neuronales après déprivation d’oxygène et de glucose et dans un modèle animal néonatal (hypoxie ischémique), l’invalidation du gène de la clustérine conférait une protection des cellules nerveuses (jusqu’à 50%) comparé à des souris sauvages. Ces auteurs concluaient que la clustérine pourrait déployer son effet neurotoxique à travers une action nécrotique et non apoptotique, puisque la voie des caspases ne semblait pas intervenir dans la mort cellulaire.

- Dans une lettre à Nature Medicine (77), notre groupe mettait en évidence, dans un modèle murin d’ischémie focale permanente (électrocoagulation de l’artère cérébrale moyenne), une inhibition des lésions post-ischémiques par la surexpression de clustérine, en comparant une souche de souris sauvage (wt), une souche invalidée pour la clustérine (ko) et une souche transgénique surexprimant la clustérine (appelée pGK d’après le nom du promoteur phosphoglycerate kinase utilisé dans la construction). Nous ne relevions aucune différence de la taille des lésions initiales entre les souris wt, pGK et ko.

Par ailleurs, nous constations une augmentation de la taille de la pénombre (et de la densité de cellules inflammatoires) chez les souris ko par rapport aux souris wt et aux souris pGK. Dans la pénombre, chez les souris wt, nous relevions une forte expression de la clustérine (hybridation in situ) entre le troisième et le septième jour après l’ischémie.

A 7 jours post ischémie, chez les souris wt, le taux de mRNA de la clustérine augmentait de 30 à 50% dans l’hémisphère ischémié. A 14 jours post-ischémie, les souris ko présentaient une augmentation du nombre de cellules inflammatoires et une résolution structurelle moins bonne que les souris sauvages.

Par ailleurs les souris transgéniques surexprimaient cinq transcrits après l’ischémie, contrairement aux souris sauvages et invalidées pour la clustérine. Il s’agit des transcrits qui codent pour la chaîne légère de la dynéine, le récepteur sérotoninergique 5-HT1A, le facteur de croissance insuline-like qui lie la protéine 6 (IGFBP6), la chaîne β de la protéine kinase II dépendante de la calmodulline, la chaîne régulatrice de la protéine kinase type I-β dépendante de l’AMPcyclique. Toutes ces protéines ont été impliquées dans la neuroprotection après ischémie (30, 75, 77).

Figure : Analysis of brain injury following MCAO in function of clusterin expression.

a, Schematic representation of gene construct used to generate transgenic mice. Clusterin gene is expressed under the control of phophoglycerate kinase promoter (pGK). b, Northern-blot analysis of clusterin mRNA levels in the brain of wild-type (WT), CLU-overexpressing (CLU) or Clu -/- (KO). Tg Cli, longer transgenic messenger due to SV40 poly A; Eg Cli, shorter endogenous mouse mRNA. c−e, Morphometric analysis of mouse brain sections 7 d after recovery from permanent MCAO (n = 5 for each group). Infarct ('ic') sizes are similar in WT (c), CLU-overexpressing (d) and Clu -/- (e) mice. f−h, The thickness of the penumbral region is inversely correlated to the level of clusterin expression. A dense collection of inflammatory cells is present in the penumbra of WT (f) and Clu -/- (h) mice but not in CLU-overexpressing (g) mice (n = 5 for each group). i−k, DNA fragmentation analysis of brain sections 7 d after MCAO. The number of cells stained with TUNEL in the penumbra is significantly lower in CLU-overexpressing (j) brains compared with WT (i) and Clu -/- (k) brains (n = 5 for each group). l, Surface of the penumbral region measured using a computer-assisted image analyzing system. Values are expressed in pixels (mean s.d.). Thickness of the penumbral area is inversely related to clusterin gene expression. m, Number of TUNEL-positive cells in the penumbra per slide (mean s.d.). At 7 d post-ischemia, the number of dead cells is significantly lower in the penumbral region of transgenic mice as compared with WT or Clu

-/- mice.

Tiré de : Wehrli et coll., 2001 (77).

Les résultats apparemment contradictoires des deux publications de Nature Medicine cette même année 2001, nous ont poussé à vouloir approfondir les déterminants de ces différences.

En effet, d’autres modèles sont en faveur d’un rôle neuroprotecteur de la clustérine, comme le « cortical spreading depression »(CSD). Ce modèle génère une onde de dépolarisation neuronale et astrocytaire à propagation lente qui produit une suppression transitoire de l’activité électroencéphalographique. Ce stimulus bénin qui peut générer une tolérance à l’ischémie de longue durée. Or, l’augmentation du mRNA de la clustérine après CSD est maximale à 7jours, ce qui correspond à la période où la CDS confère une

protection contre l’ischémie. Par ailleurs, dans des modèles périphériques, la clustérine a montré un effet neuroprotecteur après une axotomie (78).

Poursuivant nos premiers résultats et évaluant l’intérêt d’analyser le devenir de la lésion ischémique au cours du temps, nous nous sommes ainsi intéressés à une observation à plus long terme, à évaluer l’évolution spatiotemporelle de l’expression de clustérine après ischémie et à tenter d’en mieux comprendre le rôle.

Pour répondre à la controverse avec l’équipe de Holtzman (76), nous avons fait l’hypothèse qu’au moins en partie, les différences observées étaient imputables à la maturité des tissus étudiés. En effet, contrairement à notre modèle de souris adulte, Han et coll. ont utilisé des modèles néonataux. Nous avons donc approfondi l’étude de l’ontogenèse de la clustérine dans le système nerveux central, dont les résultats ont déjà été évoqués plus haut, mais également étudié sa fonction sur des coupes organotypiques.

Je souhaite donc présenter deux travaux auxquels j’ai contribué

3.   Etudes    

3.1     Sustained   astrocytic   clusterin   expression   improves   remodeling   after   brain  

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