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Même si les premiers clivages idéologiques identifiés parLipset et Rokkan(1967) semblent en déclin en Europe (Kriesi, 1998), le clivage centre-périphérie reste important pour comprendre la politique britannique et plus particulièrement celle des nations celtiques du Royaume-Uni (Katz, 2001; Lipset et Rokkan, 1967). Depuis le référendum de 1997 sur la dévolution, les questions constitutionnelles ont été au centre des discussions poli- tiques en Écosse. Le clivage centre-périphérie n’est pas nécessairement lié au soutien des électeurs ou des partis à l’indépendance de l’Écosse, car les votants ou les formations politiques unionistes4 sont positionnés des deux côtés de ce spectre. Le clivage centre- périphérie au Royaume-Uni divise principalement les électeurs qui s’opposent et ceux qui soutiennent la décentralisation des pouvoirs de Westminster vers les parlements des nations celtes du pays. Plus généralement elle oppose ceux qui défendent une plus grande autonomie politique des nations celtiques du Royaume-Uni à ceux qui veulent la limiter (Alonso et collab., 2015; Bochel et collab., 1998; Denver, 2002; Wheatley et collab., 2014).

Avant 1997, le Parti conservateur et sa branche écossaise ont longtemps été pénalisés sur le plan électoral par leur opposition à la dévolution. Même si le Parti conservateur et sa branche écossaise sont maintenant officiellement favorables à une augmentation des pouvoirs fiscaux du Parlement écossais, des études semblent démontrer que les électeurs conservateurs en Écosse s’opposent encore au transfert des pouvoirs de Westminster à leur Parlement. Curtice (2012) et Denver (2002) constatent que l’identité nationale reste un important prédicteur du comportement électoral des électeurs en Écosse. Les Conservateurs écossais s’identifient beaucoup plus comme étant britanniques d’abord, si

4. Unioniste est le terme utilisé pour définir les partis politiques et les électeurs défendant l’unicité du Royaume-Uni contre les mouvements indépendantistes des nations celtiques du pays.

Figure 1.3 – Perception des électeurs sur le caractère écossais (scottishness) du Parti conservateur écossais

Source : British Election Study Inter-election panels 2014-2017 (n = 1736). Note : Tous les répondants sont Écossais.

ce n’est pas uniquement britannique. En raison de son fort nationalisme britannique et de son association étroite avec le Parti conservateur britannique, le Parti conservateur écossais était également qualifié d’anti-écossais par un nombre significatif d’électeurs d’Écosse (Curtice,2012). Comme le montre la Figure1.3, une majorité5des électeurs en Écosse, après le référendum sur l’indépendance de 2014, estimait toujours que la branche écossaise du Parti conservateur n’était pas assez écossaise. La Figure 1.3 démontre donc le sentiment de méfiance que les Écossais ont encore par rapport à la capacité de la branche locale du Parti conservateur à défendre les intérêts de l’Écosse (Bochel

et collab., 1998; Curtice, 2012; Johns et collab., 2013; McGarvey, 2015; Medeiros

et collab., 2015;Seawright et Curtice, 1995; Wheatley et collab., 2014).

Figure 1.4 – Position des principaux partis britanniques en Écosse sur les échelles économique gauche-droite et culturelle

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Échelle économique gauche−droite

Éc helle centre−périphérie 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Échelle culturelle

SNP Lib−Dem Conservateur Travailliste

Source : British Election Study Inter-election panels 2014-2017 (n = 741).

Note : Position moyenne des électeurs s’identifiant aux partis (Party Id) sur le graphique. Dans ce cas, le positionnement moyen des électeurs s’identifiant à un des partis sur le graphique est un proxy imparfait de la position idéologique de ces mêmes partis politiques sur chacune des échelles. L’échelle économique gauche-droite va de 0 = gauche à 10 = droite. L’échelle culturelle va de 0 = cosmopolite et 10 = communautariste. L’échelle centre-périphérie va de 0 = pro-périphérie à 10 = pro-centre.

Cependant, le Parti conservateur a fait une percée en Écosse aux élections britanniques de 2017. Le Parti conservateur est arrivé à la deuxième place en Écosse derrière le SNP, avec 13 sièges et 28.6% des voix. Il a conforté ainsi sa position du deuxième parti le plus important d’Écosse (Apostolova et collab., 2017; Hawkins,2016). Le résultat du Parti conservateur en Écosse aux élections de 2017 pourrait s’expliquer par un vote rationnel d’électeurs écossais opposés au programme indépendantiste du SNP, après le Brexit. En effet, lors des élections britanniques de 2017, le SNP a promis de tenir un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Écosse à la fin du processus du Brexit. La promesse du SNP a pu rallier les électeurs opposés à son programme indépendantiste au profit d’un Parti conservateur plus intransigeant sur cette question (Hobolt,2018). La Figure

1.4 démontre notamment que les deux partis6 les plus importants d’Écosse, le Scottish

6. La position des partis sur les différentes échelles idéologiques est évaluée à partir du positionne- ment moyen des répondants s’identifiant (Party Id) aux partis. La procédure normale est d’évaluer le

National Party et le Parti conservateur, sont fortement polarisés7 sur l’échelle idéo- logique centre-périphérie. Nos analyses démontrent que le Parti conservateur est plus pro-centre que les autres partis sur l’échelle (7 sur 10 sur l’échelle), alors que le SNP et le Parti travailliste sont beaucoup plus pro-périphérie (respectivement 1 sur 10 et 4 sur 10 sur l’échelle). Par conséquent, une position pro-centre sur l’échelle centre-périphérie pourrait être le facteur prédictif le plus fort d’un vote pour le Parti conservateur dans cette région, car le Parti conservateur est celui qui est le plus pro-centre par rapport aux enjeux liés au clivage centre-périphérie. La deuxième hypothèse de ce chapitre est donc :

Hypothèse 2: Plus les électeurs sont du côté pro-centre de l’échelle centre- périphérie, plus leur probabilité de voter pour le Parti conservateur en Écosse est élevée.

Par conséquent, la position des électeurs sur l’échelle centre-périphérie sera le facteur prédictif le plus important de leur vote pour le Parti conservateur en Écosse, lors de l’élection de 2017.

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